A toi, mon ami

mglow

Le temps offre tout. Le temps prend tout.

Je me souviens encore de notre rencontre entre ces quatre murs,

De cette odeur que j'ai tant détesté après la signature de mon contrat,

De ces blouses blanches qui allaient et venaient sans toujours dire bonjour.

J'avais besoin d'argent. Besoin de faire comme les autres. Besoin de choses.

Et puis, pendant mes pauses, je me baladais dans les couloirs.

Bavardant avec les uns et les autres pour faire semblant de m'intégrer... jusqu'à tomber sur toi.


J'ai toqué. Tu m'as entendu, sans rien répondre. Je n'ai pas insisté.

Je suis revenue, plusieurs fois encore, comme attirée par ton univers. Attirée par la distance que tu installais entre nous. Attirée par ta mauvaise humeur quotidienne. Tu ne t'intéressais pas à moi et j'aimais ça...

Jusqu'au jour où, passant devant ta porte, j'ai entendu tes mots : « entre jeune fille ».


Un été. Une chaleur que je trouvais d'ailleurs trop étouffante.

Et toi, tu n'arrêtais pas : me racontant tes histoires.

Étrangement, J'en oubliais de travailler parfois.

Pourtant, j'en ai vu des chambres, des photos,

des histoires...

Mais ton monde à toi, m'a touché.


J'ai aimé tes mots, ta vie, tes inspirations, ta sagesse,

Ta simplicité, tes moqueries mignonnes et ta fidélité,

Tes odeurs, ton désordre, tes cadeaux douteux (souviens-toi du jus de pomme sous ton radiateur...),

Tes attentes perpétuelles dans les couloirs lorsque tu savais que je venais travailler,

Et ta boxe... Quelle affaire celle-là.

Tes posters, tes peluches étalées sur ton lit,

Ton passé, tes chutes et tes victoires, tes aventures sur le toit lorsque tu y peignais,

Les chansons que tu m'apprenais, ton déjeuné que tu gardais pour les pigeons (à eux aussi tu vas manquer champion!),

Tes figurines en plastique de cyclistes que tu admirais tant,

Ton rire lorsque tu te moquais de moi essayant de parler le wallon à tes côtés,

Et tellement encore...


Ce home. Cette ambiance. Ta chambre.

De visite en visite, tu es devenu comme une référence pour moi,

Papy de coeur. Papy de rires. Papy sage. Papy extra.


Je t'ai vu il y a quelques semaines encore,

Allongé dans ce grand lit et plus lent qu'à nos débuts...

Je savais déjà, par nos silences que tu partirais bientôt,

Je savais déjà que je n'aurais peut-être pas le temps de te dire au-revoir,

Et puis j'ai appris aujourd'hui...


Alors merci pour ces années...

Merci pour ces conseils...

Merci pour ces délires...

Merci d'avoir eu le temps pour moi...

Merci d'avoir donné un sens à ma vie (et à ce job d'étudiant!),

indirectement, lors de mes pauses,

lors de mes cachettes dans ta chambre retardant mon heure de reprise,

lors de mes fins de journée...



Plusieurs fois, nous avons parlé de la mort...

Tu me disais que tu l'attendais, que tu avais déjà tout fait ici.

Et moi, je ne cessais de te répéter que tu étais un champion et que ne rien faire, c'est déjà faire quelque chose

Aujourd'hui, elle est venue te chercher.


Un jour, nous nous reverrons.

En attendant, garde moi des jus là-haut.



Repose en paix,


Léon. 

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