Abandon

Rien n'est acquis, jamais. Il faut toujours se battre pour les choses auxquelles on croit, auxquelles on tient. Sinon, elles nous sont enlevées ou elles s'en vont. Pourtant, la tendance actuelle semble l'abandon. L'abandon de tout ce pour quoi nos ancêtres ont lutté, sont morts, blessés ou ont perdu bien plus. Ils ont fait tout ça pour nous. Pour assurer notre avenir. Ils ont fait ça car ils gardaient l'espoir qu'un jour, le monde puisse changer grâce à eux. Que nous puissions jouir d'un monde sans violence, sans haine, sans tabous, sans clivages sociaux, sans racisme, sans vices… Mais nous laissons tomber. Depuis quelques générations, les gens semblent avoir abandonné le bien de tous pour le confort personnel. On veut profiter à fond de ce qui nous est donné, brûlant nos réserves, sabotant l'avenir des autres. Nous abandonnons. Comme si on en voulait tellement aux générations les plus récentes de nous avoir abandonnés, nous nous refusons d'améliorer le futur pour regretter le passé et consumer le présent. On ne s'accroche plus. On laisse partir les gens qui nous sont chers sans se battre pour essayer de les garder auprès de nous. On oublie ce en quoi nous croyions. Certains conservent cependant une foi malsaine qui n'apporte que de la soif de pouvoir et la destruction massive d'êtres naïfs.

L'abandon. Ce n'est pourtant pas une chose envers laquelle nous sommes très tolérants. Une femme qui dépose son enfant sur les marches d'une église. Un médecin laissant ses patients mourir. Un homme qui s'éloigne de sa famille. Un enfant qui refuse de parler à un de ses camarades de classe. Nous n'avons pas d'indulgence pour l'abandon. Alors pourquoi poursuivons-nous ce rituel absurde ? Ce ballet de la bêtise ? Tant que la fosse commune ne sera pas pleine des victimes de ces abandons à grande échelle, personne ne voudra réagir ? Nous ne soignerons le mal que lorsqu'il sera déjà trop ancré dans nos âmes déchues ? Cela sera inutile, chimérique. Comment pourrions-nous nous débarrasser de ce qui sera devenu un instinct ? Il sera trop tard lorsque nous nous rendrons compte que la solidarité est morte et enterrée. Il sera trop tard quand toute personne sur cette terre pourra se complaire dans la solitude la plus totale. Il sera trop tard quand l'abandon sera la seule option de survie. Il est déjà trop tard…