Accords parfaits

soniadron

Quand Dana Diamonds, chanteuse de jazz envoûtante à la voix suave et enivrante croise le regard d'Allan, un beau brun aux yeux noisette, ou quand la sensualité rencontre l'érotisme...

Dans la pénombre, Allan attendait que Dana Diamonds apparaisse. Chaque soir, c'était le même rituel. Sa nonchalance jazzy et son timbre de voix suave, presque hypnotisant rendaient ces instants uniques. Il osait s'imaginer parfois qu'elle ne venait chanter que pour lui.

Puis, elle arrivait enfin, faisant son entrée d'un pas sûr. Ses escarpins claquaient sur le vieux parquet de la scène silencieuse au rythme d'un métronome lent et régulier. Elle s'installait ensuite sur une chaise haute en bois et croisait ses longues jambes habillées d'un bas de soie, dont le fin liseré imprimé au dos devait certainement s'arrêter à l'attache de ses jarretelles. La lanière en cuir de ses talons était minutieusement attachée au-dessus de ses chevilles. Quant à sa robe, noire, la plupart du temps, laissait deviner le galbe de ses seins. Les projecteurs accentuaient la blondeur de ses cheveux légèrement ondulés qui couraient le long de son dos nu. Elle approchait ensuite ses lèvres, flirtant avec le micro et attendait que le bassiste joue les premières notes. Certains soirs, il n'était pas rare de la voir s'assoir au piano. Ses doigts caressaient lascivement les touches noires et blanches. Allan jalousait cet instrument, il aurait donné n'importe quoi pour être à sa place. Dans les secondes qui suivaient, il fermait les yeux et s'imaginait logé derrière ses formes, promenant ses mains sur ses hanches. De cette façon, il aurait ainsi pu respirer sa peau arrosée des effluves d'un parfum fruité et enivrant. Au lieu de cela, il se retrouvait seul dans son appartement parisien ne pouvant s'empêcher de penser à cette femme. Il s'imaginait violer sa bouche rouge carmin. L'idée de savourer sa peau fine et sucrée le rendait fou. L'envie de se frayer un chemin entre ses jambes et de titiller son bouton dardé avec sa langue le troublait encore plus. Il aurait donné n'importe quoi pour goûter à son arôme avant de pénétrer sa fente ruisselante et dans un rythme régulier, aurait dansé entre ses cuisses jusqu'à ce qu'il sente, monter dans le bas de ses reins, le liquide bouillant et salé prêt à jaillir de son sexe tumescent.

Dana Diamonds se produisait dans ce club depuis quelques soirs. Le ton rouge des fauteuils, les banquettes en velours et les tables rondes semblaient être plantées dans le sol. La scène était en parquet massif et assez grande pour accueillir deux musiciens de part et d'autre du piano. Dana pleurait son amour perdu au rythme des drum brushes percutant la caisse et ses mélodies avaient le don de transporter les âmes blessées.

Le temps passait, les jours se ressemblaient jusqu'au jour où elle l'aperçut, caché dans la pénombre. Un soir, elle prit l'initiative de s'approcher de lui. Micro à la main, elle contourna son siège, effleura ses épaules et remonta sur scène. Elle put ainsi constater qu'Allan était un beau brun dont la peau claire sublimait ses yeux noisette. Ce soir-là, elle tomba sous le charme.

La nuit venue, une fois chez elle et comme à son habitude, Dana faisait le point sur sa prestation. D'une nature exigeante, elle s'obligeait à se remettre toujours en question, mais pas ce soir-là. Ses pensées divaguèrent sans qu'elle ne puisse prendre véritablement le contrôle et c'est ainsi que le bel inconnu fit irruption dans le silence de la nuit. Se laissant dominer, elle s'allongea dans ses draps de soie, fit courir ses doigts tremblants, effleurant la pointe de ses seins lourds qui dardaient de plus belle jusqu'à l'échancrure de sa lingerie trempée puis fouilla en elle jusqu'à l'ivresse. Repue par ses caresses, elle réussit à s'endormir quelques instants plus tard honteusement imbibée de son fluide.

Les soirs passèrent ainsi et les regards pendant les mélodies de Dana devenaient de plus en plus intenses à l'égard d'Allan tant et si bien qu'un soir,  elle l'invita à la rejoindre dans sa loge.

Décontenancé, Allan avait voulu dans un premier temps refuser l'invitation, mais se ravisa. Hésitant toutefois, il resta quelques instants devant la porte close avant de frapper. Dana ouvrit sans attendre. Une bouteille de Ruinart dans les mains, elle expulsa le bouchon entre ses doigts puis l'invita à prendre place dans le fauteuil avant de disparaître dans l'arrière-salle, balançant sensuellement ses hanches. Après quelques minutes, elle réapparut dans un ensemble de soie. Allan se leva avec l'envie de la dominer. À quelques millimètres d'elle, il pouvait sentir son souffle chaud s'écraser contre sa peau. L'attente de lâcher enfin ses ardeurs devenait insoutenable jusqu'au moment où Dana posa enfin ses lèvres contre celle d'Allan. Leurs langues se frôlèrent timidement jusqu'à ce qu'elles se chevauchent. L'envie de glisser sa main sous son déshabillé devenait obsessionnelle. Sa poitrine se souleva au rythme de son excitation qu'il avait de plus en plus de mal à contrôler. « Je vous attends depuis tellement longtemps », susurra la voix douce de Dana dans son oreille, « faites ce que vous auriez dû faire depuis des semaines ». Et dans un élan, Allan mordit ses lèvres, l'adossa contre la porte et plaqua son corps contre le sien. Elle défit un par un les boutons de sa chemise qu'elle ôta lentement et le bouclier de sa ceinture subit le même sort. Elle savait qu'elle devait libérer cette envie compressée sous son pantalon et fit jaillir ce membre dressé qu'elle emprisonna goûlument entre sa langue et son palais. Il ferma les yeux et rejeta sa tête en arrière savourant ce délicieux moment. Suffoquant, il n'osait exprimer le moindre gémissement de peur qu'elle cesse tout mouvement. Il se sentait partir. Puis elle remonta les yeux plongés dans les siens et l'embrassa à perdre haleine. Subjugué, Allan frôla sa langue imprégnée de sa vertu tandis que ses mains dénouèrent le déshabillé de Dana qui se retrouva offerte devant lui. Elle était comme dans ses rêves. Belle, obsédante, enivrante, désirable. Il s'approcha à nouveau d'elle et parcourut son corps de baisers jusqu'au creux de ses cuisses pour s'attarder sur son sexe humide. Il joua avec son clitoris quelques secondes avant de la pénétrer plus profondément de sa langue rose et charnue. Les yeux mi-clos, elle le supplia d'arrêter cette délectation, de peur d'atteindre trop vite l'extase. Il se releva repu, les lèvres humides et l'embrassa à pleine bouche avant de la soulever et de l'installer sur son érection jusqu'à la garde, mais ne put contrôler son désir plus longtemps. Encouragé par les gémissements de Dana, il l'honora dans un rythme effréné jusqu'à sentir la sève monter peu à peu en lui, puis dans un dernier souffle et un ultime coup de reins, il se déversa en elle lâchant un râle puissant. Epuisé, il se libéra de son emprise et enfouit son visage dans le creux de son cou. Ce soir-là, ils se donnèrent l'un à l'autre sans se soucier du lendemain.

Les heures passèrent. Longues. Interminables. L'envie de revoir Dana sur scène était devenue presque obsessionnelle et c'est avec une étrange sensation qu'Allan prit place dans le fauteuil au lendemain de leurs ébats. La salle s'obscurcit, le silence s'installa et le rideau se leva. Les secondes parurent interminables et des pas sur le parquet résonnèrent enfin, mais l'excitation fut de court instant. Ce n'était pas Dana qui se tenait devant le micro, mais une autre femme. Il se redressa sur son fauteuil. La voix de cette femme arrivait comme un bruit sourd et lointain. Les mains moites, il se précipita hors du club comme un fou et resta immobile devant l'affiche. Il reconnut la chanteuse qu'il avait vue sur scène. Il alluma une cigarette lorsque le serveur sortit au même moment. Allan saisit cette opportunité et lui demanda pourquoi Dana Diamonds ne jouait pas ce soir-là. L'homme lui rappela que les concerts privés étaient étalés sur deux mois durant et termina son explication en lâchant les mots comme s'ils étaient évidents : Dana venait de quitter la France pour rejoindre New York. Cette information sonna dans sa tête comme une sentence.

Après cette nuit-là, les saisons se succédèrent inlassablement, tantôt verdoyantes et lumineuses tantôt mornes et grisonnantes. Les femmes qu'Allan fréquentait n'avait ni la saveur ni le pétillant de Dana. Il évitait soigneusement de passer devant le club de jazz qu'il avait fréquenté pendant des semaines, mais sa volonté l'abandonnant rapidement, il se retrouvait toujours devant. Les années défilant, il s'était résigné à tirer définitivement un trait sur cette femme jusqu'au jour où elle refit surface, sur l'affiche du club.

L'homme qui était installé au piano était un être imposant aux cheveux grisonnants. Lorsque le pianiste positionna ses mains au-dessus du clavier, Allan cessa de respirer. Soudain, au centre de la scène, la lumière éclaira enfin un visage. Celui de Dana. Malgré toutes les années passées, elle n'avait pas changé. Elle était toujours aussi belle et désirable.  

Comme elle le faisait quelques années auparavant, Dana s'installa sur une chaise de bar, s'approcha du micro, mais demeura silencieuse, laissant le piano continuer son monologue. La salle resta suspendue à ses lèvres. Les battements de son cœur résonnèrent dans ses tempes. Il était revenu. L'homme qu'elle n'avait jamais cessé de désirer était attablé face à la scène. Elle se leva, serra le micro planté dans le sol et déglutit avant de se lancer : « J'aimerai chanter pour celui que je n'ai jamais pu oublier » et son accent new yorkais se fondit dès qu'elle fredonna les premiers mots.

Le spectacle terminé, Allan se précipita devant la loge de Dana. Cette fois-ci, il ne voulait pas la laisser partir comme des années plus tôt. Il irait lui parler, il lui dirait qu'elle a hanté ses nuits depuis tout ce temps. Il lui dirait qu'il l'aimait depuis qu'il l'avait vue sur l'affiche. Il lui dirait ce qu'il n'a jamais dit à aucune femme. Un bouquet de roses fraîches posé sur la pliure de son bras, il prit son courage à deux mains et frappa deux coups. La porte s'ouvrit.

« Bonsoir Allan, je vous attendais ».

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