Agathe

Agathe a des principes, tellement de principes qu'on dirait Germaine.

Vous allez me dire : Tiens, c'est fini avec Germaine.

Non. C'est juste pour aujourd'hui car Agathe c'est son deuxième prénom – sans doute une idée de sa mère, ah... sa mère – bref, j'ai pas l'droit d'l'appeler Germaine et c'est comme ça tous les 5 février !

« Mon Choupinou, devine quel jour on est » me susurre t-elle dans l'oreille en repoussant la couette pour glisser une main sur mon ventre. Comme si je savais pas quel jour on est... trois jours après la Chandeleur, après l'orgie de crêpes et tout l'reste !

Je réfléchis que l'an prochain on écrira crepe sans accent circonflexe mais ça changera rien au bordel dans la cuisine... faut bien réfléchir à quelque chose quand on vous met une main sur le ventre alors que vous êtes pas du matin.

Germaine, j'veux dire Agathe – j'ai pas intérêt à dire Germaine de la journée – commence à s'exciter ; je sens venir l'amazone puisque par principe elle m'inflige l'amazone, cette position qui lui permet de se caresser pendant que je réfléchis mais j'ai déjà dit ça plein d'fois parce qu'on l'a fait plein d'fois... combien d'fois ?

Oh ça va. J'entends déjà vos commentaires: »Y sait même plus combien d'fois il a fait l'amour en amazone, ni combien de temps ça dure, ni si elle met ses jambes à gauche ou à droite et gnagnagna».

C'est facile de critiquer quand on s'contente d'entrer dans notre intimité de couple par la petite fenêtre! J'me demande si je vais supporter ça longtemps.

Continuez comme ça et j'prends Germaine sous l'bras, enfin dans mes bras et deux billets pour Las Vegas et on s'retire dans l'désert... ça vous fera les pieds et nous des vacances.

J'ai très chaud tout à coup, au moins du 110° Fahrenheit, j'ai cru me rafraîchir en mettant une main entre les cuisses d'Agathe – ça fait drôle de dire les cuisses d'Agathe, j'ai l'impression de la tromper – elle est trempée elle aussi.

Je vais p't'être attendre un peu pour lui lire notre poème.

Oui on a fait un poème avec son deuxième prénom que j'dois lui lire chaque 5 février, par principe.

Ça dit à peu près ça :

T'es mon bandit, ma friponne, ma harpie, mon acrobate

avec toi c'est la mêlée, le combat, ma judokate

on brûle nos calories par milliers de kilowatts

j'aime croquer tes kumquats, c'est du lourd, t'es ma playmate...

J'vous passe la suite parce qu'y a une suite – c'est fou c'qu'y a comme mots en ate – et j'ose pas imaginer le casse-tête (avec trait d'union et accent) si sa mère l'avait appelée Renoncule.

Agathe s'est assise délicatement sur moi, ses deux jambes sur le côté. Ses jambes c'est c'qu'elle a d'plus beau encore que j'aime aussi ses hanches circonflexes et ses p'tits seins aigus... on dirait une jolie cavalière mais pas comme ces femmes altières qu'on voit au musée sur un bourrin... Germaine-Agathe c'est une sauvageonne, une guerrière qui caracole à son rythme sans m'attendre ; c'est Wonder Woman, Barbarella et Lara Croft dans l'même corps.

Moi mon truc ça s'rait plutôt la réflexion mais ça j'l'ai déjà dit aussi (c'est pas la peine de m'le faire remarquer)

Germaine est passée au galop, elle se refuse rien, c'est sa fête aujourd'hui... et la mienne aussi.

Elle hennit, renâcle, me plante ses griffes dans l'torse, coule sur moi et jouit déjà pour la deuxième fois.

« Attends-moi, Agathe ! »

Ça sert à rien de crier mais j'le fais pour elle, Agathe... Agathe... quel drôle de prénom quand on y réfléchit.