AIGUILLES-BAS SANS DESSOUS
mysterieuse
Ceci est la nouvelle avec laquelle j'ai participé au concour Harlequin.
Parmi les 24 présélectionés , j'ai été recalée et ne fais donc pas partie
des finalistes ......je vous laisse découvrir si vous avez la patience d'aller jusqu' au bout
Bonne lecture
« Bonjour Miss Dior
-Bonjour Benjamin. »
Depuis quelques temps, Mathilde ne comprenait toujours pas l’origine de ce surnom dont il l’avait affublée. Il avait subitement oublié son prénom patronymique. Régulièrement, une fois par semaine, puis plus récemment deux fois, il venait prendre des cours de violoncelle à son domicile. Élève assidu au conservatoire de musique dans lequel elle exerçait, Benjamin véritablement doué, avait gravi les échelons presque naturellement. Cependant à l’approche des examens de fin d’année, il avait poliment demandé à Mathilde de lui donner des cours particuliers, bien qu’il ne fasse plus partie de sa classe. L’académique de l’enseignement de Mathilde avait une importance notable dans la sélection et son aide pouvait lui être précieuse .Il l’avait abordée timidement dans les couloirs, et elle avait accepté de l’assister presque instinctivement.
« C’est entendu, Benjamin, disons, le mardi soir, aux alentours de 21 heures serait parfait pour moi. Je dispense d’autres cours, plus les répétitions pour les concerts programmés...
-Je comprends, c’est parfait pour moi, je suis ravi que vous acceptiez, votre aide me sera précieuse plus que vous ne pourriez l’imaginer. »
A partir de ce jour là, il était venu, avec une régularité et une ponctualité surprenante à son domicile. Pire, il lui arrivait même de se présenter à sa porte avec un petit quart d’heure d’avance se transformant rapidement en une demi heure voire plus. Elle s’était habituée à ses avances sur l’horaire, et par complaisance ou politesse, elle lui offrait une boisson avant que d’entamer la leçon. Jusqu’au jour où, par plaisir ou zèle, elle l’avait invité à dîner. Il ne s’était pas fait prier et avait accepté dans l’instant.
La compagnie de Benjamin lui apportait à chacune de ses visites de délicieux moments de convivialité, elle si solitaire qui ne dinait guère qu’en tête à tête avec son chat « Mozart » Elle en avait presque oublié la raison de ses rendez-vous hebdomadaires. Après cette soirée, rien n’avait changé dans l’attitude de Benjamin. Il était resté toujours aussi ponctuel dans ses rendez-vous avancés, toujours aussi appliqué dans ses prises de leçons. Seul son regard avait peut être évolué. Une lueur plus féline, plus masculine avait doucement fait ombre à sa juvénilité mettant en exergue sa virilité dont elle n’avait jusqu’alors pas pris conscience. Elle ne le percevait guère auparavant que comme un jeune étudiant. Ils se respectaient mutuellement vu la grande différence d’âge qui les séparait, bien qu’à chaque effleurement de main ou de corps au cours des leçons et des prises en main de l’archet, elle ait pu ressentir d’insoupçonnables frissons chimiques courir sous la peau de son élève.
Mais rien, rien ne pouvait donner une explication plausible à ce soudain sobriquet de « Miss Dior » Le vouvoiement dont il l'avait toujours honorée avait pris soudain une nouvelle tonalité, une note fleurie et noble. Il avait perdu toute désuétude au profit d'une connotation sensuellement dirigée. Elle en avait même regretté de le tutoyer, tant cette tournure de politesse aurait mérité à ce qu'elle s'adresse à lui à la même personne. Trop tard avait-elle songé, impossible de faire machine arrière. Mais ce soir était encore plus particulier, il était entré, le sourire aux lèvres, un paquet au bout des doigts. Dans sa logique féminine elle avait immédiatement songé que Benjamin voulait la gratifier pour les cours qu’elle lui dispensait depuis quelques temps, de quelques chocolats dont il la savait friande ou bien encore d’un cadeau plus personnel à savoir quelques bougies colorées et odorantes qu’elle aimait disposer çà et là dans son petit appartement .
« Ce jour est très particulier, Miss Dior, c’est notre dernier cours
-Oui Benjamin et tu vas vraisemblablement me manquer, non par habitude, mais du simple fait que je me suis attachée à toi
-Taisez-vous, Miss Dior, vous ne savez pas ce que vous dites. »
Il avait élevé le ton et cet emportement aussi imprévisible que non fondé avait contrarié la violoncelliste.
« Désolée, je ne voulais pas te contrarier »
Il avait radouci le ton, conscient de sa bévue.
« Pardonnez-moi je n’aurais pas du...
-Bon cessons là cette altercation et oublions là tous nos griefs. Mais j’ai une question à te poser. Pourquoi Miss Dior ?
-Voilà je vous ai apporté un cadeau qui répondra à votre interrogation »
Il lui avait tendu fébrilement le joli emballage délicatement parfumé et discrètement orné d’une plume rouge. Lorsque leurs regards s’étaient croisés, elle avait décelé dans ses pupilles un reflet qu’elle ne lui connaissait pas, un éclat particulier qui l’avait obligé à baisser les yeux devant cet élève qui aurait pu être son fils.
Mathilde avait récemment fêté sa cinquantaine, mais demeurait une très belle femme. Cela l’avait amenée naturellement à dresser un bilan de son passé.
Son seul regret de n’avoir pas enfanté, son seul remords de n’avoir pas divorcé plus tôt. Elle avait perdu du temps, un temps précieux qu’on ne rattrape plus et s’était consacré corps et âme à sa seule passion, la musique sacrifiant sa vie de femme à sa dévotion musicale.
Mais Benjamin ne s’y était pas trompé, tout novice qu’il était en matière de femme, il avait discerné en elle une beauté particulière faite de charme à discrétion. A ses yeux, elle faisait partie de cette catégorie de dames, dont on devine au premier coup d’œil qu’elles appartiennent aux plus distinguées. Sa féminité, elle la cachait sous ses vêtements, des robes souvent trop longues, bien trop austères tant dans la teinte que dans la façon, pour ne pas camoufler des trésors riches en sensualité. Tout dans sa gestuelle appelait à la découverte...
C’est ainsi que Benjamin aurait pu passer des heures à la regarder jouer du violoncelle, tant elle dégageait une grâce particulière, véritable alliance musicale et charnelle. Cette adéquation parfaitement harmonieuse entre son corps et celui de son instrument à corde, lui faisait songer, à chacun des cours qu’elle lui prodiguait, à une étreinte érotique riche en sensuel lyrisme. A la vérité, il ne lui avait jamais avoué que ses cours étaient un faux prétexte visant à dissimuler un rapprochement plus intimiste.
Mathilde avait délicatement ouvert le paquet cadeau, mais aussi avec une impatiente fébrilité.
L’excitation de Benjamin était palpable. Impatient de discerner la réaction de Mathilde, il en était devenu pressant
« Allez Mathilde, tu me fais languir
-Mathilde, tu ? Tu ne m’as jamais appelé ainsi, ni tutoyer »
Il avait rougi instantanément comme un enfant surpris en flagrant délit de bêtise.
« Je suis désolé, je suis parfois trop impulsif...
-Ce n’est pas grave Benjamin, tu peux me tutoyer si tu le veux, cela ne me dérange pas, nous nous connaissons suffisamment maintenant, disons plus intimement qu’en classe.
-Plus intimement oui, mais pas assez pour que je puisse vous tutoyer...
-Tu le peux, je t’assure
-Alors Mathilde s’il te plait ouvre le paquet
-Mais que peut-il contenir qui te mette dans un état pareil, je te sens si fébrile
-Ca se voit donc autant ?
-Tu as bien du mal à cacher tes émotions, c’en est même émouvant !
-Je ne veux pas t’émouvoir, juste te surprendre
-Me surprendre ? Que cherches-tu à me dire ?
-Ouvre le paquet, peut être comprendras-tu ? »
Mathilde songea tout à coup qu’il n’était plus question ni de chocolat, ni de bougie, mais de quelque chose de bien plus intime…Sa curiosité activa sérieusement le dépaquetage.
Mathilde avait ouvert la boite rectangulaire. Sur du papier de soie rouge carmin trônait , une carte aux prestigieuses initiales de Dior ,sans mentions particulière ,ni d’indices annoncés .
Avant que de découvrir ce qui se cachait à l’intérieur, elle avait cherché à croiser le regard de Benjamin, qui timidement avait balbutié
« J’espère que... »
Il n’avait pu achever sa phrase, Mathilde, lui avait posé un léger baiser sur la joue, agrémentant son geste d’un « tu m’as gâtée » souriant.
Puis, enfin, entrouvrant l’emballage carmin, elle avait découvert une paire de bas -couture en soie noire dont le galbe préformé épouserait le profil harmonieux de ses longues jambes.
Son regard s’était éclairé d’un éclat typiquement féminin, celui d’une femme comblée par un cadeau personnalisé, puis s’était dirigé subrepticement vers Benjamin, qui avait soudain adopté une attitude coupable.
Il se sentait coupable d’avoir osé, coupable d’avoir peut être offensé Mathilde par un cadeau aussi intime que personnel.
« Benjamin, ils sont magnifiques avait-elle commenté en retirant les bas de leur emballage, et tellement soyeux, avait-elle rajouté »
Il s’était détendu.
« Tu aimes. J’ai pensé que...
-C’est très délicat de ta part
-Oh Mathilde !
-Benjamin !
-J’ai pensé que tu pourras les mettre pour moi »
Afin d’évincer une réponse encombrante, elle avait répliqué par une nouvelle question, stratégie caractéristique de la gente féminine
« Mais qu’est ce qui a bien pu te donner l’idée de m’offrir des bas ? »
Il ne pourrait jamais lui avouer que, un jour, alors qu’il était encore élève dans sa classe, il avait pu apercevoir le haut de ses bas retenus par des portes jarretelles.
Un des pans complices de sa robe, dont l’austérité était sans concurrence possible, glissant légèrement du haut de ses cuisses, avait offert à Benjamin une nouvelle image de son professeur sévère, non dans son autorité, mais dans son apparence.
Depuis, il n’avait plus d’attention que pour cette femme, dont il avait découvert un potentiel de sensualité invisible au regard des autres. Il s’était détourné des filles de son âge qu’il trouvait trop stupides et dépourvues de toute sensualité.
Mathilde était devenue son obsession, l’objet de ses rêves et de ses tentations, sans jamais pouvoir l’avouer à qui que ce soit. Il s’était épris sans s’en apercevoir de Mademoiselle Mathilde, le professeur de violoncelle.
Il lui arrivait parfois, lorsqu’il songeait à elle, de se caresser jusqu’à la jouissance qu’il lui dédicaçait en murmurant son prénom.
Un soir, même, alors qu’il était allé au concert d’Aaron, il avait fait une fixation sur la violoncelliste qui accompagnait l’artiste.
Il avait imaginé Mathilde juste revêtue du même jupon de tulle noir, torse nu, ne jouer que pour lui dans l’intimité d’une alcôve, ses cheveux étalés en boucles sur ses épaules de danseuse d’opéra.
Il avait alors décidé de se rapprocher du professeur de manière subversive afin d’aller jusqu’au bout de ses envies.
« Benjamin, Benjamin... »
Mathilde venait de l’arracher à ses souvenirs ...
« Pardon, Mathilde, j’étais ailleurs...
-Oui je vois, alors, pourquoi des bas ?
-Vous les méritez, vous êtes une belle femme, je suis sûr que vous aimez la lingerie, d’ailleurs je l’ai lu dans vos yeux quand vous les avez découvert. C’est une réponse à Miss Dior
-Oui c’est vrai, mais je ne te crois pas !
-Alors s’il te plait, si tu ne me crois pas, mets ces bas pour moi ! »
Était-ce par politesse ou pour ne pas contrarier son élève visiblement attiré par elle, elle s’était éclipsée un instant, priant poliment Benjamin de l’excuser.
Du fond de la chambre voisine, elle l’interpellait :
« Puisque l’ambiance n’est pas studieuse ce soir, mais plutôt à la festivité et à la légèreté, ouvre donc la bouteille de champagne qui dort dans le réfrigérateur depuis bien trop longtemps »
C’était aussi pour cela qu’il était attiré par Mathilde, cette manière très particulière qu’elle avait de s’exprimer, de façon littéraire et élégante, un peu désuète.
Il rêvait, espérait, soupçonnait que sous sa tenue de grenouille de bénitier résidait secrètement une diablesse de maîtresse « Aiguille-bas sans dessous »
L’instant d’après, il faisait sauter le bouchon de la bouteille de champagne dans l’espoir que les bulles le désinhibent un tantinet.
Il désirait tant cette femme sans pouvoir lui avouer. Les effluves d’alcool, lui qui ne buvait jamais, pourraient peut être l’aider à franchir les barrières de sa timidité.
Mais alors qu’il s’était confortablement installé dans le canapé, attendant sagement le retour de Mathilde, il avait écouté chaque bruit qui aurait pu interpeller son imaginaire. Il songeait à des bruissements de tissus, mais c’est la sonorité suggestive de l’eau ruisselante sur la peau d’une femme qui avait entrouvert un instant une brèche dans ses égarements. Mathilde était en train de se doucher .Qu’avait-elle en tête, pour entamer, alors que rien auparavant ne le laissait soupçonner, une mise en beauté, peut être une transformation qu’il n’osait plus espérer.
Le profond respect qu’il vouait à cette femme aurait du l’empêcher ne serait –ce que d’effleurer l’idée de l’épier. Mais sans une once de culpabilité, il avait entrouvert un peu plus la porte de la chambre déjà entrebâillée, espérant voler une image furtive de sa nudité.
Puis il s’était repris, involontairement, songeant douloureusement que Mathilde pourrait à tout moment le congédier pour ses agissements déloyaux.
Le bruit de l’eau avait cessé, son oreille attentive avait suivi avec pertinence chaque mouvement, chaque geste renvoyé par l’écho de son imaginaire.
En témoin dérobé de la féminité avec un grand F, il savait que tôt ou tard, bien malgré lui, il allait commettre un parjure au risque de perdre toute crédibilité.
« Je vous sers une coupe, Mathilde ?
-Voilà que tu me vouvoies à nouveau, oui s’il te plaît Benjamin, je suis à toi dans cinq minutes, disons ...enfin tu verras ! Mais je t’en prie commence à boire ton verre. »
Le bruit du liquide coulant dans le cristal des verres avait rassuré Mathilde ; elle avait songé un bref instant, que Benjamin, ce soir, aurait pu l’épier à la dérobée.
Et pourtant, après avoir avalé cul- sec sa coupe, le jeune homme, prenant soin de ne pas faire craquer le parquet sous ses pas, avait récidivé dans sa nouvelle tentative d’apercevoir Mathilde dans l’intimité de sa chambre.
L’entrebâillement de la porte lui avait offert une vision à laquelle il avait renoncé un instant auparavant.
Mathilde, juste vêtue de rien, assise sur le rebord de son lit, était en train d’enfiler ses bas. Avec application, de la pointe des pieds jusqu’en haut de ses cuisses elle faisait glisser la matière soyeuse, l’ajustant aux mieux au galbe de ses jambes. Ave raffinement, elle les avait attachés dévoilant par la même occasion l’image sublime de sa croupe enorgueillie par les portes jarretelles. Le reflet du miroir lui renvoyait l’éclat de la féminité dans toute sa splendeur, la beauté d’une femme qui renait à la vie. Lorsque ses yeux s’étaient arrêtés sur le visage de Mathilde, il avait découvert, avec fascination, une nouvelle femme.
De grands yeux noirs étincelants, les cils de rimmel maquillés, une bouche pulpeuse de rouge à lèvre teintée, avaient métamorphosé l’austère professeur en héroïne séductrice d’un roman à inventer.
Il en avait égaré tous ses doutes, cette fois il en était certain, le diabolique de sa féminité retrouvée reflétait une amante aux pouvoirs diaboliques
Sur ces entrefaites et ses réflexions intérieures, il avait abandonné sa posture indiscrète et rejoint le confort du canapé, reprenant au passage une lampée de champagne.
Avant qu’elle ne s’annonce, le parfum épicé de fragrances érotiques avait précédé le retour de Mathilde.
Il se détestait pour ce qu’il venait de faire, violer, à son insu, l’intimité d’une femme dans sa mise en beauté, mais il en jouissait aussi pour avoir eu l’audace de braver les interdits.
Puis elle était entrée, éclairant soudainement l’ambiance feutrée de la pièce de sensualité.
Elle était rayonnante de séduction, ses cheveux en un chignon savamment structuré duquel s’échappaient quelques mèches.
Un corsage de voile, laissait apercevoir par un jeu de transparence, une généreuse poitrine. Mais toute sa séduction résidait dans le choix de sa jupe moulant à la perfection des rondeurs féminines offrant en une seule vision, une cambrure divine sur un cul suscitant à lui seul la concupiscence.
Il savait Benjamin, que sous le tissu noir moiré se cachait l’équipement parfait d’une garce prête à être dévorée par un jeune loup affamé de sa maturité érotique.
Mathilde, avait été émue par la béatitude qu’elle avait découverte dans le regard de Benjamin.
Elle ne savait, si elle devait attribuer l’immobilité passagère de son invité à de la stupéfaction, ou bien, comme elle le pressentait, à la concrétisation de désirs sous –jacents.
Il avait ébauché une réponse à ses questionnement alors qu’elle s’asseyait sur le canapé près de lui, croisant ses jambes de soie voilées, avec une je ne sais quoi de provocateur hautement féminisé.
« Mathilde, je suis sous le charme, je ne sais quoi te dire, oui, ou plutôt trinquons à ta beauté »
Il lui avait tendu le verre dont elle s’était saisie, son regard maquillé planté au fond du sien
Il en avait baissé les yeux, troublé par l’audacieuse qui se révélait à lui.
« Trinquons, à nous, à la chance, à l’espoir, mais regarde moi Benjamin, il faut se regarder au fond des yeux quand on trinque et puis l’instant d’après boire la première gorgée sans reposer son verre »
Il avait obéi, contraint de décrypter ses pensées obscures dans l’opacité de son regard langoureusement féminin.
Il s’était soudain levé, avait contourné le canapé, posé son verre sur un proche guéridon, et impulsivement, se campant derrière Mathilde, avait entrepris de lui ôter sa pince à cheveux.
Il avait libéré sa chevelure, et étalé les boucles sur sa nuque et ses épaules assortissant son geste d’un « c’est beaucoup mieux ainsi. »
« Que fais-tu Benjamin ? Je n’aime pas laisser mes cheveux aller ...
-Attend Mathilde, tu es bien plus désirable ainsi
-Désirable ? Que cherches-tu Benjamin ? Me faire rougir, tu as réussi »
Effectivement les joues de Mathilde s’étaient empourprées. Pour se donner une contenance face à ce trouble qui la gagnait, elle avait avalé une longue gorgée de Champagne. Il avait continué dans le silence son apprentissage de garçon coiffeur, glissant sa main à la base de la nuque de Mathilde, ne manquant pas d’effleurer ses épaules. Elle s’était laissée faire, avec dans son port de tête une nette tendance à l’abandon, celui d’une femme dérivant subrepticement vers le désir de l’autre. Ses yeux pour témoin s’étaient doucement clos sous les doigts caressant de Benjamin, et c’est ainsi privée de sa vision, qu’elle avait ressenti des frissons parcourir son corps, lorsque ses mains s’étaient égarées un peu plus loin sous son corsage échancré.
Toute rationalité était en train de la quitter, elle s’abandonnait doucement vers cet état si doux et si particulier que suscite l’attirance quand elle en est à ses balbutiements.
Il y avait si longtemps que les mains d’un homme ne l’avaient pas effleurée. Elle avait bien eu un ou deux amants, dans la fugacité, mais rien qui n’imprime son cerveau de souvenirs frappants. Cet enfant, ce jeune homme, sans son consentement, ranimait un érotisme dont elle avait oublié jusqu’à la signification. Il n’était pas sérieux d’ainsi se laisser aller aux audaces de la jeunesse, mais au fond, elle espérait qu’il franchisse les limites d’une irréversible tentation.
Perdue dans ses égarements, elle n’avait pas ressenti son cœur s’accélérer, ni son souffle haleter, elle désirait juste sous le bleu de ses paupière que Benjamin lui dise combien il la désirait. Peut être ne serait-elle qu’une aventure de plus, une expérience sexuelle pour le jeune homme séduisant qu’il était. Elle n’avait plus accordé aucune importance à toutes ses questions lorsque, dans son cou, elle avait ressenti la bouche humide et chaude de Benjamin se poser et descendre sur son épaule. Les frissons léchaient maintenant ses jambes, de ses chevilles fines jusqu’en haut de ses cuisses. Benjamin, appliqué à découvrir le goût de sa peau sous ses lèvres, sous ses dentelles, lui était apparu comme un divin trublion.
Elle avait préféré pourtant se détacher de ses érotiques divagations, par retenue ou peut être sans se l’avouer, par jeu de séduction.
L’attirance que lui témoignait Benjamin aussi imprévisible que flatteuse avait fait ressurgir en son for intérieur le troublant souvenir de la femme qu’elle était, émouvante, ensorceleuse dans ses capacités à se faire désirer.
« Si nous allions dîner en extérieur Benjamin, il y a bien longtemps que je ne m’autorise plus ce genre de fantaisie
-Dîner, es-tu sûre que ce soit ce que tu désires ?
-Tu sauras bien assez tôt, ce que je désire, accorde moi ce dîner en attendant ...
-A une seule condition... »
Sans attendre son accord, il avait plaqué ses lèvres contre les siennes, son corps contre son corps, pris sa tête entre ses mains, et s’était appliqué dans un long baiser torride et mouillé, de ceux dont elle avait oublié la saveur et la félicité.
Il venait de baiser sa bouche qu’avant de la baiser, son sexe et son esprit en étaient étourdis.
« Accordé », avait-elle ajouté lorsque Benjamin, ivre de sa saveur, avait relâché l’étreinte de sa bouche intrépide. Ses dentelles de désir étaient toutes
Lorsqu’elle s’était levée pour prendre son manteau, Benjamin avait enrobé la silhouette de la femme d’un regard doux, celui d’un jeune homme ému par la délicatesse de la féminité murissante.
Il ne soupçonnait en rien, combien à cet instant précis, Mathilde se retenait pour ne pas surseoir à ses pulsions.
« Prêt, Benjamin, je connais un petit italien tout près d’ici où l’on mange de délicieuses pâtes à l’encre et puis ils servent un chianti délicieux »
Elle était enjouée dans sa manière de s’exprimer, une vraie gamine dans un corps de femme enveloppé d’un trench anoblissant sa silhouette et sublimant ses jambes finement galbées.
Elle avait transgressé les désirs de Benjamin en suspendant leur étreinte, mais la fierté de sortir au bras de Mathilde, lui avait fait tout oublier de sa déception.
Loin d’être une désillusion, cette escapade nocturne improvisée s’avérait être une concrétisation de leur complicité.
Il n’osait plus la regarder, de peur qu’elle ne lui rapproche son baiser. Mais comment aurait-il pu en être ainsi, puisque, il l’avait ressenti, cette fiévreuse démonstration pulsionnelle l’avait emplie d’émoi.
Sur le parcours jusqu’au restaurant, elle n’avait pas arrêté de parler, comme elle ne l’avait jamais fait auparavant, elle d’habitude si réservée s’avérait être volubile.
Elle se disait si heureuse de sortir, elle se disait si contente qu’il ait accepté son invitation, elle se disait chanceuse de l’avoir rencontré, et lui il l’écoutait tout simplement enchanté de son rayonnement.
Puis elle s’était interrompue, brutalement, comme si le temps s’était suspendu, et l’avait embrassé amoureusement et goulûment à la fois sous le regard pétrifié des passants anonymes. L’inconvenance de cette nouvelle réaction avait conforté Benjamin dans ses impressions que cette femme n’était celle dont elle donnait le reflet.
Il avait aimé la provocatrice, la rebelle quand elle s’était retournée sur l’indiscrétion d’une passante outrée en lui jetant en plein visage
« Et bien quoi, n’avez-vous donc jamais été amoureuse ? »
Ils avaient ri longtemps ensemble de la réaction pour le moins revêche et malpolie de la vielle dame
« Mon Dieu, vous devriez avoir honte »
- Dis-moi Benjamin, de quoi devrais-je avoir honte, d’être heureuse ? »
Il n’avait pas répondu ou presque, il avait juste glissé son bras autour de sa taille de la complicité dans le regard.
« Tu devrais avoir honte d’être aussi belle
-Là c’est trop, jeune homme...
-Oui je sais .... »
Et puis rapprochant sa bouche de son oreille, il avait rajouté
« Tu devrais avoir honte de me faire bander en public
-Mais c’est cela qui me plait
-Je le savais, c’est aussi pour cela que tu me plais, ton autre personnalité »
Ils étaient entrés dans le petit restaurant....
« Bonsoir Angelio
-Madame Mathilde, quel plaisir, il y a si longtemps. La dernière fois c’était...
-Oui Angelio, c’était ...oublions
-Enzo, La table du fond, per la dona Mathilde, allez, allez ...
-Angelio, je vous présente Benjamin....
-Ravi de faire votre connaissance, je suis ravi que vous ayez fait sortir votre tante
-Non, Angelio, vous faites erreur, ce Benjamin là n’est pas mon neveu, mais...
-Son amant, je suis son amant ! »
Mathilde avait jeté un regard réprobateur à Benjamin qui avait savouré cette réplique comme une réponse malhonnête à son baiser public.
Une fois installée dans un coin discret du restaurant italien, elle l’avait réprimandé comme un petit garçon !
« Mais que t’a-t-il pris de dire que tu étais mon amant, je suis furieuse, je connais Angelio depuis longtemps ...
-Oui j’ai cru comprendre, tu l’as d’ailleurs interrompu, avais-tu peur qu’il dévoile tes secrets
-Mes secrets ? De quels secrets parles- tu ? Je n’ai rien à cacher...Tiens-tu vraiment à me mettre en colère
-A vrai dire, je crois que cela ne me déplairait pas...Tu es toujours tellement sereine, tellement identique à toi-même, enfin celle que je connais. Je suis sûr que la colère te va à ravir... »
Elle avait succombé un court instant aux répliques pertinentes de Benjamin et pour se débarrasser d’explications embarrassantes, elle avait écourté le sujet en changeant de discussion.
« Benjamin, j’ai une question à te poser. Miss Dior pour les bas, je comprends, mais pourquoi des bas ? J’attends une explication plausible ... »
Le regard de Benjamin avait subitement changé...Il allait devoir lui avouer que ...
« Tu ne veux pas me répondre. Et bien je vais te dire ce que je pense .Comment ai-je pu occulter cela ?
-Non je vais t’expliquer !
-Je vais t’expliquer. Je crois, je pense que tu as du découvrir un jour que je portais des bas ...et le jeune homme que tu es, a commencé à s’inventer des histoires, à imaginer une femme, moi...
-Je t’arrête. Tu as raison pour le début, mais après, ce fut pour moi une lutte pour ne pas t’avouer que...
-Que ?
-Que tu me plaisais, que tu me plaisais même beaucoup. Je n’avais aucune chance perdu au milieu de tes autres élèves, alors me pardonneras-tu, j’ai inventé la nécessité de cours particuliers pour me rapprocher de toi.
-Du désir, de l’amour ?
-L‘attrait d’une femme, une vraie femme qui fourvoyait le jeune étudiant. Je me suis égaré, cherchant à te séduire, mais jamais tu ne t’es montrée réceptive à mes égarements
- Comment pouvais je penser que...
-Que tu es bandante Mathilde ! Tu es fascinante, pourquoi te caches-tu ?
-Bandante ! Je prends cela comme un compliment. Mais je ne me cache pas Benjamin, juste je me suis oubliée par dépit.
-Je suis sur que tu es une vraie garce sous ton manteau de nonne !
-Benjamin !
- Prouve-moi le contraire !
-Que veux-tu ?
-Te baiser encore et encore et par pitié ne m’évoque pas l’excuse de la différence d’âge »
Elle était sidérée par ces aveux soudain, sans pouvoir lui avouer, que certains soirs, une fois les cours finis, elle avait espéré qu’il l’effeuille doucement avant que de lui faire l’amour.
Sa vie de femme s’était arrêtée ici, même, dans ce même restaurant, deux ans auparavant.
Son amant du moment en qui elle espérait avait eu la riche idée de donner rendez-vous à une de ses conquêtes dont elle ne soupçonnait même pas l’existence une heure auparavant.
Tout s’était enchaîné très vite, il s’était avéré vulgaire et méprisant, la traitant en public de vieille salope sur le retour, alors qu’elle lui reprochait une tromperie illégitime et impardonnable. Sa réaction avait été pulsionnelle, lui envoyant une carafe d’eau en plein visage, sous le regard médusé des clients. Les applaudissements de la clientèle avaient clôturé la soirée ainsi que sa vie de femme. Plus jamais elle n’était retournée dîner chez Angelio, honteuse que son amant ait pu ainsi l’outrager publiquement et plus jamais elle n’avait succombé aux charmes d’un homme si séduisant soit-il !
Les égards que lui accordaient Benjamin en ces instants étaient en train de restaurer cette confiance en elle qu’elle avait perdu sous les vexations d’un ignominieux amant qui n’en méritait même pas le nom.
Pire, des émergences érotiques encombraient son esprit au point qu’elle ne savait plus si elle donnerait une suite à l’apéritif.
Les antipasti arrivant à profusion sur la table, la jovialité latine d’Angelio sous sa toque de cuisinier avaient ôté tout projet d’escapade improvisée.
Elle était en train de payer sa dérobade, mais pour, oh combien la combler dés son retour dans ses appartements.
Le repas s’était déroulé sans aucune anicroche, sous le regard bienveillant d’Angelio, qui conscient du bonheur retrouvé de Mathilde, avait multiplié ses apparitions parfois trop obséquieuses pour être spontanées. Les italiens sont inimitables en matière de louanges, ils ont toujours peur de ne pas en faire assez, mais Angelio le pizzaiolo, comme il se plaisait à se nommer, battait tous les records.
Mais ces interventions inopinées avaient eu le mérite de faire rire Benjamin. Il riait comme un enfant, un rire communicatif et vif dont Mathilde était friande. Sous ses regards en biais, elle osait à peine le regarder. Elle cherchait une note, une seule note qui aurait pu la dissuader de tomber dans ses bras. Il était si vivant, si émouvant, si....Alors qu’elle essayait sans pouvoir y parvenir de se trouver une excuse pour ne pas succomber , Benjamin , avait glissé une main sur sa jupe , puis sous sa jupe , empourprant par son audacieuse attitude , les joues de Mathilde déjà bien rosies par les effluves de Chianti et autre limoncello dont l’italien n’était pas avare.
« Bon Angelio, merci pour cette délicieuse soirée, mais nous allons rentrer, il est tard ...Pouvez-vous me donner l’addition ?
-Non, non laissez, c’est pour moi, je suis tellement content de vous revoir, et puis pour le petit aussi
-Le petit ? C’est de moi que vous parlez Angelio ? Je ne suis pas si gamin que cela j’ai 27 ans !
-Tu sais petit, tu as beaucoup de chance, Mathilde est une Madonna, elle est si belle .Prends soin d’elle et ne lui fait jamais de mal, elle a assez souffert comme ça... ou tu auras à faire à Angelio, foi d’Italien »
Ce disant il lui avait donné une grande claque amicale dans le dos comme il aurait pu le faire à son propre fils, puis les avait raccompagnés jusqu’à la porte.
Il pleuvait, Benjamin avait enrobé Mathilde de ses bras.
« Que voulait-il dire, pourquoi as-tu souffert ?
-Ne l’écoute pas, Angelio est juste un peu jaloux de ta jeunesse sûrement »
Ils avaient couru de porte cochère en porte cochère essayant de s’abriter des averses plus violentes, mais lorsqu’ils avaient enfin rejoint l’appartement, ils étaient trempés.
Mathilde s’était ébrouée comme un chien alors que Benjamin la débarrassait de son trench.
Sous le manteau Mathilde exhalaient des fragrances de parfum épicé de sensualité, codes synonymes de déviances érotiques.
Elle avait récidivé. Dans l’urgence, elle avait embrassé Benjamin avec fougue, de la fièvre dans le regard, de la faiblesse dans ses frissons éparpillés sur tout son corps et jusque sous sa peau.
Une attirance presque magnétique planait au dessus du couple, qui empreint d’un incommensurable désir n’arrivait à dessouder leur lèvres.
A chacune des respirations de Mathilde, Benjamin ressentait sa lourde poitrine gonfler et cet effleurement tout en chaleur épidermique avait éveillé en son for intérieur une bien troublante gourmandise de dévorer ses seins.
Avec une douceur presque féminine, il avait défait un à un les boutons du corsage de Mathilde, glissant de temps à autre une main chaude sur son ventre .En totale confiance elle avait redécouvert ces plaisirs sourds et imprégnant qui font qu’une femme décline lentement vers un bien être sensuellement érotique.
Elle avait redécouvert les bienfaits des caresses masculines, l’agréable douleur des morsures tactiles sur des seins avides de baisers, et cette douce chaleur envahissant vos entrailles avant que de mouiller vos dentelles intimes ...Elle avait redécouvert, alors que Benjamin poursuivait son effeuillage savant, combien il était bon de désirer et d’être désirée. Elle en avait tout oublié, la différence d’âge n’était plus une barrière. Elle savait dans le regard de l’autre qu’elle allait aimer ce garçon comme une vraie guerrière si ce n’était jusqu’au bout de la nuit, au moins jusqu’au bout de ses désirs.
Sa pudicité conséquente de sa longue abstinence, aurait du faire de sa demi- nudité, face à ce jeune loup, une gêne légitimé .Mais ce regard, ce regard que Benjamin portait sur elle, lui donnait envie d’être belle, impudique et soumise aux audaces érotiques dont il lui disait qu’il allait l‘honorer.
Il s’était arrêté de la déshabiller lorsque après lui avoir ôté sa petite culotte, alors qu’elle n’était plus que juste vêtue de bas, talons aiguilles et porte jarretelles, il lui avait clamé :
« Tu es tellement belle, je le savais, je ne m’étais pas trompé. »
L’audacieuse de jadis avait refait surface. Les paroles élogieuses loin d’être les menaces d’un amour trop fugace, l’avaient désorientée au point que, sur l’instant, elle avait endossé le rôle de la garce dont Benjamin rêvait tant.
Repoussant du pied la chaise qui la gênait, elle avait déposé avec une diabolique grâce les rondeurs de sa croupe, et écarté ses cuisses avec une indécence suffisamment calculée pour que Benjamin découvre son sexe peau de pêche et sa fente gourmande.
Le regard qu’il lui porta oscillait entre admiration et exploration, désir de découverte mais aussi stupéfaction. Cette femme offerte dont il avait si souvent rêvé était en train de se concrétiser, là sous ses yeux ébahis et brillants de désirs illimités.
Son approche s’était faite soudain malhabile, imprégnée de désir et de timidité.
Mais les yeux de Mathilde, d’habitude si discrets, reflétaient une invite à l’audace du jeune homme, une incitation effrontée à venir la sonder, repoussant les frontières des limites autorisées par cette foutue morale qu’on lui avait inculqué.
L’audacieuse menace de ce regard charmeur avait précipité ses désirs de lui prouver combien, cette femme mature qui s’était résignée à ne plus savoir séduire, lui, le jeune élève pusillanime, combien il la désirait, combien il la convoitait.
Elle si volubile en début de soirée, s’avérait soudainement muette, dans l’attente discrète que Benjamin appose ses lèvres sur son sexe émouvant tant il lui était offert, insolent, presque scandaleux.
S’approchant doucement entre ses cuisses ouvertes, il s’était délecté, sous la douceur de ses doigts fébriles de cette humidité signifiant « je te veux », alors même que Mathilde, déjà plissait ses yeux.
Son bouton merveilleux, gorgé d’une impatience au plaisir, appelait au délit, à un viol consenti de sa troublante féminité.
Comme une prière, elle l’avait invité, oubliant les manières et les civilités
« Viens Benjamin. Je me veux tienne, fais ce que tu veux de moi, je te désire tant et bien plus que ça. »
Ses bas, ses jambes si fines, ce V si intime avaient exacerbé la fougue de Benjamin.
Elle s’était lancée dans des aveux illicites qu’il n’avait jamais soupçonnés.
« Combien de fois n’ai-je rêvé que tu détaches le violoncelle d’entre mes cuisses pour venir t’y glisser et t’abreuver du plaisir que tu pourrais me donner.
Loin des inhibitions, il s’était évadé. De sa bouche, il avait parcouru chaque parcelle de sa peau
Sous les frémissements de sa peau inondée de codes érotiques, anticipant de manière cérébrale sur les conséquences de ses agissements, il avait entrevu une éruption sismique et sensuelle. Elle avait ponctué cette vision onirique, d’aveux de pénitence, le priant, gémissante, de la punir de ses péchés de luxure et autre lubricité dont elle était friande. Au bord de la rupture, elle se voulait décadente, pour retrouver le goût des amours impudiques.
Oubliant l’instructrice au profit de la femme criante d’érotisme, Benjamin avait écarté un peu plus grand ses cuisses, son regard captivé par la louve attirante, sa bouche folle de désir pour son sexe licencieux.
La, si respectable Mademoiselle Mathilde, professeur de violoncelle, venait entre les bras de Benjamin de troquer son costume de nonne contre celui d’une damnée.
Cette offrande féline avait éveillé en lui un grand regret, regret légitime de n’avoir osé plus tôt la contrarier des sentiments illicites qu’à son égard il éprouvait.
Son sexe pour témoin, bandé à l’extrême, il allait la baiser autant qu’elle le voulait et même plus encore tellement son abstinence se révélait à présent douloureusement stupide.
Son désir à elle était bien différent de celui que pouvait ressentir le jeune homme à son égard.
Elle était femme à aimer prendre son temps, elle était femme généreuse, tactile et envoûtante, maîtresse femme, mais aussi tendre amante, quémandant des mots d’amours et des baisers, tout aussi bien que des caresses plus vicieuses.
Son goût prononcé pour la sensualité, lui avait valu bien des déboires. Son attirance pour l’érotisme l’avait poussée bien malgré elle, érotomane culturelle, à se perdre dans des aventures aussi sensuelles qu’illusoires.
Lasse de pleurer, sur ses amours perdus avant que d’être conquis, exécutant un repli sur soi même, elle avait préféré l’abstinence à la souffrance sentimentale, la rémission au parjure.
Peut-être avait-elle donné trop et trop vite à ses amants, peut-être les avait-elle trop comblés dans la luxure bien avant que de leur avoir avoué qu’elle les aimait.
Elle aimait faire l’amour, elle aimait s’offrir en partage dans des étreintes aussi voluptueuses que censurées, mais elle aimait aussi désirer et être désirée car elle souffrait d’une grande carence affective, elle endurait le manque d’amour comme l’attribut de son destin.
Alors quand elle avait regardé Benjamin, sa bouche dévorante, le plaisir au bleu de ses paupières, elle avait décidé instinctivement qu’elle allait l’aimer, lui ce jeune homme insolent qui l’avait détourné de ses vœux de chasteté, qu’elle allait l’adorer
Allait-elle parvenir à résister longtemps à la fougue amoureuse de ce trop jeune amant ?
Il avait emporté dans ses bras la femme malmenée par l’impétuosité enthousiaste dont il faisait état.
Mais elle n’avait opposé aucune résistance, aucune rébellion, s’était laissée porter par l’érotique pulsion qu’il lui offrait en hommage à sa féminité.
Alors qu’il l’avait allongée sur les draps froissés, il lui avait murmuré des mots doux à l’oreille, ânonné des « tu es si belle » et des « je t’aime »
Elle était sous le charme de ce troublant garçon, elle en avait oublié toutes ses rationnelles promesses.
Avec délicatesse, mais aussi de la fébrilité dans ses gestes désordonnés, elle avait débarrassé Benjamin de sa chemise trop sage.
Il était fort bien fait, une beauté presque rare, lui rappelant l’esthétisme des statues grecques
Elle l’avait regardé méticuleusement, il en était gêné, tant le regard de Mathilde était déstabilisant. Mais elle avait poursuivi ses désirs, effeuillant Benjamin de tous ses vestiges vestimentaires.
« Envie de te toucher, envie de te sentir, Benjamin
-Tout ce que tu veux Mathilde
-Viens près de moi »
Elle l’avait caressé, de la base de son cou jusque sous son bas ventre, s’égarant longuement sur son poitrail musclé, en baisers parfumés et morsures innovantes. Benjamin avait aimé la regarder le caresser ainsi. Elle avait allumé des étoiles sur son ventre, et enorgueilli son sexe d’une noble raideur pleine de convoitise. Elle avait poursuivi ses tendresses érotiques, son regard assassin bien campé dans celui de Benjamin.
Alors sans prévenir, tendrement, il s’était allongé sur elle, la couvrant de baisers des pieds jusqu’à la tête, et en accord parfait avec les attentes discrètes de Mathilde, il l’avait pénétré.
Mathilde avait gémi, puis, honorant l’érotique intrusion de spasmes et de frissons, elle avait presque inconsciemment enfoncé ses ongles rouge grenas dans les fesses musclées de Benjamin, l’invitant, le souffle haletant, à la prendre violemment.
« Je veux me perdre en toi, lui avait-il murmuré, je veux te faire revivre avant que de me noyer dans ta source, je veux t’aimer d’amour, sans espoir de retour »
Au bord des yeux noirs de Mathilde deux perles s’épanchaient, deux larmes de plaisir délatrices d’émotion et de désillusion.
Car elle pensait Mathilde que, juste au bout de la nuit, Benjamin partirait pour ne jamais plus revenir.
Le souffle court, son sexe bandé à l’extrême, lui, Benjamin il la baisait passion, envahissant sa fente des amours interdites, unissant Mathilde, sa maîtresse adorée à son proche destin dans la continuité.
« Je t’aime Mathilde, j’ai tant besoin de toi »
Alors qu’ils s’étaient rejoints dans la jouissance primaire, puissante, bestiale, les mots de Benjamin résonnaient dans la tête de Mathilde comme la douleur lancinante d’une migraine persistante.
Une voix intérieure lui ordonnait de fuir cet amour impossible, mais son côté anarchiste entrouvrait une brèche dans cette sagesse l’empêchant d’écouter la voix de la raison.
La sensibilité de son amant dépourvu des vices dont ses autres partenaires l’avaient accablée, avait insidieusement dessiné l’ébauche d’une aventure peu ordinaire, une passion certainement dévastatrice, mais bien plus belle en sensation qu’une relation conventionnelle.
Benjamin, son jeune élève quelques heures auparavant, avait franchi allégrement dans l’insouciance de sa jeunesse, toutes les barrières dont elle avait jalonné sa truculente sexualité dérobée.
Savait –il pauvre Ange, combien cette femme enrobée de mystère derrière ses tenues sévères, combien cette femme désirait que lui, le jeune trublion redonne le jour à ses dérives.
Diablesse de la première heure, elle n’était en vérité tombée que sur des amants médiocrement érotisés.
Mais dans l’instant, elle était en train de succomber sous les caresses affectives de Benjamin, qui inlassablement couvrait chaque parcelle de son corps, exprimant sur sa peau encore moite de plaisir, des frissons désordonnés et convulsifs.
Il était bien encore trop tôt pour lui dévoiler quelle maîtresse abusive elle pouvait être quand elle aimait, quand elle aimait vraiment.
Elle avait ressenti les sentiments de son jeune amant dans sa manière de la dévorer, un mélange de pudeur et de voracité, cet amalgame épicé qui transforme la montée du plaisir en un véritable sacerdoce, une distinction épidermique et sensuelle en matière d’érotisme.
Elle s’était prêtée totalement en abandon au jeu suave de ses lèvres, sur sa poitrine généreuse, sur ses tétons langoureusement frissonnants, jusqu’à ne plus pouvoir résister à ses pulsions, ses désirs réprimés par trop de S’arrachant à la voracité voluptueuse de son amant, elle s’était saisie du premier vêtement à portée de sa main, par pudeur ou par magie, enveloppant sa nudité d’une tendancieuse provocation.
Elle avait enveloppé son exquise féminité d’une chemise masculine, dévoilant entre pudicité et incitation, la peau satinée de ses seins blancs Lorsqu’elle avait quitté la couche, décor feutré de leurs ébats, Benjamin avait vu se défiler la silhouette d’une femme qu’il adorait, mais sa vision s’était floutée sur la nouvelle apparence qu’elle lui offrait.
Ses cheveux ébouriffés, ses yeux cernés de bleu, ce bleu que l’on attribut à l’image des amoureux les plus fougueux, l’avait ému, l’avait troublé, tant Mathilde se révélait bien plus amante qu’il n’y croyait.
Cette apparente sérénité qu’elle dégageait après l’amour l’avait incité à plus d’ardeur, mais aussi à plus de respect, plus d’estime pour son autorité de femme dévorante de passion réprimée.
Les pans de la chemise recouvrant presque impudiquement la naissance de son délicieux petit cul exhortant à la débauche, au dépassement des convenances, lui donnait l’élégance d’une amante qui vient de faire l’amour en ne songeant qu’à recommencer.
Mathilde avait ressenti la lubricité de ce regard se poser sur elle .Instinctivement, elle avait rajouté une note diabolique à l’excitation, une touche sensuellement émotive dans le grenat de sa bouche
Cette bouche prometteuse s’était pourtant perdue en volubilité.
Sa remarquable loquacité, alors qu’elle était à peine revêtue de sa chemise, assise en tailleur sur les draps froissés, comme une jeune étudiante, cette faculté époustouflante de narration avait captivé Benjamin
Il avait soudainement oublié qu’il était encore nu, il avait soudainement oublié que quelques instants auparavant, il était en train de l’aimer brutalement.
Il ne savait pas Benjamin, qu’elle allait lui dévoiler une personnalité qu’il n’aurait jamais soupçonnée.
« Benjamin, regarde moi, et maintenant que va-t-il advenir de nous ?
-Je ne sais pas, je t’aime Mathilde
-Ne dis pas des choses que tu pourrais regretter... »
Sur ces mots elle s’était levée, leur avait servi deux verres de vin, puis avait déposé sur la platine un CD dont Benjamin soupçonnait le genre musical.
Sa passion pour la musique, leur goût commun pour le violoncelle, les avaient rapprochés, il était comme évident, qu’elle allait sceller leur rencontre par un morceau qu’ils affectionnaient particulièrement.
Il était loin d’imaginer que quelques secondes plus tard, il allait découvrir Janis Joplin, dans un de ses morceaux les plus mythiques « Summertime »
Il avait regardé Mathilde écouter le morceau, écouter était un piètre mot pour décrire avec quelle émotion, elle s’était imprégnée de la voix si particulière de Janis.
Puis elle s’était perdue en explication, s’abreuvant entre deux détails sur l’éphémère existence, mais non moins riche de la chanteuse, d’une gorgée de bordeaux.
« Benjamin, connaissais-tu Janis Joplin ?
-Non, enfin pas vraiment, mais elle est stupéfiante
-Ou, par bien des points cette femme est surprenante ...
-Comme toi Mathilde, j’étais loin d’imaginer que ...
-Que j’écoutais autre chose que de la musique classique, tu ne connais rien de moi Benjamin, juste une image, un peu comme Janis du reste ....
-Ah oui, pourquoi, dis tu ça ? »
Mathilde avait allumé une cigarette
« Tu fumes ? Je ....
-Arrête de me prendre pour une sainte ...J’ai beaucoup fumé, pas que du tabac du reste, mais bon, la fumée te dérange, Benjamin ?
-Non je t’en prie, tu me sidères, j’ai l’impression de découvrir une autre femme, et pire j’ai encore plus envie de toi...Alors pourquoi ressembles- tu à Janis ?
-Et bien Janis Joplin était loin d’être la fille agressive qu’elle affichait en public, c’était une femme timide et très sensible. Tu vois un peu à l’inverse de moi....
-Il est vrai que je n’aurais jamais soupçonné que...
-Que, Benjamin, j’ai été étudiante avant que d’être femme, j’ai eu très tôt une vie peuplée d’amours volages, rien ne nous l’interdisait dans les seventies .J’avais à peine 12 ans quand Janis est morte, et je ne l’ai découverte que quelques années plus tard, mes années fac...
-Et, où veux –tu en venir ?
-Nulle part, arrête de chercher des explications à tout...Elle a eu juste la chance de vivre son époque pleinement, même si cela l’a tuée.
Elle a vécu des tas d’aventures d’une nuit avec les plus grands de cette époque, Jim Morrison, ou encore Éric Clapton, pour les plus connus, et notamment Léonard Cohen qui a écrit une chanson en son honneur.
-Tu sais, je me sens comme un con de t’avoir offert des bas- couture...
-Non, il ne faut pas d’ailleurs regarde, je ne les ai pas quittés. »
Elle l’avait embrassé, ôté sa chemise, puis s’était allongée sur lui comme une prédatrice...
« Je vais te faire l’amour, Benjamin, peut être t’aimer, et alors toi aussi tu auras peut être envie d’écrire une musique pour moi
-Comment sais-tu que j’écris de la musique ?
-J’en sais beaucoup plus sur toi que toi sur moi.
-Tu es si mystérieuse
-C’est bien pour cela que tu m’aimes ...
C’est vrai ! »
Avant que de le rejoindre sous les draps, elle avait recherché le morceau de Cohen, elle l’avait posé sur la platine.
Elle savait qu’elle allait se perdre dans cette aventure, souffrir aussi, mais pour l’instant le souffle court et le regard brillant, elle allait prendre un plaisir insensé à se vautrer impunément entre les bras de son jeune amant. Elle avait mordu les lèvres de Benjamin jusqu’au sang .La vie était bien trop courte pour passer à côté. Alors qu’elle s’appliquait à se confondre en délicates caresses sur le poitrail de Benjamin totalement dépourvu de poil, qu’elle posait de doux baisers mouillés sur sa peau, la pluie s’était mise à tambouriner sur le velux entrouvert.
Cette averse soudaine l’avait faite frissonner privant tout à coup de toute spontanéité son entreprenant périple sensoriel. Sans compter sur Mozart, de retour de son escapade nocturne bien trop humide pour un chat, qui sans aucune invitation était venu se réfugier contre le corps de sa maîtresse.
« Je crois que les éléments nous sont hostiles, c’est peut être un signe Benjamin, nous sommes déjà maudits par tous les dieux du ciel, Zeus et Jupiter réunis nous on jeté la foudre.
-Et toi tu es aussi mystérieuse qu’Artémis et aussi belle qu’Aphrodite...Peu importe la pluie...
-Oui peu importe la pluie, mais Mozart lui, il est de trop .Un instant...
-Reste...
-Quelle impatience ! Es-tu donc pressé de rentrer ?
-Non je n’ai pas l’intention de rentrer chez moi, je veux passer la nuit avec toi, t’aimer, te faire l’amour encore jusqu’à ce que épuisée de plaisir tu me supplies d’arrêter ton calvaire
-A la bonne heure, j’ai donc le temps de donner à manger à Mozart pour qu’il nous foute la paix »
Sur ce, elle s’était levée, plus légère qu’une plume, et juste vêtue de bas, porte jarretelles, avait enfilé ses hautes mules à talons donnant à sa cambrure une allure résolument insolente.
« Mathilde ?
-Oui !
- Sais-tu à quel point j’aime ton cul, sais-tu à quel point il me fait... Regarde...
-Effectivement ...pas besoin de tuteur
-Mathilde ne sois pas ironique, j’aime vraiment ton petit cul, c’est un vrai bijou. Lorsque j’ai découvert la finesse de tes chevilles et de tes cuisses, j’ai imaginé la suite ... »
Mathilde lui avait donné l’impression de ne plus l’écouter sous un faux air d’indifférence.
Elle s’était attardée en caresses sur le dos du chat ronronnant qui se frottait de façon langoureuse contre ses jambes...
« Tu ne dis plus rien Mathilde, je t’ai offusquée ?
-Pas du tout, mais j’ai rarement connu des hommes qui ait autant de retenue verbale à mon égard, ou de retenue tout court du reste. Les hommes n’aiment pas les méandres des préliminaires fastidieux et tu vois, moi je suis femme qui aime à jouer. A quoi bon se faire attraper en deux minutes, la tête dans l’oreiller et le cul haut perché, comme une vulgaire femelle en chaleur. Il n’est pas là le plaisir au féminin...les hommes sont bien souvent trop égoïstes...ou trop pressés.
-Que veux-tu dire ? Vas- tu me torturer ? Vais-je payer pour les autres ?
-Qui sait ...certaines tortures sont délicieuses...
-Tu aiguises ma curiosité ...
-Ne me provoque pas Benjamin, j’aime abuser de mes amants avant qu’ils ne m’abusent.
-Suis-je un amant au même titre que les autres ?
-Oh un vrai coq, le jeune homme ...
-Arrête ce jeu Mathilde, tu vas le regretter, là tu es vraiment en train de me foutre le feu...
-Vraiment ?
-Tu le sais, pas besoin de m’exciter ainsi...
-Mais peut être que je veux plus, plus de désir, plus de vice !
-Putain de chat, c’est le diable en personne cette bestiole, il a tout fait foiré »
Mathilde avait éclaté de rire
« Pas vraiment, nous allons jouer pour que ça dure, cette boule de poil à quatre pattes est malicieuse »
Elle s’était absentée un instant, puis sous le clapotement des dernières gouttes de l’averse sur le verre, elle avait murmuré fièrement et autoritairement
« Ferme les yeux, Benjamin »
Comme un enfant sage, ou un élève à son instructeur, il avait obéi, ne songeant même pas à poser une question, la plus anodine soit-elle. Elle l’avait rejoint, l’air interdit, se glissant sur le lit. A cet endroit très précis qu’elle avait quitté quelques instants auparavant, le lit était frais .Mathilde avait ressenti la douceur de la couette sur sa peau nue, elle s’y était blottie, toute proche de Benjamin dont elle sentait la chaleur corporelle l’irradier.
Le silence s’était installé entre eux, un silence lourd presque oppressant, que Benjamin s’était empressé de rompre persuadé qu’elle était en train de le regarder.
« Que fais-tu Mathilde ?
-Je te regarde...Tu es beau !
-J’en étais sûr, puis je ouvrir les yeux maintenant ?
-Non pas du tout. Quel impatient tu fais...
-Met toi à ma place, c’est gênant, je suis tout nu, je ne te vois pas, tu me regardes...
-Aimes- tu ?
-C’est excitant et dérangeant à la fois, une sensation complexe ... »
Il l’avait entendu sourire, un sourire gai presque enjoué, souligné d’une respiration lente et cadencée.
« Que cherches-tu à me prouver Mathilde, que recherches-tu vraiment ? Vas-tu m’attacher ?
-Non, mon dieu, quelle drôle d’idée ...Approche toi.... »
Il s’était rapproché tant et tant de Mathilde qu’il avait senti son souffle contre son cou, chaud, envoûtant. Elle avait posé un baiser mouillé sur ses lèvres puis l’avait définitivement plongé dans le noir en lui barrant les yeux d’un bandeau profondément opaque.
« Je ne sais pas si je ne commence pas à regretter d’avoir désirer autant être ton amant, avait-il lancé en riant
-As-tu peur ?
-Non mais il semblerait que tu m’aies fixé un itinéraire bien particulier
-Effectivement, on peut le voir comme cela, à quoi penses-tu ? »
Il s’était soudainement assis au bord du lit essayant de capturer une silhouette proche ou lointaine. Mathilde e sentait plus fébrile, à la limite de l’affolement. Elle avait creusé un écart entre eux, ponctué d’un calme troublant.
« Mathilde où es-tu ?
-Tu vas bientôt le savoir »
Au moment instant, ses perceptions sensitives décuplées, il s’était laissé guider par les fragrances du parfum de Mathilde
Je te sens si près, que fais-tu ?
-Je te regarde...
-Encore ...
-Tu ne bandes plus Benjamin, n’as-tu plus envie ...
-Tu es diabolique
-Et tu aimes ça, ah tu vois un sursaut de fierté,»
Tout en parlant, elle lui avait saisi sa main, l’avait porté à son front, lui avait courir l’arête de son nez, l’arrondi de ses joues.
Puis se saisissant de ses doigts, elle s’en était amusée sur le rebord de ses lèvres avant que d’en engloutir un, le pouce, l’enrobant de sa langue, l’emprisonnant entre ses lèvres, l’aspirant dans une chaude humidité. Benjamin, bien que se sentant observé, scruté, n’avait pu réprimer son érection de plus en plus évidente.
« Benjamin, quand tu m’as dit que tu m’aimais, j’ai failli te jeter à la rue
-Pourquoi Mathilde c’est la vérité...En plus derrière ce bandeau, je ne vois de toi que ces images qui on fait mes souvenirs de toi, bien avant que je ne te touche, bien avant que tu m’entrouvres tes cuisses. Je te croyais inaccessible Mathilde, et tu es là devant moi à te jouer de moi, esclave de tes caprices de maîtresse femme, celle qui me faisait bander sans le savoir. »
Attentive prédatrice à ces révélations presque gênantes, Mathilde s’était figée, mais n’en avait pas pour autant perdu le fil de son machiavélique jeu.
« Tu ne me connais pas, Benjamin, je crois que tu es amoureux d’un fantasme
-Oui ces images volées de toi, ces rêves me faisaient fantasmer, mais maintenant que je te connais mieux, j’aime ta double personnalité...vas tu me punir pour cela
-Arrête de parler de punition, tu n’es plus un enfant, tel n’était pas le but de ton bâillonnement des yeux, j’avais juste envie que tu me découvres autrement, que seuls tes doigts ... »
Il avait su la trouver dans le noir, avait posé sa main sur sa bouche lui interdisant la continuation d’explications qu’il ne voulait plus entendre. Il s’était abattu sur elle, la projetant sur lit devenu plus chaud, puis s’était étendu contre elle, flanc contre flanc, le feu de son haleine contre le cou de Mathilde, sa joue râpeuse contre sa joue. Puis comme une brebis à son agneau, il s’était appliqué à lui lécher le museau à l’aveuglette, la dévorant de petits baisers gloutons, la lapant d’une langue gourmande.
L’effluve capiteux du sexe de Mathilde était en train de l’irradier, alors que ses narines au même instant captaient l’odeur mouillée de son rameau de chair se soulevant puissamment.
Cette complicité charnelle et olfactive avait soudainement mis à mal tous les projets élaborés par Mathilde. Follement excitée par le contact de la hampe ferme contre sa cuisse, elle s’était libérée de l’étreinte, pour, de ses lèvres et de sa bouche, s’emparer de ce butin grandiose que Benjamin lui offrait.
La voracité des ses lèvres avait surpris le jeune homme, totalement isolé dans les ténèbres du masque de satin noir.
.
« Non pas maintenant, nous avons tout le temps, je te veux, oui je te veux Benjamin, mais je te veux longtemps, laisse moi croire que tu es à moi »
Alors même que sa phrase s’effilochait dans le silence de la pièce Mathilde avait soudain pris conscience de la portée de sa déclaration. Elle venait de se refuser le droit de résister à sa folie d’aimer un jeune garçon.
Benjamin n’était plus son élève, il était autre, si émouvant, une passion aussi surprenante qu’inespérée, une énergie flamboyante qui l’arracherait à l’ombre derrière laquelle elle s’était enfermée.
Sa vie de femme sans illusion semblait doucement la quitter, comme une âme s’échappe de son enveloppe corporelle après la mort. Une impression de temps perdu doublée d’un regret des joies gâchées ou ignorées du plaisir avait fait de cet instant, une rupture de son passé.
Ce jeune amant elle allait le tuer de désir.
Il lui apparaissait soudain comme l’Amour qu’elle n’avait jamais côtoyé, mi ange, mi démon, mi élève, mi maître de ses désirs envahissants.
Quitte à en souffrir, elle allait l’aimer, violant tabous et convenances, sans trébucher, sans se retourner, ni même trembler, elle allait l’aimer et puis le quitterait avant que de le désaimer, avant qu’il ne la quitte.
« Mathilde que fais-tu, je ne t’entends plus, ne me laisse pas ainsi
-Tu peux enlever ton bandeau si tu le désires ...
-Je n’en ai pas envie, c’est comme quand je fermais les yeux en pensant à toi ton image au bord de mes paupières,»
Elle n’avait pas répondu, tant cette image fantasmagorique l’avait émue
L’instant d’après, le regard toujours barré par le bandeau, Benjamin avait senti l’haleine de Mathilde le pénétrer et le charme de sa langue mélanger leur salive dans un long baiser. Sa bouche s’était faite amoureuse .Puis elle avait délacé le bandeau mortifère. Enfin débarrassé de son carcan visuel, Benjamin avait longuement caressé la poitrine de Mathilde, son regard la scrutant intensément au point de lui faire baisser le regard.
« Mathilde... ! »
A la seule prononciation de son prénom, elle avait frissonné comme une jeune étudiante ressentant les premiers émois d’une attirance physique pour tel ou tel garçon.
Elle était très paradoxale dans son comportement de femme amoureuse et Benjamin en était le douloureux exemple du moment. Elle aimait cette manière très particulière qu’il avait de ponctuer chacune de ses phrases quand il s’adressait à elle, de son prénom distinctement énoncé. Cette caractéristique lui avait donné une assurance qu’elle avait perdue au fil des
années, ces années maudites qui avaient succédé à son divorce.
Cette séparation, logiquement annoncée, avait été la cause de sa perte d’identité, toute sa vie passée reposant sur son mariage, une confiance illimitée en son conjoint. Benjamin s’adressant à elle avec un profond respect, l’émouvait plus que de raison, mais n’expliquait en rien cette profonde attirance qu’elle éprouvait pour lui.
« Mathilde...
-Oui, Benjamin, tu vas me dire que tu vas rentrer, c’est cela bien sûr !
-Mais non que vas-tu imaginer encore. Mathilde je n’ai pas osé te le dire, je ne voulais pas te contrarier
-Oui je vois, tu voulais juste me baiser, je me suis laissée séduire et...
-Mathilde... »
Il avait élevé le ton en forme de réprobation, visiblement, son acharnement à ne pas vouloir l’écouter l’avait énervé.
« Oui voilà c’est ça, je voulais te baiser, c’est fait, je peux rentrer chez moi...de toute manière je ne retournerai pas à l’académie et ne te verrai jamais plus ou alors par hasard .Quand tu me croiseras, tu penseras que j’étais un élève un peu plus particulier »
Il s’était levé, avait ramassé ses affaires et commencé à se rhabiller .Comment avait-elle pu être aussi stupide .Deux « je t’aime », trois jolies paroles bien enrobées, Benjamin n’avait pas eu grande difficulté à la faire chavirer, elle, la libertine reconvertie en catéchiste du mardi soir. Elle n’avait même pas essayé de le retenir, résignée
Frissonnante, soudainement transie du froid sentimental qui venait de l’envahir, elle avait quitté le lit, presque étrangère à la présence de Benjamin, et s’était dirigée encore vêtue de son porte jarretelle et bas vers la salle de bain. Pas un mot n’avait jalonné son déplacement. Peu ou pas émue par cette soudaine métamorphose, Benjamin avait suivi sa sortie théâtrale jusqu’à la voir disparaître derrière les vitres opaques de sa douche. Lorsque les premières éclaboussures d’eau chaude avaient ruisselé sur sa peau, elle avait entendu la porte d’entrée claquer bruyamment. Qui de l’eau ou de ses larmes l’avaient la plus grimée, rimmel, fard confondus, ses yeux n’étaient plus que deux vagues pupilles cernées de noir délavé.
Elle avait tenté, dans un moment de haine de se laver de ces péchés de chair qui venaient de la condamner définitivement avant que de se laisser glisser le long des carrelages ruisselants. Recroquevillée sur elle-même, assise à même le bac de la douche, l’eau en cascade sur ses épaules, elle pleurait sur sa stupidité.
Deux mains puissantes l’avaient arraché à son inconfortable position...
« Putain, Mathilde, qu’est ce que tu fous ? Mathilde, je voulais juste t’avouer que j’avais peur du noir ...et que tout à l’heure dans les ténèbres de mon bandeau, j’étais bien, j’étais en confiance avec toi et que j’arrivais à apprivoiser ma phobie. Mais bien sûr, tu n’écoutes rien, tu veux tout gérer...
-Non, je ...
- Dis-moi, Mathilde
-Arrête de m’appeler Mathilde à tout bout de champ ...
-Désolé...quel est ton problème, dis moi, Mathilde, je t’aime
-Mathilde, Mathilde, tu ne comprends pas, ça me fait craquer »
Il avait enveloppé Mathilde dans une grande serviette, essayant au mieux de la réconforter, mais totalement dépourvu d’arguments, car ignorant du pourquoi de son comportement.
Comme une mère à son enfant, il avait, avec une énergique sagesse, séché les cheveux de sa maîtresse avant que d’y poser un doux baiser, puis l’avait serrée dans ses bras à l’étouffer.
« Mathilde, c’est la garce que j’aime, pas la gamine, ressaisis toi...
-Et moi, l’homme pas le gamin !
-A la bonne heure, elle m’aime, voilà une super nouvelle.
-Écoute Benjamin, je crois qu’il vaut mieux que tu me laisses maintenant, j’ai besoin de sommeil, de faire le vide dans ma tête.
-Je ne veux en rien te contrarier, je vais partir, mais sache que dès demain matin, je serai devant ta porte avec les croissants pour un petit déjeuner érotique. Prenons le temps d’apprendre à nous connaître, prenons le temps de nous manquer, prenons....
-D’accord, d’accord, Benjamin, mais j’ai si peur de te faire du mal, je ne suis pas la femme que tu crois...
-Nous verrons cela demain »
Il l’avait accompagnée jusqu’au lit, l’avait couverte, embrassée sur le front tendrement puis était sorti, intrigué du comportement pour le moins étrange de Mathilde, mais heureux d’avoir pu la rassurer. Il l’aimait, il l’aimait vraiment au-delà du désir et des plaisirs .Cette femme qu’une dualité intérieure malmenait, était devenue son obsession et sa raison.
A l’aurore, réveillée par les premières lueurs matinales filtrantes au travers de la fenêtre de toit, Mathilde s’était levée, enrobée des frissons à la sortie d’un nid douillet. Ses premières pensées étaient allées à Benjamin, ses souvenirs de la veille avaient resurgi en affluence, désordonnés, en un flux incessant presque obsédant. Elle s’était laissé envahir d’une culpabilité exagérée quand à son comportement pour le moins licencieux à l’égard du jeune homme. Mais pour autant, c’était une évidence, il avait aimé cette maturité sexuelle dont elle l’avait investi.
Pour preuve, il l’avait entourée de tendresse, lorsque, dans un moment de désespoir, elle avait sombré dans le pathétique. Il fallait absolument qu’il oublie cette femme pitoyable avachie dans le bac de douche.
Après une toilette rapide, elle s’était mise à déambuler entièrement nue dans l’appartement, à la recherche de son reflet dans les miroirs accueillants.
Lorsque Benjamin, passerait le pas de la porte, les bras chargés de viennoiseries encore chaudes, elle l’accueillerait en nuisette, ou peut-être...
Elle s’était mise en quête de quelques dentelles qui n’avaient que trop dormi dans les tiroirs de son chiffonnier baroque .Il était si loin le temps où elle rivalisait d’imagination pour être toujours séduisante dans sa lingerie exquise .Elle s’inventait des mises en scènes , des jeux de rôle dans lesquels elle vouait une méticulosité particulière à l’accord parfait de ses dessous et de ses escarpins . Il était si loin le temps où elle était femme à part entière, les souvenirs lui revenaient en vague, ses tenues vestimentaires toujours délicieusement glamour, l’insolite de ses lieux de rencontre, un érotisme cadencé d’improvisation et de provocation...
Trois légers coups à la porte d’entrée l’avaient arrachée à ses pensées, et dans l’urgence de la situation, elle avait enfilé une nuisette de voile noir, qui dévoilait par transparence sa silhouette féminine.
« Voilà, voilà » Elle avait regardé l’heure, il était à peine huit heures Benjamin était-il donc si empressé pour venir à une heure aussi matinale .Elle avait ajusté ses cheveux en chignon improvisé, corroborer sa féminité d’une touche originale d’essence de parfum, enfilé ses mules de satin et s’était précipitée pour ouvrir la porte...
« Bonjour Mathilde chérie
-Bonjour Christopher, mais que fais-tu là ?
-As-tu oublié, je t’avais dit que je passerais pour récupérer le bouquin que je t’avais passé avant de prendre la route ?
-La route ? Je ne me rappelle pas du tout, mais où vas-tu ?
-Houlà, Mat Chérie, tu ne t’arranges pas avec l’âge !
-Merci, toujours aussi agréable !
-Je reconnais ces yeux, deux éclairs vert foudroyants, ils me font toujours autant d’effet...
-Arrête ton cinéma, veux-tu. Bon, tu pars où ?
- A la maison du lac, rappelle-toi, je t’ai même invitée à venir me rejoindre après les examens...La Creuse est bien agréable au mois de juin, et puis tu aimes tant jouer du violoncelle là –bas, au bord du lac...mais dis –moi, tu es vraiment délicieuse dans cette tenue, c’est pour moi, avoue, encore un de tes jeux, j’ai presque envie de te croquer.
-Ta mythomanie te joue encore des tours mon pauvre vieux »
Et vlan un retour de manivelle avait-il songé.
« Crois-tu que je passe ma vie à t’attendre ?
-Waouh, tigresse...
-Arrête tu m’exaspères
-Tu n’as pas toujours dit ça...Cette bonne odeur de café me dit que tu vas m’offrir une tasse
-Tu sais où sont les tasses, sers toi, récupère tes cd et file, tu as de la route à faire ...
-Pas des cd, ma belle, un roman, tiens le voilà
-C’est parfait, tu as ce que tu voulais donc
-Pas tout à fait, ce petit cul me fait défaut ...
-Tu deviens indécent ...
-Tu te souviens, c’est bien toi qui m’a conduit sur ces chemins scabreux...
-Scabreux, je ne vois rien de scabreux dans l’érotisme, sauf que toi tu as tout confondu...érotisme , libertinage dans ce qu’il a de plus raffiné avec débauche sexuelle.
-Peut –être m’as-tu mal initié, Trésor...et puis ce n’est qu’une question de vocabulaire
-Arrête, tu es un odieux personnage ...Voilà tu as bu ton café, la porte est ouverte ...
-Ok, ok ma belle quelle impétuosité »
Christopher n’avait manifesté aucune colère, mais avant de refermer la porte, il avait jeté un regard consenti sur la silhouette de Mathilde avant de rajouter
« Tu es toujours aussi bandante, si tu changes d’avis, tu sais où me trouver »
Alors que Christopher rejoignait le rez-de-chaussée dans le vieil ascenseur de l’immeuble bourgeois où résidait Mathilde, Benjamin gravissait les marches de la cage d’escalier quatre à quatre. Mathilde accueillait brutalement le jeune homme .Ouvrant grand la porte elle s’était écriée
« Quoi, qu’as-tu oublié...Oh pardon, Benjamin, je croyais...
-Tu croyais ...Bonjour Mathilde, as-tu bien dormie ? »
Cette douceur dont il venait de l’enrober en quelques mots avait instantanément assagi son fougueux tempérament.
Délivrée de sa colère aussi fulgurante que passagère, elle remerciait Benjamin pour les viennoiseries qu'’il avait apportées
« Où veux-tu petit déjeuner Benjamin, à table ou au bar ?
-Es- tu si affamée, moi je le suis, mais de toi ...tu es ...très excitante...
-Je vais passer un peignoir, je n’ai pas chaud
-Il y a bien un remède à cela ...
-Benjamin...
-Ok, ok, déjeunons »
Pendant le court laps de temps d’absence de Mathilde, partie couvrir ses épaules, on avait frappé à la porte et Benjamin, inconsciemment avait ouvert.
Un homme, la cinquantaine, bel homme du reste était entré comme une rafale de mistral
« Mat chérie, j’ai oublié mes clés »
La porte s’était refermée, les deux hommes s’étaient retrouvés dans un face à face inopportun avec, pour témoin de leur duel visuel improvisé, Mathilde, visiblement embarrassée, dans l’embrasure de l’ouverture de la chambre. Elle ne s’était pourtant pas démontée et avait fait les présentations avec un naturel frisant l’indécence.
« Christopher, je te présente Benjamin, mon élève le plus doué du moment, Benjamin je te présente Christopher, mon ex- mari. Voilà les présentations sont faites, il n’est pas nécessaire que vous vous serriez la main. Chris tu peux partir, tu n’as plus rien oublié, c’est bon ? Ben et moi avons du pain sur la planche.
-Et dans le grille- pain, si je me fie aux apparences, je ne suis donc pas convié aux festivités ...Ravi de vous avoir croisé Ben, il avait insisté sur le côté diminutif du prénom.
Pour ma part il aura fallu bien des années pour qu’elle veuille bien me donner un sobriquet, Madame le professeur est un peu bourge, mais ...Vous êtes venu à la bonne heure, Mathilde adore baiser après le petit déjeuner »
Excédée par l’ignominie présomptueuse de son ex- mari, Mathilde, l’avait poussé jusqu’à la sortie en le traitant de vieil hystérique lubrique refoulé sous le regard amusé de Benjamin
« Pas d’inquiétude Mathilde, il est juste jaloux, mais quelle géniale idée d’avoir divorcé »
Après cette irruption aussi mouvementée qu’agressive, Mathilde s’était faite discrète dans son comportement.
Elle leur avait servi le petit déjeuner, avait à peine touché aux viennoiseries. Puis avec une étrange douceur, elle s’était excusée auprès de Benjamin quant au comportement odieux de son ex mari.
« Je suis désolée, Benjamin, de cet entrefaite, Christopher ne changera jamais
-Ne le sois pas, Mathilde, tu n’y es pour rien
-Si, un peu, j’ai trop longtemps cautionné ses agissements en minimisant son vil caractère.
-Tu devais être amoureuse, l’amour rend tolérant ou aveugle...
-Oui, sûrement au point de faire tout et n’importe quoi.
-Mais sans vouloir paraître curieux, pourquoi cet emportement, alors que vous n’êtes plus mariés, pourquoi ce Mat Chérie ?
-Mais tu l’es !
-Quoi ?
-Curieux...Mais je comprends ta curiosité .Son comportement est indécent, voire sadique.
-Je suis d’accord avec toi, mais quelle en est la raison ?
-Là tu deviens vraiment inconvenant ...
-Pardonne moi, je ne voulais pas te déranger avec cela, viens contre moi Mathilde »
Timidement elle s’était rapprochée de Benjamin, attirée par cette tendresse juvénile dont il se plaisait à l’enrober. Il avait posé ici et là, sur sa chevelure parfumée, des baisers, essayant vainement d’assagir le caractère emporté de Mathilde.
« Est-ce vrai ?
-Quoi donc ?
-Que tu aimes faire l’amour après le petit-déjeuner ?
-Benjamin, crois tu vraiment que ce soit le moment ?
-De quoi as-tu envie Mathilde, là à l’instant ?
-De tendresse, un minimum de tendresse, l’heure n’est pas au batifolage, serais-tu donc comme tous les autres ?
-Mais encore ?
-Es-tu venu pour me baiser ce matin ?
-Pas que, Mathilde, tu le sais bien, c’est quoi cette soudaine rébellion contre la gente masculine ?
-On le serait à moins, la perversité fait-elle partie de votre trait de caractère ?
-Calme toi, Mathilde, ne généralise pas, je crois que tout ceci renferme un grand secret que tu n’oses m’avouer par pudeur ou je ne sais quel autre raison. N’as-tu pas confiance en moi ?
-Bien sûr que si, mais pas plus tard qu’hier, je me suis emportée après toi, alors que la seule coupable, c’était moi, guidée par je ne sais quelle lubricité latente et...
-J’ai oublié, ne suis-je pas là ?
-Je t’ai bandé les yeux, égoïstement, et toi ta peur du noir...Trop d’érotisme tue le désir
-Mais j’aime ton érotisme, j’en redemande. Quel est ton secret ?
-Aime moi, Benjamin, aime moi pour ce que je suis... »
Pour preuve, il avait défait son peignoir, déposant avec douceur et convoitise, des baisers sur l’arrondi de ses épaules dénudées. Ses mains de jeune prodige, des mains de musiciens assurément, s’étaient égarées à la recherche de ses courbes, de la plus dévoilée à la plus dérobée.
Lorsque le peignoir était tombé, Mathilde, dans le désir, sous le charme des tendres caresses de Ben, prenait conscience de son amour naissant. Elle d’habitude si dirigiste, s’était faite obéissante, sa peau chaude et frissonnante en totale adéquation avec les effleurements de son jeune amant. Il avait rompu le bruissement de leurs échanges épidermiques
« Sais-tu, Mathilde ce que je préfère chez toi, la ligne de tes hanches, cet arrondi particulier qui donne une réplique parfaite au galbe de tes seins, je ne m’en lasse pas, je pourrais la caresser des heures, les yeux fermés, pour mieux en ressentir les courbes
-On dirait que tu parles d’une statue d’albâtre.
-Chut, ferme les yeux, et ressens avec moi tes courbes, la cambrure de tes reins sous la paume de ma main, et cette autre main qui se perd sur le chemin de l’Y de tes fesses. Il est là mon plaisir, Mathilde découvrir chaque parcelle de ce corps que je désire depuis si longtemps. » Ensorcelée par la voix de Benjamin, elle s’était prêtée, complice à ce jeu riche en sensuels émois. Un mélange éclectique de tendresse, de désir, d’amour peut être l’avait emportée doucement, l’éloignant du caractère sexuel d’une étreinte amoureuse ordinaire. Enrobée des douceurs olfactives et tactiles dont le jeune homme l’honorait, elle avait perdu l’essence même de leurs échanges, l’attraction réciproque, bien égoïstement.
Avant même, de ressentir entre ses cuisses la chaleur des mains de Benjamin, elle s’était évadée en brefs halètements, solliciteuse inconsciente de plus d’emportement.
Ce jeu machiavélique tout en frôlement l’avait accompagnée jusqu’à la jouissance fulgurante, explosive par le seul fait de désirs plus brûlants.
.« Je t’aime, Mathilde, je t’aime pour ce que tu es et je t’aime aussi pour tout ce que vas me dévoiler. Nous avons tout le temps d’apprendre à nous connaître, et si tu ne m’aimes pas, je ferai tout pour que ça change. J’aime cette dualité qui est tienne, faite de sexe et de tendresse, de lubricité et de détresse. Je t’aime pour ce que tu es, alors aime moi pour ce que je suis »
Dans la déliquescence de son orgasme, elle n’avait pu retenir ses larmes. Avant d’aimer son corps, Benjamin adorait et respectait la femme...Il était sous le charme de cette femme qui pouvait, à la moindre caresse, frissonner avant que de se perdre très rapidement dans un plaisir intense. Étaient-ce ses fantasmes qui guidaient la montée du désir, ou bien le désir qui esquissait ses fantasmes .Le fait est, qu’elle était capable de jouir très rapidement, et Benjamin très fièrement s’en était approprié la légitimité. Il n’avait pas vraiment tort, elle avait confiance en Benjamin, cette confiance qu’elle avait perdu envers la gente masculine .L’honnêteté sentimentale dont il l’honorait, cette générosité peu coutumière chez la plupart de ses rares amants, ces deux qualités essentielles l’avaient émue engendrant une jouissance particulière, doux mélange de tendresse et de sexe.
Benjamin avait emporté Mathilde à moitié nue dans ses bras et l’avait déposée amoureusement sur le lit défait.
« Voilà Princesse »
Avant que de se lover contre lui, elle lui avait délicatement défait la chemise, puis la lui avait ôtée en faisant glisser ses mains fiévreuses sous le tissus de coton.
Ils s’étaient allongé tous les deux, leurs membres enchevêtrés, leur peau et leurs odeurs mélangées, et Mathilde avec tendresse et sensualité avait laissé longtemps ses doigts parcourir la poitrine de son amant. Elle aimait ces moments de tendresses qui succèdent à l’impétuosité de la jouissance, puissante, démesurée. Elle aimait ce silence qui s’instaure alors, où l’on peut entendre à nouveau les battements des cœurs s’harmoniser. Elle avait savouré ces instants comme un vrai bonheur presque insolite.
« Tu sais, Benjamin, avait-elle murmuré, j’ai cruellement manqué de tendresse, dans mon enfance, puis ma jeunesse. Je ne parle pas d’amour, de l’amour, j’en ai eu sous des formes détournées...
Je suis née dans un milieu bourgeois, de province qui plus est, et, comme dirait Brel, chez ces gens là, et bien chez ces gens là, on n’est pas très démonstratif, on ne dit pas je t’aime, on ne donne pas de baisers, ni même de caresse...Mais on ne le sait pas, enfin on le découvre bien des années plus tard, quand la moindre tendresse vous émeut jusqu’aux larmes car jusque là méconnues.
-Mathilde, je crois que....
Elle avait continué son quasi monologue sa tête contre l’épaule de Benjamin et son regard perdu dans ses souvenirs les plus lointains.
« Ma mère ne m’a jamais accompagnée à l’école comme les autres enfants .Nous avions une employée de maison qui me déposait tous les matins devant l’école. Les autres élèves avaient droit aux tendresses maternelles, tout juste si ma mère me déposait un baiser du bout des lèvres sur ma joue, avant que je ne quitte la maison. On s’habitue à tout même au manque de tendresse...
Benjamin ému par cette maîtresse femme redevenue enfant, caressait les cheveux déliés de Mathilde, de la tendresse au bout des doigts.
« Où veux-tu en venir, pourquoi me racontes-tu cela ?
-Juste pour te dire que ta douceur et tes baisers valent de l’or à mes yeux. A dix ans, alors que ces douceurs maternelles me faisaient tant défaut, j’ai été enlevée du foyer pour aller en pension dans une école religieuse. Inutile de te dire que ce n’est pas chez les bonnes sœurs que j’ai trouvé la bonté que je recherchais. Alors très tôt, aux alentours de treize ans, c’était précoce pour l’époque, j’ai multiplié les flirts toujours en quête de tendresse et c’est là...
-C’est là ?
-Et bien c’est là, que j’ai découvert le plaisir. Ces caresses que j’avais toujours grappillées, à droite à gauche, ces caresses m’ont dévoilée la montée du désir et la jouissance avant que d’en connaître la douceur...J’aimais cette béatitude dans lesquelles elles me conduisaient, alors que je n’en étais qu’aux balbutiements de ma sexualité. Alors je m’y suis réfugiée, obséquieusement, une parade à ma détresse sentimentale, n’allant jamais bien plus loin que de simples attouchements
-As-tu des frères, des sœurs ?
-Oui un frère et une sœur, mais pourquoi cette question ?
-Ben tu aurais pu leur en parler ...
-Mon frère était déjà parti à la fac, et puis à vrai dire nous nous connaissions si peu, les années pensionnat nous ont séparés
-Et ta sœur ?
-Ma sœur, une cadette de cinq ans qui a toujours traîné dans les jupons de notre mère, elle n’aurait pas compris, je l’ai préservée de cela, et puis elle, les garçons ce n’était pas du tout son truc... on lui a épargné le pensionnat
-Serais- tu jalouse ?
-Jalouse, non du tout, ce n’est pas dans mon tempérament et puis je n’ai jamais rencontré un homme qui puisse me susciter un tel sentiment, mais finalement peut-être ne suis-je jamais tomber amoureuse
-Tu ne sais pas à côté de quoi tu passes...Mais je ne parlais pas de cette jalousie là, mais plutôt celle que tu pouvais ressentir envers ta sœur. »
Elle avait poursuivi son idée initiale
« Je crois que je suis en train d’entrevoir le bonheur d’une idylle avec son lot de souffrance, je suis tellement bien avec toi, autant de douceur et d’attention me chavire, je n’ai jamais connu cela auparavant...je suis prête à relever le défi de la désillusion à venir, quitte à faire connaissance avec ce mal aussi pernicieux qu’un cancer, la jalousie....
Embrasse moi Benjamin, embrasse moi à m’en couper le souffle, à ôter toute rationalité à mes raisonnements, à m’enlever les craintes, baise ma bouche de tes pensées malsaines édulcorées de ta tendre jeunesse et promet moi ...
-Je n’ai rien à te promettre, je veux juste t’aimer jusqu’à te rendre dingue, je veux que le manque te guette quand je m’éloignerai, que l’addiction te flingue ...
-Tu es complètement dingue...
-Oui de toi... »
Le baiser qu’ils avaient alors échangé dans une complicité chimique et intellectuelle devait à jamais imprimer leur esprit .Longtemps, très longtemps après ils en avaient parlé comme d’un pacte éternel de leur complicité identitaire.
Leurs deux langues enroulées dans un ballet érotique et humide, avaient allumés dans le reflet de leurs yeux des milliers d’étincelles étoilées qui s’étaient disséminées comme un violent brasier sur leur enveloppe corporelle.
« Es-tu prêt à me suivre dans mes luxurieuses voluptés ?
-J’aime ce libertinage sous- jacent dont tu n’oses m’avouer que tu aimes les contours et les déviances, je veux que tu m’emmènes dans ton voyage érotique et peu importe la suite, la tendresse sera toujours présente quoiqu’il advienne. »
Aiguilles-bas sans dessous, une suite en voluptueuse dépendance, sur la portée musicale d’une idylle peu sage, comme une création artistique venait de naître d’un baiser, pièce maîtresse de leurs débordements à venir. Car c’est ainsi qu’il la prénommerait toujours dans son subconscient au plus loin de ses souvenirs impudiquement tendres...avec elle !
« En attendant d’embarquer sur notre réale érotique, donnons-nous le temps Benjamin »
Ce disant, elle s’était défaite de son jeune amant, se dirigeant à demi dévêtue, vers son violoncelle, peut être en quête de la ressource énergétique que représentait pour elle une œuvre musicale lorsque ses doigts faisaient vibrer les cordes.
Cette scène vivante, Benjamin en avait rêvé de nombreuses fois .Combien de songes avaient peuplé ses nuits, combien de violoncellistes juste vêtues de rien avaient empli ses rêves de musicalité érotico- sensorielle.
Il s’était plu à la regarder jouer, sa poitrine lourde dérobée derrière l’instrument à corde, sa chevelure, détachée en boucles désordonnées, étalée de part et d’autre de son gracieux port de tête, sa cambrure accentuée par la position idéale d’une violoncelliste.
Ce sublime corps à corps avec l’instrument lui renvoyait l’image d’une femme aux accords parfaits, sensible et meurtrie, douce et amère à la fois, avec je ne sais quoi de rebelle à peine dévoilé sous ses faux airs de charmeuse invétérée.
Enfermée dans sa bulle musicale, elle n’avait plus prêté attention à Benjamin, qui à la manière d’un félin guettant sa proie, s’était rapproché de Mathilde au point de pouvoir en ressentir sa chaleur l’effleurer. Les senteurs capiteuses de son sexe nu subtilisé par la caisse résonante de l’instrument calé entre ses cuisses lui faisaient défaut.
-Tu vois bien Mathilde, nous sommes faits l’un pour l’autre
-Tu as l’air si sincère quand tu le dis
-Mais je le pense .Attends je pense à un truc. Tu es libre, tu es en congé, et moi après les exams aussi.
-A quoi penses-tu ?
-Chut ! »
Il avait composé un numéro interminable sur son portable et avait attendu en silence une réponse
« Allo, allo, Maman ! Allo, merde, ça a coupé !
-Benjamin, non que fais-tu ?
-Chut ! Allo Maman, c’est Ben ! Ou bien, bien ...écoute, puis je venir avec mon amie ?...oui maman, j’ai une amie ...oui ...Mathilde ...je t’entends mal ...15 jours ...merde, encore coupé
-Mais es-tu devenu fou ?
-Peut être, mais nous partons après mes exams pendant quinze jours au Portugal, ce n’est pas génial
-Au Portugal ?
-Oui chez mes parents, prépare ta valise, je t’aime Mathilde »
Bien qu’éberluée par la tournure que prenait cette relation à peine entamée la veille, Mathilde avait acquiescé, très tentée par une escapade portugaise, certainement son gout pour l’aventure doublé de son attirance pour les extravagantes.
Elle s’était à nouveau enveloppée dans son peignoir et leur avait resservi un café.
« Tes parents sont-ils portugais ?
-Pas du tout, mais mon père était employé au Consulat de France à Porto dans une de ses tout dernier poste, et ma mère et lui sont tombés amoureux du Portugal...
-En vacances donc...
-Oui et non, ils vivent six mois en France et six mois là-bas...mes parents sont retraités, enfin mon père, ma mère est beaucoup plus jeune que lui ...
-Tu veux dire que nous allons vivre chez tes parents pendant quinze jours, écoute Benjamin...je crains que...
-Ne crains rien, qu’as-tu à craindre ?
-Ta jeunesse, ta fougue, tes parents ...
-Mes parents ? Mon père joue au golf la plupart du temps, quant à ma mère, tu devrais t’entendre avec elle, vous avez presque le même âge
-Justement c’est bien ce qui m’inquiète, je devine qu’elle sera furieuse en me voyant débarquer, pire odieuse.
-Écoute, ma vie ne la regarde pas, après tout si je suis heureux avec toi, elle devrait être heureuse...
-Oui jusqu’au moment où elle ne supportera de te voir m’embrasser ou passer ton bras autour de ma taille
-Ma sœur sera là pour l’occuper...
-Ta sœur ...non, décidément Benjamin, je ne peux accepter !
-Je crois au contraire que tu te fais prier, tu es une vraie garce, et j’adore cette garce »
Il l’avait attrapée et l’avait poussée sur le lit, une bataille d’oreillers s’en était suivi. Mathilde avait ri à gorge déployée et dans sa folie dynamisée par la jeunesse, elle avait songé qu’il y avait bien longtemps qu’elle n’avait pas ri autant.
Une phrase lui était revenue en tête, une phrase simple qu’elle avait retenu étrangement, lorsqu’elle avait relu récemment, Le portrait de Dorian Gray, « Pour redevenir jeune, on n’a guère qu’a recommencer ses folies ».
C’était une folie que de suivre Benjamin dans ses désirs, mais son insouciance et sa naïveté, lui renvoyaient en vague sa jeunesse rebelle et ce désir de liberté dont elle avait été trop tôt privé parce que trop tôt elle avait convolé en noce, à peine sortie du cadre familial.
Benjamin avait raison de faire ses choix en fonctions de ses envies et non pas de ses craintes, car, elle, Mathilde n’avait que trop pris de décisions liées à ses proches, sa famille, son mari, son entourage et aujourd’hui elle regrettait amèrement cette faiblesse.
« Alors, tu sais ce qu’elle te dit la garce. C’est vrai...
-Qu’est-ce qui est vrai, mais enfin de quoi parles-tu ?
-J’aime faire l’amour après le petit déjeuner et aussi pendant ...et aussi le soir, mais encore l’après midi...et en pleine nuit ...j’adore en pleine nuit...
-Mathilde ne me pousse pas à bout ...si je m’écoutais je te baiserais tout le temps
-Il est trop tard, je dois passer à l’académie, il faut que je m’habille »
Elle avait ouvert grandement les portes de son dressing
« Choisis, Benjamin, choisis ma tenue »
De nombreux cintres alignés méthodiquement, des tenues plus glamours les unes que les autres, des escarpins, des cuissardes à hauts talons, accessoires en tout genre allant du chapeau en passant par des boas ou encore des perruques et même des loups...
« Mathilde, mais qu’est ce que c’est que tout çà. Où sont tes robes ? Je veux dire celles que tu portes, enfin tu vois celles de Mademoiselle Mathilde, la prof de violoncelle.
-Mademoiselle Mathilde n’existe pas, elle est juste un rôle de composition ...Mademoiselle Mathilde a disparu en l’espace d’une nuit, le rideau est tombé, fin du premier acte.
-C’est encore mieux que je ne l’imaginais, mais je me sens comme un con quand je pense aux bas que je t’ai offerts, tu dois en avoir à revendre.
-Dis- toi seulement que tu es plus perspicace que les hommes qui m’entourent, tu as su me faire sortir de ma tanière et ne serait-ce que pour cela, je ferai tout pour que tu le regrettes jamais. Fais moi plaisir, choisis ma tenue »
Étrangement il avait choisi une tenue un peu particulière, exempte de glamour .Il avait misé sur l’excentricité de l’association vestimentaire.
Son premier regard avait été attiré par une jupe courte, entièrement recousu de pastilles noires, une de ces jupes des années soixante, cette période particulière où Courrège, démocratisant la jupe, avait fait de la mini-jupe l’élément phare de ses collections.
Benjamin nostalgique et grand amateur de la célèbre série anglaise « Chapon melon et bottes de cuir », avait opté pour cette pièce insolite qu’il avait assorti à un col roulé marron et moulant, une paire de bas opaque et des cuissardes en daim noir. Il avait omis la lingerie ....
Mais, cette absence de dentelle n’avait en rien intriguée Mathilde, du moins n’en avait-elle pas fait démonstration.
« Tiens Mathilde, voilà j’ai fait mon choix
-Ma parole Benjamin, tu veux me faire ressembler à Tara King...
-Tu ne crois pas si bien dire. Je garde un souvenir mémorable de son passage dans la série, saison six.
-Tu es incroyable...
-Non, tout simplement fan.
-Alors ok, j’endosse le rôle, n’en déplaise à mes détracteurs. Mais si tu joues au jeu des personnages, tu risques de t’y perdre avec moi
-Je suis prêt à relever le défit. Ajoute donc ça à ta tenue »
Il lui avait tendu une perruque brune.
« Ils ne vont me reconnaître à l’académie...elle en avait souri
-Si cela te dérange, oublie...
-Pas le moins du monde, je suis aussi excitée qu’une jeune adolescente.
-Fais gaffe, si tu continues je vais devenir ton aîné...
- Ce serait trop drôle ! »
Elle était réapparue quelques instants plus tard, totalement méconnaissable et tellement séduisante hautement perchée sur ses talons, sa coupe mi- courte et ses yeux de biche que Benjamin avait assorti la brillance de son regard d’une insoupçonnable tension sous le coton de des caleçons.
« Tu me fais bander, Mathilde !
-Je vois, mais bon nous verrons cela plus tard, veux-tu, allons y, Dear Mister Steed»
Elle avait peaufiné sa tenue des années sixties d’un manteau vintage et d’une touche de son parfum avant que de sortir fière et rajeunie au bras de son jeune chaperon.
La tenue de Mathilde, pour le moins inappropriée tant à l’heure matinale, qu’à la saison avait intrigué plus d’un usager dans le métro, mais la légèreté de la situation lui avait ôté tout scrupule .Tout simplement elle se sentait bien et le jugement d’autrui ne l’avait même pas effleuré.
Elle s’était collée à lui, se tenant d’une main à la barre du wagon, et lui avait murmuré à l’oreille « je crois que je suis amoureuse de toi depuis longtemps », puis beaucoup moins tendrement
« Je dois passer dans mon bureau récupérer quelques affaires, je préfère que tu m’attendes en bas, je ferais vite
-Ben pourquoi ?
-Benjamin s’il te plait...
-Ok, ok »
Une moue boudeuse de petit garçon avait ponctué son approbation forcée.
Ils étaient donc rentrés séparément à l’académie .Mathilde d’un pas assuré s’était dirigée vers l’hôtesse
« Bonjour Patricia, pas de message ?
-Bonjour, Madame, vous désirez ?
-Patricia, hello c’est moi Mathilde
-Mathilde, bon sang, je ne t’aurais pas reconnue...Mais... ben écoute, j’adore !
-Merci, des messages ?
-Oui ton ex mari est passé, il a laissé une lettre pour toi
-Christopher ?
-Ben oui je n’en connais pas d’autre. Je l’ai posée sur ton bureau...
-Qui ? Christopher ?
-Mais non la lettre avait-elle répondu en riant, je ne te reconnais pas Mathilde, toi si revêche d’habitude
-Revêche ? Non Patricia, réservée !
-Oui si tu veux, mais ne change plus, je te préfère ainsi
-Je vais essayer...Bonne journée »
Lorsqu’elle s’était éloignée, elle n’avait pu ignorer les chuchotements qui avaient accompagné son départ. Les mesquineries féminines ne sont pas une légende avait-elle songé en montant l’escalier, à peine ai-je le dos tourné que les commérages vont bon train.
Sur le bureau trônait, bien en évidence la lettre de Christopher. Avant que de la lire, elle avait récupéré les quelques affaires dont elle avait besoin pendant son congé, son agenda, quelques partitions à travailler ...puis elle avait ouvert l’enveloppe
Bonjour Math Chérie, ou re bonjour
Je tenais à m’excuser pour mon comportement grossier de ce matin, mais étrangement lorsque j’ai vu ce jeune éphèbe chez toi, mon sang n’a fait qu’un tour .Je ne pensais pas que la jalousie puisse un jour m’effleurer et pourtant je dois te l’avouer, je suis jaloux
Il n’est sûrement pas ton amant, je me suis conduit comme un con.
J’imagine ta réaction à la lecture de cette lettre, ta colère en pensant au salop que j’ai pu être avec toi, mes dépravations érotiques, mes expériences libertines renouvelées à satiété alors que je vivais aux côtés d’une vrai maîtresse femme.
Tu as raison, j’ai tout confondu libertinage et adultère, t’impliquant puis te délaissant au point que la haine s’est substituée à ton amour pour moi. Me pardonneras –tu ?
Tu me manques tant, j’ai faim de toi. Lorsque je t’ai vu ce matin dans ta nuisette, je t’aurai fait l’amour sur le champ tant mon envie était incontrôlable.
Je ne te demande pas de reprendre la vie commune, mais juste de me rejoindre à la maison du lac, ne serait-ce que pour quelques jours, pour que nous retrouvions un peu. Le temps n’est plus à la discorde ...
Je te ferai préparer la chambre bleue, celle que tu aimes tant
Rejoins moi, je t’aime toujours, je n’ai jamais cessé de t’aimer, mais tu as préféré me fuir, je ne me le pardonnerai jamais. Essaie d’oublier toutes mes conneries...
Je t’embrasse
Chrys
Elle avait lu la lettre sans sourciller .Il était temps qu’il fasse son mea culpa, mais il avait raison de ne pas se pardonner, car elle ne lui pardonnerait jamais.
Était-il tant en manque de maîtresse qu’il fasse appel à son ex- femme. Il l’avait bafouée, alors qu’elle s’était prêtée à tous ses jeux érotiques, elle en était devenue disciple du fétichisme dans ses toilettes mais non dans la perversion, pour le suivre, puis par goût pour les situations peu conventionnelles. Puis tout avait chaviré, elle avait perdu son aura à ses yeux et tout le glamour du libertinage avait perdu son éclat au profit du dévergondage.
Orgies et autre perversions avaient remplacé les jeux de rôle guidés par l’amour, elle avait décidé de le quitter, il ne l’avait pas retenue par trop perverti par ses nouvelles et incessantes tentations. Non elle ne lui pardonnerait jamais, mais quelques jours dans La Creuse, pourquoi pas.
Après tout elle ne partait au Portugal que début juillet, cela lui donnait le temps d’aller passer une dizaine au calme à la campagne.
Elle avait balayé son bureau du regard, puis avait tiré la porte pour rejoindre Benjamin dans le hall. Il était en pleine discussion avec un groupe d’élèves, elle lui avait fait un signe de la main auquel il avait répondu un « J’arrive » comme peuvent le faire les jeunes pour vous faire patienter. Elle était sortie, avait allumé une cigarette .Elle qui s’était jurée de ne jamais reprendre, voilà que la cigarette redevenait un geste automatique. Elle avait attendu patiemment que Benjamin veuille bien la rejoindre .Il avait tardé, elle était partie, il saurait bien la retrouver.
Elle avait profité de sa solitude retrouvée pour effectuer quelques achats en vue de son prochain départ.
En milieu d’après-midi, elle avait bipé Benjamin qui ne l’avait rappelé que beaucoup plus tard
« Mathilde, pourquoi ne m’as-tu pas attendu ?
-J’ai horreur d’attendre
-Je m’en souviendrai. Où es-tu ?
-Chez moi.
-J’arrive.
-Non écoute, je suis invitée ce soir à dîner chez un couple d’amis, je te propose que nous y allions ensemble. Passe me prendre à vingt heures
-Es-tu toujours Tara King ?
-Oui
-Ok, je dîne avec Tara, mais je veux faire l’amour à Mathilde.
-Non, Benjamin
-Non ?
-Ce soir c’est moi qui vais t’aimer »
A vingt heures sonnantes, Benjamin avait tapé à la porte.
« Es-tu prête ?
-Oui je le crois...
- Laisse-moi vérifier »
Il avait glissé ses mains sous la jupe courte, avait planté ses ongles dans ses fesses nues, vérifiant en même temps si les dessous de dentelles n’avaient pas fait une apparition depuis leur séparation plus tôt dans la journée.
« Te savoir nue sous ta jupe, me rends dingue
-Je t’espère audacieux, jeune homme !
-Audacieux, je serai amoral, je te veux à ma merci »
L’érotisme planait autour d’eux comme des effluves magiques. Tout jeune qu’il était, Benjamin n’en était pas moins licencieux dans sa sensuelle complicité avec Mathilde.
« Prenons un taxi, nous profiterons ainsi de la luminosité printanière de la capitale. Une bouffée d’oxygène au lieu du underground.
-Si tu veux Mathilde, je pourrais ainsi mieux profiter de notre promiscuité sur la banquette arrière. Qui sont tes amis ?
-Ce sont plutôt des amis de Christopher, elle, elle est charmante, une très belle femme un peu plus jeune que moi, lui un compagnon bambocheur de mon mari, enfin tu vois
-Je ne vois rien, mais bon
-Mon mari est un débauché ou était, car ce matin il m’a demandé de le rejoindre dans la Creuse
-Et le Portugal, tu m’as dit oui Mathilde
-Je viendrai avec toi au Portugal, mais avant je vais aller me reposer quelques temps chez Christopher
-Je ne comprends pas, ce matin tu l’as congédié comme un malpropre et là...Je n’aime pas ça...je ne l’aime pas
-Moi non plus, je ne l’aime plus, mais c’est comme ça et pas autrement »
Ils s’était tu, les colères de Mathilde ne l’intéressaient guère, il était inutile de pourrir l’ambiance de la soirée annoncée.
« Taxi », avait-elle hélé. Une chance, le premier taxi interpellé s’était arrêté.
« Place des Vosges s’il vous plait Monsieur »
Ils s’étaient engouffrés dans le véhicule serrés comme deux amants heureux de se retrouver.
Le regard pour le moins circonspect du chauffeur avait soudain rappelé à Mathilde la grande différence d’âge existant entre son jeune amant et elle, et l’inconvenance de la situation au regard du commun des mortels. Mais loin de la désarçonner cette position équivoque avait exacerbé ses émois du moment, à savoir une délicieuse envie de pousser plus la provocation. Benjamin peu ou pas conscient de la conjoncture érotique de l’instant, s’était laissé saisir sa main par l’audacieuse violoniste. Elle l’avait guidé, jusque sur ses cuisses largement dévoilées au regard du chauffeur qui pouvait observer la moindre réaction dans le reflet du rétroviseur. Le regard, tout d’abord fuyant et timide, s’était vite avéré scrutateur voire même inquisiteur, lorsque Mathilde, en proie aux mains de plus en plus audacieuses, s’était soudain laissée envahir par une fièvre étrange éclairant son regard d’une brillance aux reflets magiques.
A aucun moment celui-ci n’avait rien pu voir de la scène, mais juste la deviner dans les yeux égarés de sa cliente, qui pour ne rien ôter à l’érotisme de la scène, avait cherché son regard avec un aplomb déconcertant. Elle avait gagné ce duel provocateur, il avait fini par se concentrer sur la route et ses éventuelles embuches, mais non sans voir auparavant pousser l’audace de lui jeter un clin d’œil complice qui avait fait sourire Mathilde.
Elle avait réajusté sa jupe, serré la main de Benjamin dans la sienne, puis le silence s’était à nouveau installé jusqu’à l’adresse de destination.
« Voilà, nous y sommes
-Merci, je vous dois combien
-Non, Mathilde, laisse, je vais régler
-Il n’en est pas question ! »
Elle avait réglé le chauffeur, qui abusivement, avait lancé un « très bonne soirée Madame » et un insignifiant « Monsieur »
Lorsque le couple s’était éloigné, main dans la main, le taxi driver à nouveau seul dans son véhicule n’avait pu réprimer à haute voix « Ya quand même de sacrées salopes, assujetti d’un y en a qu’on d’la chance »
Benjamin et Mathilde avaient fait la suite du parcours à pied, Les effluves du macadam les avaient accompagnés sous les cliquetis des talons aiguilles de Mathilde.
Malgré la saison printanière, le tout nouveau couple n’avaient croisé que peu de passants, à cette heure où les gens sont plus enclins à rentrer chez eux que de flâner le nez en l’air.
Les frissons de Mathilde avaient effleuré Benjamin, qui, conscient de sa frilosité l’avait resserrée dans ses bras.
Ce corps à corps plus tactile les avait naturellement conduits à s’embrasser amoureusement.
C’est ainsi mélangé, du moins dans leur esprit, qu’ils avaient sonné à la porte cochère.
« Oui...
-C’est Mathilde
-Je t’ouvre. »
La gâche du lourd portail avait cédé, interrompant leur long baiser mouillé.
« Nous continuerons plus tard veux tu ?
-Et si je dis non ?
-Tu es la sagesse même
-J’ai pas vraiment le choix avec toi, tu a un caractère de ...
-Oublie ...de cochonne ! »
Cette réplique abusive l’avait fait éclater de rire comme un enfant
« Tu vois c’est ce mélange savant que j’aime chez toi, mi- homme, mi- enfant, tu me fais rire et m’émeut…Amoureuse moi, je deviens dingue ! »
Au premier étage une porte s’était ouverte sur le palier interrompant leur discussion, en quelque sorte un soulagement pour Mathilde
« Ma chérie comment vas-tu ? »
Mathilde n’avait pas menti, leur hôte était une très belle femme, des traits fins argumentés d’une bouche pulpeuse aux lèvres presque exagérément ourlées et deux grands yeux noirs en amande. Cependant elle demeurait une belle brune qui avait cru que la blondeur artificielle de sa longue chevelure peaufinerait sa séduction. Aux yeux de Benjamin, l’erreur s’avérait fatale, elle n’était pas du tout à son goût, d’ailleurs il n’avait que peu d’attrait pour les blondes qu’il trouvait insipides face au piquant des brunes ou des rousses. Mais il n’en avait rien laissé paraître
« Isa je te présente Benjamin, j’ai pensé que tu ne m’en voudrais pas qu’il m’accompagne
-Mais pas le moins du monde, tu me connais, quand je mets en cuisine, on pourrait nourrir tout l’immeuble »
Elle avait tendu une main amicale à Benjamin, mais lui le plus naturellement du monde l’avait embrassée, question de génération sûrement.
Dans l’embrasure de la porte était apparue, la silhouette impressionnante d’un homme d’au moins un mètre quatre vingt dix.
« Mais que faites-vous sur le palier, entrez voyons »
Mathilde avait devancé Benjamin et tout deux étaient entrés dans le vaste hall de l’appartement bourgeois.
« Mathilde, depuis le temps, tu es toujours aussi radieuse et même un petit je ne sais quoi en plus qui fait que tu es hum, disons très attirante
-Merci Jacques, avait-elle répondu en lui déposant un léger baiser sur la joue, mais oublions là l’attirance, veux –tu !
-Oh, il y a de la rebelle dans l’air
-Jacques s’il te plait Chéri ne commence pas à embêter Mathilde, où elle va à nouveau disparaître pour trois ans...
-Et donc, Mathilde, qui est ce charmant jeune homme ?
-Benjamin ...
-Mais encore ?
-Benjamin, mon meilleur élève »
Benjamin avait momentanément oublié la vexation d’être relégué au simple statut de meilleur élève et avait tendu une main amicale à Jacques
« Bonsoir Monsieur ...
-Jacques, appelle moi Jacques, bien venu parmi nous mon garçon, la jeunesse est toujours bien accueilli ici, elle nous fait défaut »
Mathilde avait jeté un lourd regard réprobateur à Jacques dont la signification concrète avait échappé à Benjamin.
Isa les avait accompagnés jusque dans le salon dont le baroque de la décoration donnait une note libertine au luxe de l’appartement. En un seul instant on était transporté dans l’ambiance feutré des salons d’antan. Un mélange hétéroclite de candélabres argentés et autres tentures empourprées donnaient la réplique pèle- mêle à une bergère empire en velours , une console harpe de laque noire ou bien encore une méridienne noire rehaussée de coussins aux couleurs vives .Une atmosphère bien étrange s’en dégageait entre libertinage et mondanité. Jusqu’au fond musical qui argumentait à merveille ce tendancieux climat, musique et chants baroques au programme. On aurait pu se croire dans un film de Stanley Kubrick, Barry Lindon dont Benjamin avait de vagues souvenirs ou encore Eyes Wide Shut La seule note contemporaine résidait dans la lumière artificielle quoiqu’étayée par quelques chandeliers disséminés ici et là et notamment deux sur la table somptueusement dressée pour le repas.
Benjamin avait fait une analyse rapide de la situation trouvant que les acteurs présents, dont lui, étaient en total décalage avec le décor presque théâtral .Il avait imaginé un instant trousser Mathilde dans les couloirs, en belle Marquise costumée, entravée d’un corset et de crinolines superposées, les seins prêts à s’échapper d’un riche tissus moiré, Mathilde poudrée , une mouche sur la pommette, en libertine patentée.
Sur cette note imaginaire, il s’était égaré songeant que cette femme devait renfermer bien des secrets inavoués pour ainsi le faire fantasmer. La soirée ne faisait que commencer et l’air ambiant par trop propice à la débauche érotique n’avait fait qu’accentuer cette attirance épidermique qu’il ressentait pour la belle intrigante violoncelliste.
Son égarement provisoire lui avait fait occulter la présence presque dérobée d’un autre convive, un homme d’une cinquantaine années dont les pouvoirs séducteurs auraient fait blêmir le pire des Don Juan .Devant lui se tenait, sourire aux lèvres, lui tendant une main amicale, le sosie trait pour trait de Georges Clooney, le préféré de ces dames toutes générations confondues si l’on en croyait les magazines féminins.
Cette présence illicite l’avait glacé, compte tenu du regard peu anodin que « Georges » avait lancé à Mathilde, un inventaire détaillé de la féminité qui était la sienne.
« Enchanté jeune homme, Angelio »
Il n’avait rien d’un ange et son accent aux résonances italiennes rendait sa présence encore plus démoniaque qu’il n’y fallait.
« Madame, avait-il dit en s’adressant à Mathilde, vous êtes bien plus séduisante qu’on ne me l’avait annoncé
-Mathilde, enchantée »
Elle était sous le charme c’était une évidence, alors même qu’il ne lui avait dit que trois mots...
L’endroit avait soudain perdu en ambiance pour faire place à la dualité masculine.
Tout ce petit monde s’était confortablement installé sur les canapés avant que de trinquer au retour de Mathilde depuis trop longtemps réfugiée dans la solitude.
C’était les propres mots d’Isa lorsqu’elle avait fait entrechoquer sa coupe de champagne contre celle de Mathilde. Benjamin, afin de s’affirmer avait choisi un « A nous », bien plus anodin mais très explicite au regard de Mathilde qui ne l’avait pas quitté des yeux le temps de porter le toast.
Ce détail n’avait pas échappé à Isa qui en avait logiquement déduit la nature de leur relation.
La « garcitude » féminine l’avait conduite, comme une obligation à argumenter son intuition,
« Alors dis- moi Mathilde, toujours seule
-Oui, la solitude est la seule compagne qui ne me trahira jamais, je vis dans l’ostracisme sentimental »
La spontanéité de sa réplique avait coupé court à toute opportunité de divergences d’opinions, sous le regard désabusé de Benjamin, si ce n’était le tombeur italien qui avait saisi cela comme une opportunité
« Mama mia, un cuore per prendere »
« Connard » avait songé Benjamin en avalant cul sec son verre de champagne...
Isa sentant la gêne s’installer avait mis un terme à l’apéritif en invitant ses convives à prendre place autour de la table dont Mathilde venait de prendre conscience qu’elle était dressée pour six et non cinq personnes.
« Mathilde je te laisse t’installer entre Angelio et Benjamin, Jacques assied toi en face de Mathilde ...
- Attendons-nous encore quelqu’un, Isa, je vois six assiettes
-Oui, éventuellement, rien de moins sûr
-Je connais ? Ne me dis pas que...
-Christopher... ?
-J’en étais sûre
-Mais non Math, ce n’est pas Christopher, et puis c’est une fille. Te voilà rassurée ?
-Pas vraiment... »
Benjamin, n’avait pratiquement pas ouvert la bouche depuis son arrivée, dans l’expectative, analysant le comportement de chaque protagoniste.
Il avait tout d’abord repérer une angoisse palpable chez Mathilde dont il avait eu du mal à en déceler l’origine et tout naturellement, une fois assis, il avait glissé sa main sur la cuisse de son amante afin de la rassurer.
Isa s’était avéré une hôtesse accueillante, mais pour autant, il avait ressenti une soumission sous-jacente à son mari assortie d’une pointe de jalousie à l’égard de Mathilde. Il avait attribué, par déduction, ce sentiment douloureux à des souvenirs licencieux, compte tenu des regards pour le moins inquisiteur que son mari jetait sans aucune gêne à sa chère Mathilde.
Ces deux là avaient du être amants, à n’en point douter, avait songé Benjamin, et les images d’un passé trouble revenaient, sûrement, en vagues incessantes écorcher l’esprit d’Isa.
Quant à Angelio, il n’était sûrement qu’une pièce rapportée, après tout, il s’était à peine présenté, mais Benjamin ne l’aimait pas, ne l’aimait pas du tout, et de moins en moins depuis qu’il s’était installé à côté de Mathilde. Inconsciemment il avait resserré l’étreinte de sa main sur la cuisse de Mathilde, ce qui lui avait arraché un sursaut qu’elle avait eu du mal à contrôler. Elle ne tenait vraiment pas à trahir sa relation avec le jeune homme et la raison de son comportement avait totalement échappé à Benjamin.
Mathilde, quant à elle, toujours gracieuse et souriante, avait rapidement pris conscience de la situation libertine dans laquelle elle s’était faite piégée stupidement.
Afin d’étoffer ses suspicions elle avait entamé une conversation
« Et donc cher Angelio, vous êtes un ami de Jacques et Isa ?
- Ami, disons une connaissance, nous nous sommes rencontrés il y a peu de temps au cours d’une soirée
-Une soirée ? »
Le bel italien n’avait pas répondu dans l’immédiat, considérant le coup de pied de Jacques sous la table comme une mise en garde à une quelconque bévue.
« Suis-je trop curieuse, avait surenchéri Mathilde
-Pas du tout, avait-il ajouté le temps de trouver une parade, c’était au cours d’un vernissage
-Artiste ? Ou bien tenez vous une galerie ?
-Ni l’un, ni l’autre, je suis agent immobilier et le hasard...
-Le hasard, vraiment ?
-Ne croyez vous pas au hasard ?
-Pas vraiment non.
-Je ne comprends pas ton attitude Mathilde avait lancé Jacques pour sauver la situation
-On discute tout simplement, je ne vois en quoi mes quelques questions peuvent trahir une attitude désobligeante
-Nous n’en savons pas d’avantage sur ton jeune accompagnateur, si ce n’est que c’est ton meilleur élève .Tu sors avec tes élèves à présent, surprenant de ta part, remarque trois ans de silence t’ont peut être changée. Je t’ai connue plus délurée si ce n’était ta tenue, je ne reconnaitrais en rien la Mathilde que j’ai connue.
-Oublie là, avant qu’elle ne t’oublie »
Afin que de mettre un terme définitif au malaise s’installant insidieusement autour de la table, Isa s’était levé subrepticement.
« Bon, je vais chercher les entrées
-Je te suis, Isa, tu dois avoir besoin d’aide »
Elle s’était levée, avant même d’avoir une réponse et avait suivi son hôtesse.
« Avoue, Mathilde, Benjamin est ton amant, avait murmuré Isa, à peine entrée dans la cuisine. Pourquoi as-tu amené ce garçon si jeune ici ?
-Ici, c’est bien cela, rien n’a changé, dans l’antre du diable et de la débauche .Mais dis moi Isa, n’en as-tu pas assez de toutes ces conneries, c’est bien pour cela que je vous ai fuit...
-Mais de quoi parles-tu ?
-S’il te plait, pas à moi Isa, ce dîner n’a rien d’amical, cela ressemble plutôt à une mise en scène, une situation qui débouchera forcément sur de l’échangisme ou ah oui c’es vrai, vous faites dans la nuance, du mélangisme... Faudra que vous m’expliquiez la nuance car pour moi tout ça reste du cul vil et décadent. Je crois que je ne vais pas rester, Benjamin fera ce que bon lui plaira...
-Arrête Math chérie, s’il te plait, ne fais pas ça...
-Tu serais capable de n’importe quoi pour m’en empêcher, même de m’embrasser comme au bon vieux temps, quand tu confondais attirance et soumission.
-Arrête, tu deviens désagréable
-Ouvre les yeux, tu n’as jamais agi qu’en fonction du candaulisme de ton mari, jamais pour toi, j’ai fui tout ça et m’y voici replongée bien malgré moi, comment ai-je pu être aussi stupide.
-C’est quoi ça, le candaulisme ?
-Laisse tomber. Je n’ai rien contre le voyeurisme bien au contraire, cela a un côté très excitant voire valorisant, mais en comité très restreint et de façon sensuelle, les parties fines très peu pour moi .Je n’ai que trop souffert des tribulations de Chrys
-Mathilde, si tu as un soupçon de considération pour moi, reste s’il te plait
-Ma pauvre Chérie te voilà au paroxysme de ta soumission. C’est d’accord je reste, pour toi et un peu pour Benjamin,
-Benjamin, que vient-il faire la dedans ?
-Il est mon amant, c’est vrai, depuis peu, et je suis en train de redécouvrir l’amour. »
Mathilde regrettait les mots qu’elle venait de prononcer ! Elles avaient rejoint le salon, d’où fusaient des rires masculins, les bras chargés d’assiettes individuelles savamment décorées par les soins d’Isa. S’il y avait bien quelque chose qu’on ne pouvait lui reprocher, c’était bien ses talents culinaires .Elle adorait recevoir et cela se ressentait tant les détails de la décoration que dans le mélange savant des saveurs de ses plats souvent très élaborés.
« Voilà Messieurs qui va adoucir votre hilarité, salade chaude aigre douce de saint jacques poêlées aromatisée d’une vinaigrette de mangue et curcuma
- Ma chérie, comme toujours parfaite...
-Ça a l’air délicieux, avait ajouté Benjamin »
Mathilde après avoir déposé les assiettes devant chacune des convives, avait repris sa place attribuée entre Benjamin et l’italien.
« N’avons-nous pas été trop longues ?
-Non du tout, cela nous a permis de faire plus amples connaissance
-Oui, Jacques, vous aviez l’air de bien vous amuser.
-Oui tu sais, Math, des anecdotes masculines qui ne vous amusent pas vraiment vous les femmes
-Oui je vois, du genre un peu gras.
-Tu ne nous avais pas dit que tu partais au Portugal ?
-Je n’ai pas vraiment eu le temps, mais auparavant je pars rejoindre Christopher à la maison du Lac
-Vraiment, vous vous êtes réconciliés...que de souvenirs mémorables La Creuse !
-Oui, les ballades en vélos, les soirées devant la cheminée...
-Pas que ...
-Tout cela est derrière moi, je vais là bas juste pour me ressourcer, une mise au vert en quelque sorte »
Durant ce dialogue pour le moins empreint de dualité, son voisin de droite, Angelio, avait tenté une approche tactile de la cuisse de Mathilde, égarant sa main sous la table
Par respect pour ses hôtes Mathilde n’avait manifesté aucune désapprobation, .L’éducation dont elle avait hérité de ses parents lui interdisait, bien malgré elle, tout débordement colérique susceptible de dégrader trop rapidement l’ambiance de la soirée. Jacques avait poursuivi la discussion de manière plus sympathique, remémorant à Mathilde l’inoubliable chute à vélo de Chrys dans les eaux vaseuses d’une mare à canards, alors que sous la table, la main gauche de Benjamin donnait la réplique à celle du playboy latin.
Elle avait ri, se rappelant visuellement la scène, Chrys recouvert de boue, entouré des volatiles affolés par l’intrusion inopinée.
Mais insidieusement investie des deux côtés, avant que de se retrouver confrontée à l’insupportable, prétextant un manque d’eau à table, elle s’était levé soudainement, obligeant les potentiels frères ennemis à quitter la douce chaleur qui peut régner sous la jupe d’une femme
Leurs mains légitimes s’étaient soudain trouvées confrontées de chaque côté du siège laissé vacant par Mathilde Le regard du jeune amoureux avait reflété un sentiment situé entre consternation et médisance. Mais pour autant avant de quitter l’assistance, Mathilde, poussée par je ne sais quelle provocation, avait sur les lèvres de son nouvel bien aimé, déposé un baiser complice de leur relation amoureuse.
« Oh là, ho là, ho là, chère Mathilde, aurais-tu une attirance pour les jeunes garçons ?
-Pourquoi vous le cacher plus longtemps, Benjamin et moi sommes amants, mieux que cela nous vivons une véritable histoire d’amour, n’en déplaisent à mes détracteurs, avait-elle répliqué avant que de disparaître dans la cuisine »
Sous le regard médusé des convives, Benjamin, soudainement rétabli dans ses fonctions illicites, s’était levée pour rejoindre sa délicieuse violoncelliste.
«Comment as-tu pu, Mathilde ?
- De quoi parles-tu ?
-Cet Angelio, sa main sur ta cuisse...
-Ah oui, tu es vainqueur, tu es allé plus loin... »
Lorsque Mathilde et Benjamin avait réintégré le salon et rejoint les convives, leur entrée avait eu un effet théâtral sur l’assistance.
Un silence s’était imposé naturellement suite à l’aveu dont Mathilde les avait gratifiés un instant auparavant.
Isa, toujours identique à elle-même, maîtresse de maison hors norme avait apaisé le trouble ambiant
« Je vais pouvoir vous servir la suite, maintenant que nos tourtereaux sont de retour !
-Désolée, Isa pour ce léger contretemps, je suis confuse ...
-Allons, Math, chérie, remballe tes excuses, tu es toute pardonnée pour tes emportements avait répliqué Jacques
-Emportements, quels emportements ? Je suis amoureuse »
L’impatience de Jacques, avait coupé court à la discussion
« Isa, la suite
-Allez, Isa, le devoir nous appelle
-Feuilleté de filet de loup aux mangues
-Vous foutiez quoi avait lancé Jacques
-Ce que j’apprécie le plus chez toi, Jacques c’est ta délicatesse, je te laisse imaginer le reste »
Benjamin et Georges alias Angelio n’avaient pu réprimer un sourire complice à l’encontre de Mathilde .l’agressivité permanente dont elle ponctuait systématiquement ses répliques à l’intention de Jacques témoignait non moins de son tempérament de feu que de son aversion pour le mari de son amie. A vrai dire, elle le détestait et se contenait pour son ex-colocataire des années fac, par tendresse et compassion, un sentiment dont elle n’était pas fière.
A son tour Jacques s’était contenu, mais pour des raisons bien différentes que celles de Mathilde. Inversement, Il avait toujours eu une profonde attirance pour Mathilde, lui le coureur de jupons, le queutard, comme il se plaisait à se nommer, mais une attirance autre que celle qu’il pouvait ressentir pour les passagères de sa vie de débauche. Il aimait cette particularité des traits de caractère de Mathilde, du moins celle qu’il avait connue. Elle possédait une double personnalité masculin -féminin lui donnant un charme supplémentaire qui engendrait un profond respect. Mais jamais, elle n’avait succombé à ses tentatives de séduction, pas plus qu’à celles de son épouse et c’était cette résistance qui faisait qu’il l’admirait sans jamais ne lui en avoir fait la démonstration. Ce mélange des genres la rendait irrésistible à ses yeux et pour cette raison il avait éludé une réponse désobligeante.
La suite du repas avait été toute aussi délicieuse que les entrées et le champagne accompagnant tout le menu avait détendu l’ambiance.
Jacques, exceptionnellement, n’avait plus taquiné Mathilde, qui, elle d’habitude si rêveuse, s’était prêtée au sujet des discussions quels qu’ils soient.
L’italien ne l’avait plus importunée, et avait préféré jouer sous la table avec ses pieds, tentant vainement de détourner l’attention d’Isa, qui elle n’avait d’yeux que pour Mathilde.
Benjamin, imperturbable avait continué à caresser le haut des cuisses de Mathilde découvrant un peu surpris que son sexe fût toujours autant empreint de désir humides.
Machinalement, à la fin du repas, entre le café et le digestif, Mathilde avait sorti son étui à cigarette prête à en cramer une, lorsque Jacques et Isa lui étaient tombés dessus comme la misère sur le pauvre.
« Non, Math, plus personne ne fume ici, alors épargne nous d’une stupide relance tabagique. Si tu veux fumer tu peux aller dans le bureau de Jacques et tu ouvres la fenêtre qui donne sur la cours intérieure.
-Ok, désolée, tu viens Benjamin ? »
Le jeune homme avait suivi Mathilde, heureux de quitter la table à laquelle il commençait à s’ennuyer.
Dans le bureau, rien n’avait vraiment changé, Mathilde s’était saisi d’un cendrier, avait ouvert la fenêtre coté cour, s’enivrant au passage des bruits ascensionnels de la capitale et des odeurs capiteuses, à son goût, de l’asphalte sous une légère ondée de printemps.
Benjamin avait allumé une lampe
« Non éteins ça, avait –elle murmuré, en faisant crépiter le bout incandescent de la cigarette dans une profonde aspiration. Hum, ça fait du bien »
Elle s’était accoudée sur le rebord de la fenêtre détaillant avec curiosité les scènes de la vie quotidienne, au travers des rideaux des appartements situés en face. Rien ne se passait vraiment, si ce n’était dans un appartement sous les toits. Un homme en solitude cramait comme elle une tige aux pouvoirs cancérigènes, peut être pour tuer le temps et l’ennui, ou peut être avait-elle à faire à un homme qui comme elle, aimait ces instants de solitude.
Leurs regards s’étaient croisés, il lui avait même fait un signe de la main.
Benjamin aux aguets, l’avait questionnée
« Tu connais ce type ?
-Pas le moins du monde, va savoir il me prend peut être pour Isa, c’est peut être son amant avait-elle rajouté en riant. Embrasse moi, j’ai envie de ta bouche
-Depuis le temps que je patiente... »
Il avait collé sa bouche à ses lèvres lui imprimant presque instantanément sur la peau de Mathilde une myriade de frissons tactiles et contagieux .Les désirs de sa maîtresse étaient palpables et, après une brève négociation avec lui-même, il avait laissé ses doigts rejoindre le nid douillet et chaud attendant ses audaces.
Les effluves alcoolisées courant dans son sang, les odeurs familières d’asphalte et de pluie mêlées, l’audacieuse mais non moins délicieuse curiosité du voisin mateur ne perdant pas une seule note de la dérive en érotisme avaient argumenté son égarement au point qu’elle en avait ressenti l’humidité de ses désirs parcourir doucement la longueur de ses cuisses
« Je crois que tu es trop diabolique pour moi, Mathilde » et il avait tourné les talons pour rejoindre le salon.
Imperturbable, elle avait allumé une nouvelle cigarette et s’était à nouveau accoudé sur le rebord de la fenêtre.
Sous le ciel à nouveau étoilé l’incandescence de deux cigarettes allumées se renvoyait le reflet.
L’homme d’en face avait crié bonne soirée avant que de refermer sa fenêtre et de tirer ses rideaux...
Elle l’avait imaginé, un instant, se caresser dans la solitude de la pièce par ennui ou par dépit un peu comme quand on grille une énième clope. Game over !
Le charme de l’instant était passé, Benjamin n’avait su profiter de la situation par trop idyllique exacerbant plus que de raison la libido empirique de sa nouvelle compagne érotique.
Rétrospectivement, elle avait songé qu’il pourrait lui en vouloir de l’avoir ainsi évincée, et c’est non sans une certaine crainte qu’elle avait rejoint l’assistance...
La table avait été désertée de ses convives et la pièce avait gagné en intimisme, des lumières plus tamisées l’avaient accueillie. Dans la demi-teinte de l’ambiance feutrée, elle avait pourtant rapidement discerné une nouvelle silhouette féminine, plutôt jeune, plutôt blonde, plutôt exagérément provocante, le stéréotype même de tout ce que Mathilde exécrait. Un rire peu discret et complètement stupide donnait une touche supplémentaire au pathétique de la mauvaise gravure de mode grimée jusqu’au bout des ongles french manucurés.
Elle connaissait bien ce type de femmes pour en avoir croisé plus d’une, le genre qui ne voit pas plus loin que le bout de leurs seins siliconés. Mais pour autant, la jeune inconnue s’était immédiatement présentée à Mathilde, lui tendant une main énergique et sincère ...
« Enchantée Mathilde, lui avait-elle lancé avec un fort accent du sud, je m’appelle Virginie,
Le ton de la soirée était donné.
Il était tant que Mathilde tire sa révérence gentiment .Elle récupérait son manteau Puis elle s’excusait auprès de Jacques, sous un prétexte bidon dont il avait décelé la tartuferie dès les premiers mots. Malgré elle, elle lançait un « Tu viens Benjamin » très dirigiste, presque indécent dans sa tonalité .A la vérité plus personne ne leur prêtait attention,
Benjamin était très heureux de suivre Mathilde, de fuir cet endroit dans lequel il n’avait à aucun moment de la soirée trouvé sa place. La lubricité ambiante était en vérité très excitante à son regard, mais peu engageante.
Lorsque la lourde porte d’entrée avait claqué derrière eux, Mathilde avait pris par une profonde inspiration une bouffée supplémentaire d’oxygène avant que songer à son ex mari.
Heureusement qu’il n’était pas de la partie.
Le trajet de retour, s’était avéré très sage .Ils avaient échangé leurs opinions sur les protagonistes de la soirée qu’ils venaient de quitter, comme cela se fait souvent une fois la porte fermée. Ils avaient même ri de la situation alambiquée à laquelle ils s’étaient trouvés confrontés bien involontairement.
« Avoue, Mathilde, tu voulais me mettre à l’épreuve, tester mes capacités de néo- libertins !
-Tu fais fausse route, c’était juste, enfin pour ma part, des retrouvailles amicales, mais apparemment ils sont complètement accros de leurs dérives sexuelles .Surtout Jacques ! Isa, elle a toujours eu une profonde attirance pour les femmes, les permutations ou mélanges ne l’intéressent guère !
-As-tu fait l’amour avec elle ?
-L’amour ! Un bien grand mot je pense pour les échanges que nous avons pu partager à la sortie de l’adolescence !
-Tu en parles comme si c’était dans la normalité
-Mais c’est la normalité ! Quand les filles deviennent femmes, elles se découvrent, recherchent leur sexualité et le pensionnat est un moteur déclencheur supplémentaire. Mais que t’a-t-on appris ?
-Pas grand-chose en vérité, je découvre, je m’informe, j’aime l’inconnue et cette inconnue m’a guidé jusqu’à toi, grâce au hasard
-Tu crois vraiment au hasard ! Je n’y crois plus depuis longtemps mais je t’accorde le bénéfice de ta naïveté
-Tu en as trop dit ou pas assez !
-Mais c’est que tu deviens adulte Ben, du coup cela me donne moins de scrupules à amoureuse.
-Ne me provoque pas, je te prouverai que je n’ai rien d’un ado
-Je n’attends que cela !
-Tu ne m’as pas répondu !
-Sache que je ne réponds pas toujours, j’occulte, c’est un homme qui m’a appris à contourner les questions embarrassantes.
-L’homme de ta vie, ton ex- mari ?
-Non ce n’est pas mon mari. LUI, nous l’appellerons ainsi, lui est autre, mon ange et mon démon, mon pygmalion, mon plaisir et ma souffrance...J’aime les hommes difficilement accessibles. Je ne connais presque rien de cet homme, il a joué de son immunité face à ma séduction, je dirais presque qu’il a joui de mon addiction sans condition ! Je l’ai désiré, je croyais l’aimer
- Je t’aime Mathilde !
-Tu ne m’aimes pas Ben, tu me désires, le désir et l’amour sont deux choses bien différentes même si bien souvent ils sont entrelacés.
-Je pense à toi tout le temps, je te désire et je t’aime !
-Voilà, nous sommes arrivés madame, monsieur ! »
Benjamin avait réglé la course !
« J’ai très envie de toi, lui avait-il murmuré, dans le vrombissement du taxi qui démarrait
-Alors prouve- le moi de suite, pas de sursis, là contre la porte cochère prend moi, à la lueur des réverbères.
-Plus d’ordre à présent, Madame, c’est moi qui les donne, allez rejoignons nos appartements une surprise vous y attend »
Étrangement, elle avait obéi, entre curiosité et désir !
Dans l’intimité de l’appartement, elle avait enfin ouvert le paquet que Benjamin lui avait offert, découvrant soigneusement rangés, une paire de liens, des poignées en satins lacés à l’identique d’un corset.
Sa surprise avait transparu dans son regard étonné
« Des liens ?
-Tu n’aimes pas ?
-Si, mais, je suis surprise de ton audace, les jeune gens auraient-ils changés ?
-Tu n’aimes pas c’est ça !
-Si, si, mais que comptes-tu en faire ?
-Les utiliser, à bon escient Mat chérie »
Elle avait ressenti dans le ton de sa voix une détermination à laquelle il ne l’avait pas habituée.
« Tu vas te déshabiller maintenant, lentement, mais avant, je veux que tu mettes cela sur tes yeux »
Il lui avait tendu, un joli bandeau de dentelle et satin dans le même ton que les liens, dont elle s’était saisie fébrilement
« Benjamin...
-Tais toi-, donne je vais le nouer »
Il lui avait barré la vue du loup sensuel, et ce soudain isolement l’avait remplie d’émotion. Elle aimait le ton que prenait cette relation, sans en connaître les raisons.
Les odeurs s’étaient faites plus prégnantes, elle avait reconnu celle d’une allumette qu’on craque et d’une cigarette qu’on allume.
« Tu fumes, Benjamin ?
-Non c’est pour toi, ouvres tes lèvres, et prend une grande aspiration, je le sais ça va te détendre
-Je n’ai pas besoin d’être détendue
-Ta respiration est plus courte, ta poitrine plus haletante, j’aime te voir ainsi, craintive
Elle avait entrouvert ses lèvres, à la recherche de la tige baguée rougeoyante.
Elle avait tiré longuement sur la cigarette incandescente avant que de renvoyer la fumée en volutes désordonnées
Alors que la cigarette se consumait lentement en solitaire dans le cendrier, auréolant avec insolence la silhouette mouvante de Mathilde de circonvolutions bleutées indisciplinées, Benjamin avait réchauffé son gosier d’une gorgée de Bourbon.
Il aimait la nonchalance particulière avec laquelle Mathilde évoluait dans son déshabillage, dégrafant de façon fort féminine le zip du morceau de tissus qui lui servait de jupe.
Un instant il s’était laissé absorber dans un délire cinématographique, endossant le rôle d’un héros américain, façon James Bond, sous le charme d’une Tara King bien peu ordinaire.
Il s’était laissé un instant débordé par sa « jeunitude », le temps qu’il redécouvre, l’insolente mais estimable chatte de son espionne improvisée.
Profitant de la non- voyance provoquée de Mathilde, il avait scruté avec un souci de détails draconien l’objet de ses désirs renvoyant l’image obsédante dans un murmure descriptif destiné, inconsciemment, à exacerber le désir de son amante.
« J’aime tant que tu te dévoiles ainsi à moi, ton sexe offert à mon regard. J’aime tes grandes lèvres trop étroites pour camoufler ton abricot, ce fruit lisse et juteux que je vais bientôt te dévorer.
J’aime cette fente étroite qui s’agrandit au même rythme que mon sexe qui enfle et s’épaissit sous mes caleçons.
Donne moi tes doigts, cesse un instant tes ondulations, viens d’assurer de ma tension. »
Mathilde s’était approchée comme une chatte, mais à tâtons, risquant à chaque instant de trébucher, jusqu’à ressentir la chaleur humaine de Benjamin glisser le long de ses cuisses encore gainées de bas.
Soumise à ses inspirations, elle s’était accroupie, se présentant à quatre pattes devant le jeune homme, les pantalons en accordéon sur ses chevilles, son caleçon à mi-mollet, tendu à l’extrême devant tant de soumissions.
A ses yeux, elle était une Reine, capable de tout pour ressentir du plaisir, et même de ramper comme un quadrupède devant un jeune homme
Cette docilité avait exacerbé plus que de raison ses intentions, oubliant toute inhibition, sans pour autant s’encourager d’un nouveau gorgeon de Bourbon !
« Prends-moi en bouche », maintenant, avait-il ordonné d’une voix de plus en plus autoritaire en glissant ses doigts dans la chevelure factice, regrettant presque instantanément son emprise sur la situation.
Il aimait cette femme plus que de raison, et la sentir ainsi à sa merci, si belle dans sa subordination l’entrainait bien malgré lui vers des contrées turpides dont il perdait la maîtrise.
Il avait arraché la perruque délivrant la chevelure odorante de Mathilde, qui, dans un sursaut d’abnégation à toute servitude avait murmuré, « Non, Benjamin, pas ainsi », avant d’arracher son pull entraînant par la même occasion le bâillon visuel.
Sa poitrine haletante, la voracité de son regard déposé sur son membre tendu avait engendré de bien stupides paroles dans de telles circonstances, ces instants bénis des Dieux, où l’Amour laisse place, dans la fugacité, à la lubricité érotique.
« Je t’aime, Mathilde chérie
-Je ne t’aime pas Benjamin, j’ai envie de toi, j’ai envie de baise, pas de romantisme, pas de promesses, juste du plaisir, pour le plaisir, juste pour le plaisir ! »
Avant même qu’il ne réplique, qu’il ne rajoute une insipide traduction de ses sentiments, elle avait gobé son sexe jusqu’à la glotte.
Mais un sursaut de virilité l’avait ramené à la réalité, refusant d’être à nouveau malmené par cette femme dont il n’arrivait plus à déterminer les limites de la sagacité.
« Non, Mathilde, pas ainsi »
Il avait arraché brutalement son sexe d’entre les lèvres de Mathilde pour saisir les liens de satin dont il lui avait fait cadeau.
La contournant, il avait glissé les manchons à chacun de ses poignets, puis, délicatement avait ramené ses mains dans le dos avant de les unir ensemble, la maintenant à nouveau dans une position d’obéissance
« Est-ce bien cela que tu désires, Benjamin, que je me soumette à tes désirs, réfléchis bien avant d’agir
-Tu es une délicieuse capricieuse, mais vas-tu me laisser longtemps ainsi dans cet état, ma queue tendue comme un sceptre, vas-tu me laisser comme un jeune prince attendant son couronnement ?
Mathilde, ligotée et à genoux comme une pénitente châtiée pour ses péchés charnels, avait enrobé d’un bouche voluptueusement gourmande le membre orgueilleux, accompagnant sa gloutonne appétence d’un va et vient harmonieux de tout son corps.
A la seule force de ses cuisses, poings liés, elle avait entamé une magistrale interprétation de la fellation, jusqu’à conduire son jeune amant jusqu’au bord de la jouissance.
Chef d’orchestre de ses lèvres et de sa langue, à la manière d’un Maître de musique, elle avait dirigé une symphonie fantastique, modifiant les tempos, crescendo, de l’adagio au maestoso, son regard bien planté dans celui de Benjamin, jusqu’à que celui –ci ne puisse plus soutenir la licencieuse arrogance de son amante.
Courageux mais pas téméraire, il n’allait plus résister bien longtemps aux talents de « suceuse » de Mathilde dont le péché mignon en matière de caresses, il l’ignorait jusqu’à présent, était la fellation.
Il avait alors abandonné toute passivité, accompagnant le mouvement régulier de Mathilde avec la même application qu’elle, la rejoignant de ses soupirs à ses gémissements témoins du plaisir qu’elle aimait lui donner.
Cruellement elle l’avait abandonné à la frontière de son plaisir, l’obligeant à réprimer douloureusement ses dérives jouissives.
Un instant il avait assimilé sa diabolique maîtresse au statut de véritable criminelle capable de jouir de la frustration qu’elle lui imposait.
En vérité, la clairvoyance de Mathilde était telle qu’elle avait anticipé sur les intentions malhonnêtes auxquelles il la destinait.
Son désir intrinsèque et mordant pour son jeune amant ne laissait pas la place, en cet instant, à des jeux érotiques s’éternisant. Il aurait bien le temps de la soumettre au supplice de la jouissance en soumission, entravée, menottée, dans l’impossibilité de se soustraire aux caresses, aux lèvres de son amant, à un plaisir si violent qu’il en devient insupportable.
Elle connaissait cette délicieuse torture, multipliant les acuités sensorielles, mais en cette soirée, une furieuse envie d’être prise prédominait ses déviances.
« Garce, si tu crois que tu vas t’en tirer comme cela »
A même le tapis, prenant soin de positionner son buste et sa tête sur le siège du canapé, il avait joui de spectacle de son cul haut perché. Puis il l’avait transpercée, conquérant, sans égard, lui arrachant un soupir de jouissance au contact de son sexe dans son étui ruisselant.
Victorieux, il l’avait martelée, puissamment, violemment, une main sur sa taille, l’autre accentuant la cambrure déjà excessive en tirant vers l’arrière les poings liés.
La régularité et la brutalité avec laquelle il l’avait pilonnée, son regard campé sur la croupe altière, avaient arraché à Mathilde des cris de guerrières embellis de quelque obscénités verbales dont elle faisait l’objet, les infligeant d’une bien triviale manière à son sexe en feu.
Elle n’avait jamais abdiqué, dodelinant du cul comme une vrai déesse, jusqu’à la délivrance, lorsqu’elle avait ressenti une chaleur, sourde et violente à la fois, envahir tout son ventre.
Benjamin l’avait gratifié au passage, sur la rondeur de ses hanches de quelques égratignures, tant sa jouissance avait été vibrante, mais silencieuse.
Alors qu’il s’effondrait lourdement sur le corps de Mathilde encore éblouissante de jouissance, elle lui avait reproché son silence, il l’avait embrassé en guise de réconciliation.
Il ne saurait jamais qu’elle l’avait guidé où bon lui semblait, à moins que son apprentissage ne s’avère plus rapide que ce qu’elle espérait, déjouant les malices dont elle était capable.
L’instant d’après, libérée du corps pesant d’amour de son amant, Mathilde avait rejoint la salle d’eau.
Le miroir, si souvent complice de sa féminité, lui avait renvoyé le reflet d’une femme dont les cernes bleutés imprimées sous ses yeux dévoilaient l’image d’une amante qui vient de baiser, ou de se faire baiser violemment.
La peau encore moite de la gratitude amoureuse et dominatrice de son amant, elle jubilait encore de tant d’égarements totalement illicites et pourtant si troublants.
Par compassion ou complaisance, depuis la salle de bain, elle avait interpellé Benjamin, l’invitant à passer la nuit ici, dans son lit .Songeant que c’était la première fois qu’elle envisageait sa relation avec lui au-delà d’une étreinte, elle avait, presque instantanément temporisé l’invitation spontanée
« Mais si tu préfères rentrer, je n’y vois aucune objection, d’ailleurs...
-D’ailleurs ?, avait-il questionné, nu dans l’embrasure de la porte, les cheveux en bataille, son sexe à nouveau dressé
-D’ailleurs, je pars tôt demain matin, mais tu pourras dormir si tu le souhaites, je te laisserai une clef. »
Cette dernière réplique l’avait figé et fait débander presque illico, bien qu’encore investi de désirs abondants pour le corps ruisselant de Mathilde.
Comment pouvait-elle, avait-il songé, comment pouvait-elle être aussi peu sensible .Sa fermeté en totale opposition avec ses inhibitions venait de claquer comme un coup de fouet, comme une punition infligée pour son impertinence de vouloir la baiser encore et encore.
A moins qu’elle ne veuille s’imposer une pénitence, en récompense de son hégémonie érotico-sensuelle.
Aux yeux de Benjamin, cette beauté féminine en proie à ses anciens tourments, lui apparaissait soudainement autant comme une mystérieuse rebelle que comme une délicieuse amante docile .Cette dualité permanente , ce combat incessant qu’elle ne livrait qu’à elle même sans soucis de contradiction, ni de déception , loin d’être une barrière , attisaient ses intentions de faire d’elle sa maîtresse à part entière .
Il était temps de la surprendre, d’ignorer son adversité et son indifférence, de la contrer, de l’obliger à s’arracher à ce mystère dont elle voulait s’enrober, quitte à se laisser malmener pour en sortir victorieux.
Plutôt que de combler ses ambitions, il avait décidé malgré son jeune âge et son manque d’expérience de jouer la carte du mauvais élève désobéissant.
« Puisque tu pars tôt demain matin, je préfère rentrer chez moi, et puis, que tu me laisses jouir de tes appartements me dérange énormément.je prends une douche et je rentre.
-Tu ne me demandes pas ou je pars demain ?
-Cela ne me regarde pas, tu es libre de tes actes, comme moi du reste.
-Comme tu veux ! »
Elle avait joué les belles indifférentes si ce n’était dans son comportement sensuel dans la gestualité de sa silhouette hautement féminine.
Sa maturité, tant érotique que génétique était un flambant atout de séduction face à la fraîcheur masculine de Benjamin, et il avait eu toutes les peines du monde à réfréner ses douloureuses pulsions lorsque la peau de Mathilde, encore ruisselante, l’avait négligemment effleuré à la sortie de la douche.
La raison pour une fois l’avait emporté sur sa passion, et avec une désinvolture déconcertante, il avait pris sa place sous le jet du pommeau, jouant à l’identique de sa maîtresse de ses pouvoirs de séduction.
Le plus discrètement possible, pour ne point trop paraître gourmande, elle avait décortiqué la silhouette de son jeune amant, analysant dans le détail chaque arête et chaque rondeur de ce corps dont la jeunesse ajoutait une e note supplémentaire dans une musculature déconcertante d’attirance.
Elle avait eu envie de l’embrasser sous l’eau jaillissante, envie de laper chaque parcelle de son corps pour mieux le revisiter avant que de l’abandonner pour quelques temps.
Frottant énergiquement ses cheveux, elle n’avait pas pu, dans le coup de l’action, tant ses postures, même les plus banales, pouvaient séduire Benjamin.
La seule vue de ses seins lourds mus d’une émouvante agitation, sous une gestuelle énergique, l’avait complaisamment accompagné sous la douche, lui imposant une tension érectile dont il se serait bien passé, compte tenu de ses nouveaux projets.
La toilette de Mathilde était un vrai ravissement qu’il emporterait avec lui, le temps qu’elle le rappelle, quand elle serait en manque de lui.
Elle s’était enveloppée dans un grand peignoir éponge douillet, l’avait ceinturé fermement avant que de choisir des tenues appropriés pour son séjour dans la Creuse
Quoi qu’il en soit à cet instant précis elle songeait à l’homme sans tête, celui qu’elle avait aimé plus de raison sans jamais pouvoir lui appartenir.
Ses horizons, faits de rêves et de désirs, d’espérance pour un homme dont elle ne connaissait les intentions qu’au travers de ses écrits étaient en train de s’effacer.
Elle avait quitté tôt le lendemain matin son appartement parisien, abandonnant Benjamin encore endormi après une nuit des plus sages, pas vraiment « L’auberge des culs tournés », mais suffisamment de distance entre eux pour ne pas succomber à la tentation.
Puis elle avait récupéré sa voiture dont elle n’avait guère l’utilité dans la capitale, avant de prendre la route et de se confronter à cette heure matinale aux embouteillages matinaux habituels citadins.
Elle n’avait guère qu’un peu plus de quatre heures de route avant de rejoindre la propriété de son ex mari ,à Aubusson, une acquisition dont il n’était pas peu fier , mais dont il ne voyait plus , lui avait –il dit, l’utilité maintenant qu’elle l’avait abandonné.
Oui, abandonné était bien le mot qu’il avait employé par défit ou peut être encore pour se déculpabiliser des relations extraconjugales qu’il avait multipliées pendant de longues années.
A bien y songer, il avait été le meilleur de ses amants et elle regrettait amèrement cette façon si particulière qu’il avait de lui faire l’amour.
Mais pour autant, elle ne l’aimait plus, tout juste si un soupçon de tendresse l’effleurait encore de temps en temps, quand elle songeait aux années de bonheur qu’ils avaient partagées.
Lorsqu’elle quittait enfin la périphérie de la capitale, son portable ronronnait au fond de son sac.
Elle songea un instant que c’était Christopher qui essayait de la joindre pour qu’elle lui confirme son heure d’arrivée, et par reflexe, elle répondait presque instantanément !
« Benjamin ?
-Tu as l’air étonnée !
-Oui je le suis, que veux-tu ?
-Sympa l’accueil ! Tu aurais pu me dire au revoir.
-Je n’aime pas les séparations !
-Dans ce cas là pourquoi es-tu partie ?
-Je suis libre de mes choix, c’est toi qui me l’as dit.
-Oui mais tout de même, sans un baiser, sans un mot
-C’est ainsi, j’ai besoin de repos, ne cherche pas à comprendre. Écoute je suis en train de conduire, la police veille, je dois te laisser.
-Je t’aime Math !
-Je t’aime aussi ! Pas comme tu le voudrais
-Tu m’appelleras ?
-Écoute Ben, arrête de jouer les gamins, Là j’ai envie de tranquillité qu’on me foute la paix tu comprends.
-Oui là j’ai compris »
Il avait raccroché .Elle regrettait sa sévérité.
C’est vrai qu’il était charmant, doux, affable, presque trop prévenant, c’est vrai qu’il avait un corps diaboliquement excitant, c’est vrai qu’elle aimait la saveur de sa peau. Oui elle était amoureuse
Il l’avait accompagnée virtuellement sur une longue partie du trajet. Elle avait inventé des dialogues, des jeux érotiques auxquels ils auraient pu se prêter pendant le voyage, ou encore des haltes inopinées sur une aire d’autoroute .Autant de scenario qu’avec lui seul elle voulait partager. Autant de fantasmes avaient multiplié son désir dans l’habitacle du véhicule juste habité de musique.
Après être passée aux abords d’Orléans, entre fatigue et lassitude, elle avait décidé se s’accorder un moment de détente dans la prochaine station service, histoire de ses dégourdir les jambes et d’avaler un café pour recouvrer ses esprits.
Mais lorsqu’elle avait coupé le moteur, reposant ses mains sur le volant, elle avait eu du mal à contenir ses émotions du moment et glissant une de ses mains entres ses cuisses entrouvertes, elle avait récolté le fruit de son désir sur ses dentelles inondées.
Contournant les interdits et la bienséance, dans l’urgence, se moquant de l’environnement et de ses occupants, elle avait fouillé son sac, à la recherche de son jouet, un minuscule bâton de rouge à lèvres factice, afin de satisfaire ses incontrôlables envies.
Puis écartant un peu plus ses cuisses, écartant le voile de son string, elle avait glissé l’objet vibrant entre ses lèvres épanouies d’un désir grandissant.
Dès les premières vibrations, elle avait ressenti une agréable fièvre l’envahir, tétaniser ses membres, et l’emporter vers un plaisir interdit. La jouissance était venue très rapidement, fulgurante alors qu’elle ne songeait, en se caressant, qu’à Benjamin.
La tête en arrière, les yeux mi-clos, elle avait savouré son orgasme en lui dédicaçant, et en le détestant pour ce désir de lui qu’il avait inoculé en elle comme un lent poison sans antidote.
C’est à cet instant qu’elle croisa le regard d’un inconnu qui s’était délecté de ces instants volés.
Elle en sourit, puis elle en rit en se disant qu’elle avait au moins partagé son plaisir avec quelqu’un, fut-il un illustre inconnu.
Avec autant de désinvolture, elle réajustait ses dentelles, remettait de l’ordre dans ses cheveux, du rouge sur ses lèvres, sortait du véhicule avec la ferme intention d’inviter le pêcheur voyeuriste à prendre un café, mais il avait disparu.
Lorsqu’elle pénétra dans la halte d’autoroute, les regards masculins ne l’épargnèrent en rien, et fière de ces soudaines attentions étrangères, elle harmonisa sa silhouette d’un sourire énigmatique anonyme.
Elle songea un instant que les hommes étaient souvent plus sensibles à une femme qui venait de quitter les bras de son amant, et si virtuel soit-il, c’était évidemment ce qu’elle venait de faire.
Après un café vite avalé et l’achat d’une barre chocolaté destinée à calmer les grondements de son estomac vide, elle rejoignit son véhicule.
Il demeurait le seul vestige de ses années de bonheur passées auprès de son mari.
Ce vieux cabriolet qui n’avait plus d’âge avait été témoin et acteur de nombreuses parties de jambes en l’air dont elle avait un souvenir exact ancré au fond de sa mémoire.
Elle le décapotait et s’installait à nouveau au volant de son vieux char, chaussait ses lunettes noires, habillait sa chevelure d’un foulard comme on pouvait le faire dans les années cinquante.
Empreinte de nostalgie, elle tournait le bouton de son auto radio et s’enfermait soudainement dans la musicalité des notes classiques du concerto de Lalo, avant de démarrer pour récupérer l’autoroute.
Malgré sa vitesse limitée l’air en déplacement ne manquait pas de s’engouffrer sous les pans de sa longue robe à pois, dévoilant largement ses longues cuisses jusqu’à sa culotte.
Peu ou pas attentive à ce phénomène pour le moins prévisible, elle mit un certain temps à réaliser que chaque fois qu’elle dépassait un poids lourd , elle avait droit, soit à des appels de phare , soit à des coups de klaxon, ou parfois les deux en même temps.
Sur un adagio, elle quitta rapidement l’autoroute préférant finir le reste de son parcours par les nationales plus tranquilles.
Elle se sentait à nouveau libre, mais pourtant sur la route qui la rapprochait de son ex- mari, elle resongeait à cette fois, où roulant sur une plage déserte à la tombée de la nuit, elle avait fini par s’enliser avec sa vieille golf.
Elle resongeait à cet instant où, craignant sa colère devant autant de stupidité, elle avait glissé sa main sous sa braguette. S’en était suivi un combat époustouflant, un combat érotique crescendo qui avait duré toute la nuit sous la voûte étoilée
Elle entendait encore ses cris sous les assauts de Christopher ne ménageant aucun de ses interstices féminins, la prenant mains liées au volant, puis plus tard à plat ventre sur le capot.
Elle se remémorait sa jouissance ainsi que, un sourire aux lèvres, la suite beaucoup moins réjouissante au petit matin, lorsque les gendarmes les avaient découvert endormis et nus et les avaient menacés de les amener au poste avant que de les aider à les sortir de leur galère.
Un procès verbal leur avait été dressé, elle se rappelait même du nom du brigadier qui, ça ne s’invente pas s’appelait Longequeue.
Il en avait beaucoup ri.
Elle avait longtemps aimé leurs jeux érotiques, si seulement il l’avait respectée, elle serait toujours à ses côtés
Le portable l’emportait sur sa mémoire, elle répondait instantanément.
« C’est moi, Chrys, à quelle heure arrive tu ?
-Tu t’inquiètes pour moi, c’est nouveau ça !
-Tu ne vas commencer. Je voulais juste te préparer un petit déjeuner !
-Prépare plutôt le déjeuner dans ces cas là, je ne serais pas là avant midi
-Ok, ma chérie ! Sois prudente »
Sa douceur inhabituelle ne laissait rien présager de bon, autant de complaisance avait sûrement une raison.
L’instant d’après le portable résonnait à nouveau. Il n’avait pas attendu bien longtemps.
Elle répondait de l’agacement dans la voix
« Oui, que veux-tu encore ?
-Bonjour Mathilde ! »
Elle en avait lâché son mobile. A l’autre bout de la ligne c’était lui, l’amant invisible !
Allo, allo criait le téléphone !
Radoucissant sa voix, elle répondait
« Bonjour, excuse moi je croyais que c’était Chrys !
-Comment vas-tu ?
-Bien, bien ! »
Elle ne trouvait rien de mieux à répondre !
« Où es-tu ?
-Ici et ailleurs, quelle importance ! Et toi ?
-Sur la route pour la Creuse !
-La Creuse ? Que vas-tu te perdre dans ce trou !
-Me reposer, j’adore la Creuse !
-Ah oui ! Épuisée ! Un jeune amant ? disait-il en riant
-Comment le sais-tu ? Je suis amoureuse
-De moi ?
-Plus, je suis guérie »
Silence !
« Bon je vais te laisser maintenant, prends soin de toi, sois prudente, je ne voudrais pas que tu abimes ton joli petit cul. Tu me manques
-Toi, plus !
-Nous verrons …baisers »
Elle n’en aurait pas d’avantage, comme à son habitude.
Pourquoi à chaque fois, qu’elle envisageait de l’oublier, pourquoi réapparaissait-il dans sa vie ?
Mais cette fois le simple son de sa voix ne lui avait pas fait oublier Benjamin, ne suffisait plus, preuve irréfutable de son amour pour le jeune homme.
J'ai mis un peu de temps , mais waouw!quelle belle histoire d'amour!Pas classique!j'ai adoré!!!
· Il y a presque 12 ans ·Sweety
J'ai effectivement vu que tu faisais partie des pré-sélectionnés. Dommage. Reste à voir la qualité des lauréats. Certains résultats de concours étaient parfois surprenants.
· Il y a presque 12 ans ·En attendant, c'est imprimé, je le lis et reviens te dire.
wen