Ainsi va le monde

petisaintleu

Il y va de l'éducation de son enfant comme du tonneau des Danaïdes. On ne voit jamais le fond du trou bien que, jamais de ma vie, je n'accepterai une mutation à Charleroi. Il est primordial de mettre à l'abri mes enfants contre tout risque qu'ils ne finissent dans une cave humide et enchaînés.

Tout commence le quatrième jour. Je parle dans ce cas uniquement des hommes qui, après avoir dignement fêtés l'événement avec leurs camarades de beuverie, ont pu tranquillement terminer leurs nuits. Les pauvres, ils ne doutent pas que bientôt, sauf s'ils sont des pères indignes, il en sera fini de leurs souleries et qu'ils devront entrer en paternité comme on entre en religion.

Les premières affres commencent dès le retour de parturition de madame. Vous aurez beau essayer tous les remèdes de grand-mère, vous n'y couperez pas, même avec des bains de bouche au Synthol. Pour revenir à elle, la belle-mère en l'espèce, il en existe de deux sortes.  Celle qui, bon gré mal gré, vous épaulera et vous guidera avec discrétion et discernement sur la voie de l'apprentissage de cette nouvelle activité contrainte. Et il y a les autres, toutes les autres, l'immense majorité des autres qui ne savent jamais se faire silencieuses. Les casse-bonbons qui oublient qu'elles ne sont que la pièce rapportée et qui n'en pensent pas moins de vous. Vous serez alors très vite pris en tenaille, entre les injonctions militaires de la belle-doche et le mignon petit poupon qui vous éveillera au son de son clairon, bien avant l'aube.

Jours après jours, vous allez vous y faire. Vous apprendrez rapidement à vivre en somnambule, entre le biberonnage nocturne et votre activité professionnelle. Bien heureusement, les sommités médicales se sont penchées sur le problème. Ces saints hommes de la science, je dis cela car nous vivons toujours dans un monde de phallocrates où les femmes sont exclues et dont leurs avis importent peu, ont préconisé de privilégier l'allaitement maternel. Un petit bémol toutefois : ce que vous y gagnerez en confort de sommeil, vous le perdrez en intimité. En effet, il y a de fortes probabilités que la sortie de couche se prolonge, voire que votre compagne ne se montre un peu agressive et que, dans les pires des cas, cela ne se solde par un baby blues.

Au niveau du changement des couches, vous verrez que ce n'est pas si compliqué et si ragoûtant qu'il n'y paraît. Tout du moins jusqu'à ce que le régime alimentaire de votre bambin ne se tourne vers une alimentation carnée. Quand il atteindra ses deux ans, vous vous désespérerez de répéter après chaque changement de Pampers, « Bébé caca popot » et de vous retrouver accroupi au-dessus dudit récipient suscitant, à n'en point douter, l'hilarité de votre petit protégé, sans pour autant en changer les habitudes.

Avec l'entrée en maternelle et après avoir essuyé les plâtres dégoulinant de traces de feutres, à moins que la chère tête blonde n'ait préféré s'acharner sur votre collection de CD ou sur les livres que vous aviez omis de mettre à l'abri, viendront les premières questions existentielles. Au rythme de trois cent interrogations quotidiennes, vous serez soumis à la question, sous la pire des tortures, les bisous baveux. Vous devrez alors savoir pourquoi le ciel est bleu, connaître la couleur du cheval blanc d'Henri IV et, si vous êtes à cheval sur les principes, louvoyer pour expliquer comment on fait les bébés.   

Petit à petit, votre poussin fera son nid. Alors que vous étiez le plus gentil des papas, il vous faudra bientôt laisser seul votre enfant parcourir les derniers cent mètres le séparant de l'école. Quand vous réclamerez un bisou, on vous dira que vous piquez ou, dans la posture de l'arroseur arrosé, que vos embrassades sont trop humides. Ce sera à vous de souffrir quand, à quatre du matin votre petit con d'adolescent vous aura laissé seul pour aller brailler avec ses potes. La maisonnée vous semblera alors bien vide. Que voulez-vous, la roue tourne.

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