All I want for Christmas

Depuis que je suis assez jeune, je fantasme sur les hommes plus vieux. Dans tous mes univers fictionnels préférés, le cliché de la jeune fille en fleur possédée par un homme plus expérimenté - voire mature - me faisait frissonner avec passion. Là où les autres trouvaient cela seulement malsain, j'y voyais un potentiel dramatique énorme. 

Pourtant, je savais faire la différence entre ces tendances et la réalité. 

C'est le jour de l'anniversaire du petit Jésus qu'eut lieu le déclic. Le Noël le plus fou de ma vie, dans une famille encore plus folle - dans le sens positif du terme. J'étais tellement habituée auparavant aux réunions chiantes à mourir. Je n'ai jamais autant rigolé un 25 décembre, au côté de personnes qui n'étaient pas de mon sang, mais qui étaient assez ouvertes d'esprit pour m'accueillir à leur table.

Et c'est là que je t'ai rencontré entre les coupes de champagne, le foie gras et les cigarettes. Reléguée en bout de cortège, à la gauche du fils le moins stable de la famille. Oui, j'avais entendu beaucoup d'histoires sur toi. Tu m'es apparu tellement sûr de toi, drôle et extraverti. Sans conteste le plus charismatique de tous - également physiquement. Mais au fond, j'arrivais à sentir les blessures de ton passé et peut-être même ton mal-être présent que tu souhaitais cacher.

Et je te voyais me regarder. On peut dire que le feeling est passé. Je pensais que c'était l'abus d'alcool qui te faisais montrer un possible intérêt envers ma personne. Tu avais huit ans de plus que moi. Cela ne se voyait pas tellement avec ton visage imberbe, tes yeux malicieux et ton large sourire. Mais tes mains... C'était des mains d'homme.

Avant que je parte, tu me glissas ton numéro de portable que tu avais pris la peine d'écrire sur un bout de papier, dans la main. "C'est mon cadeau, tu regarderas plus tard." Le souffle court, j'ai eu du mal à réaliser que ce n'était pas une blague. Tu n'étais pas censé faire ça. Je n'étais majeure que depuis quelques mois.  Je n'étais surtout pas censée accepter. J'étais déjà amoureuse d'un garçon. Enfin, c'est ce que je croyais. Car soudain, celui-ci ne me manquais plus du tout. 

Tes flatteries subtiles et tes injonctions à peine voilées ont réussi à me retourner le cerveau. Ah oui, c'était vraiment facile. Tu sais très bien t'y prendre. J'aurais pu plonger cent fois dans tes bras. Mais peut-être qu'inconsciemment je n'étais pas encore assez libre, assez audacieuse pour aller jusqu'au bout de mes envies risquées.

Maintenant tu as tes emmerdes d'adulte, j'ai mes ennuis d'étudiante. Cela ne sera jamais du même niveau. Peut-être que le destin fera que nos chemins se recroiseront. En attendant, tes mots sont sauvegardés dans mon portable et je me plais à les relire. Et même s'ils étaient écrits sous le coup d'un désir irrationnel, tu l'as souhaité. C'est moi que tu as choisi.

Ma mère m'avait prévenue : prends garde à la fleur vénéneuse, au charmant Scorpion qui viendra te piquer au premier moment de faiblesse. 

Je ne l'ai écoutée qu'à moitié. Pour la première fois, j'étais l'héroïne de ma propre histoire.