Alors ?

louzaki

Jean noir. Tee-shirt noir. Chemise noire. Bottes de cuir. J'ai enfilé mes habits de deuils aujourd'hui.
Après avoir préparé mon discours, je suis venue près de toi.
Après avoir parlé un peu trop, je suis rentrée chez moi.
Je ne pouvais pas m'empêcher de regarder ma boîte aux lettres, mes mails, mes SMS, chaque jour. Comme si tu allais m'envoyer quelque chose.
Une carte postale avec écrit au dos « Je m'amuse bien ici, bien mieux qu'avec toi »
L'image serait une mer calme et bien bleue. Comme dans les films.
Encore une fois, je me suis rendue compte que j'arrivais encore à t'emmerder, même six pieds sous terre. Que j'avais pris toute la place avec mes blessures. Que j'avais monopolisé la parole avec mon discours-pleurs.
Que je n'arrivais pas à te laisser la place. Encore une fois.
Comme ces fois où tu rentrais, heureux et fatigué de tes journées, et que moi, j'étais moi, je n'écoutais pas. Je t'imaginais m'emmener au bout du monde. Je te voyais m'enlever à mes journées sombres. J'aurais pu au moins t'écouter, non ?
Peut être que si je l'avais fais, rien ne serait arrivé. Peut être que par un heureux hasard, tu n'aurais pas été là à ce moment et un autre serait mort.
J'aimerais tant te revoir froncer les sourcils et m'engueuler que je suis égoïste, que je ne pense qu'à moi. J'aimerais me sentir à nouveau minuscule face à toi et combien faible, combien lâche face à tes actes, tes réactions.
Ce soir, je n'ai fais que mettre un pansement sur mes blessures.
Tu disais qu'une boîte de pansement te ressemblait. C'était vrai. C'est vrai.
Alors comme je me retrouve ici et que je n'ai plus aucun moyen de m'excuser à nouveau, de te prendre dans mes bras, j'ai refais mon pansement une dizaine de fois déjà. Plus jamais satisfaite de ce qui passe par moi, j'aimerais que quelqu'un d'autre le prenne en charge.
J'ai relu Veuf de Jean Louis Fournier. Que tu m'avais prêté, qui m'appartient maintenant. Lui, qui m'avait tant révolté, je le comprends. Du moins, j'en ai l'impression.
Regarde moi... Je ne parle que de moi. Oui, c'est vrai, moi, je suis toujours vivante. Moi, je suis toujours autant égoïste. Je n'ai pas changé depuis que tu es mort et je ne changerais pas.

Alors je m'habille en noir. Pas pour moi, moi je ne vais pas oublier. Que tu es mort et que je suis toujours aussi faible. Mais pour les autres. Ces fantômes mouvants. Qui rient ou pleurent autour de moi. Pour leur dire « Je ne suis pas comme vous. Moins bien. Plus... noire ».

Qu'en dis-tu ?
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