Amer aveu (1)
wen
Pardon pour mon absence de ces derniers temps, j'ai été pas mal occupé. Mais il me reste quelques textes à publier quand même en ce début d'année.
Ceci est ma contribution pour le concours Paris Polar 2014.
Les contraintes, outre le nombre de pages maximum, étaient les suivantes :
- Correspondre au genre polar (crime, mobile, coupable, victime, arme, enquête...)
- La nouvelle devait démarrer par cette première phrase : « Les deux hommes patientaient devant un Lavomatic dans lequel se croisait la jeunesse du quartier » et se terminer par cette dernière phrase : « Elle leva les yeux vers la cime des arbres mais Dieu ne fit pas un geste dans sa direction. »
Vous en souhaitant bonne lecture et évidemment, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.
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Les deux hommes patientaient devant un lavomatic dans lequel se croisait la jeunesse du quartier. Amis depuis des années et ayant trouvé leurs logements respectifs non loin, François et Julien se retrouvaient généralement tous les deux à la laverie, le samedi matin. Ils chargeaient leurs machines respectives, lançaient les programmes et allaient s'asseoir dans le café en face discuter et partager une bière ou un café.
Ils regardèrent en même temps l'écran du téléphone de Julien posé sur la table de bar lorsqu'il sonna. Le visage d'Esther, sa femme, s'affichait en même temps que l'appareil vibra, résonnant sur le formica hors d'âge.
— Oui ma chérie, interrogea-t-il en décrochant, étonné qu'elle appelle à cette heure-là.
Normalement, le samedi matin, elle s'affairait dans l'appartement pour se débarrasser des tâches ménagères et se libérer le week-end. Écoutant Esther, le visage de Julien devint instantanément grave. François s'aperçut qu'il y avait quelque chose d'alarmant. Il l'entendit essayer de calmer sa femme. Cela semblait très sérieux.
— OK, tu ne bouges pas, lui ordonna Julien. On arrive. Il se leva à peine avait-il raccroché et s'adressa à François. On bouge, je t'explique en route.
Il traversait déjà la rue quand François déposait un billet de dix euros sur la table. Il le rattrapa et commença une phrase pour se plaindre de devoir faire une croix sur sa monnaie. Julien le coupa brutalement.
— Sébastien a été renversé par une voiture en scoot'. C'est grave, lui dit-il sombrement. On retrouve Esther à Lariboisière, métro Barbès. Tu réveilles Amandine, lui demanda-t-il, ou tu préfères attendre un peu.
François évalua les options s'offrant à lui en une fraction de seconde. Il était bientôt neuf heures trente du matin et Amandine dormait surement encore. Elle avait toujours été une grosse dormeuse, tout le monde le savait, lui-même et tous ces amis également. S'il l'appelait tout de suite, d'une part, il prenait le risque de la réveiller et on a déjà vu mieux comme nouvelles au réveil pensa-t-il. D'autre part, une fois qu'il lui aurait dit, elle le bombarderait de questions auxquelles il n'avait pas les réponses et cela ne fera qu'augmenter son stress et son inquiétude. Dans les deux cas, il valait mieux attendre d'en savoir plus.
Les deux amis coururent vers l'arrêt de Bus Moines-Davy à cent mètres à peine pour attraper le bus 31, moyen le plus rapide en ce samedi matin pour atteindre Barbès et l'hôpital.
Arrivés dans le couloir de la chambre de Sébastien, un homme leur barra la route. Un policier en uniforme se tenait devant la porte de la chambre derrière lui. Qu'est-ce que c'était que cette histoire se demanda Julien. Sans avoir le temps de réfléchir à la réponse, l'homme devant eux les arrêta.
— Pardon messieurs, fit-il en levant la main pour leur faire signe de ne pas aller plus loin. Les visites sont interdites pour le moment.
Il se passait vraiment quelque chose d'anormal. La vue de l'uniforme derrière changeait beaucoup de choses. Dans quoi s'était encore fourré Sébastien pensa Julien. Malgré l'inquiétude sur l'état de son ami, Julien décida de la jouer diplomate.
— Bonjour Monsieur, lui dit-il poliment. Nous sommes des amis à lui, nous souhaiterions savoir comment il va. Est-ce que c'est grave, demanda-t-il, laissant sa question en suspens en oubliant de demander quel était la nécessité d'une présence policière à la porte de la chambre de leur ami.
— Oui, c'est grave, lui répondit laconiquement l'homme en face d'eux. Je ne peux pas en dire plus, je ne suis pas médecin, précisa-t-il réalisant qu'il ne s'était pas présenté. Il le fit immédiatement, secrètement heureux d'avoir affaire à des personnes qui pourraient lui apporter plus de détails. Je suis le commissaire Ronsmans, Police Nationale. Votre ami a été percuté par une voiture hier soir dans la nuit en rentrant chez lui. La voiture a pris la fuite. Monsieur Sébastien Soubral a été découvert un peu plus tard par des passants qui ont alerté les secours.
— Comment ça “ un peu plus tard ”, l'interrompit François vivement.
— Nous avons estimé le délai à plus d'une demi-heure, répondit le Commissaire Ronsmans l'air grave. Le médecin pourra vous en dire plus mais votre ami a perdu beaucoup de sang.
Esther arriva en courant dans le couloir à ce moment précis. Elle aperçut Julien et François. Elle put difficilement prononcer un Alors ? inquiet entre les amples soubresauts de sa poitrine, signe des efforts pour retrouver son souffle après avoir couru.
Julien lui répéta rapidement ce qu'il venait d'entendre. Le sang d'Esther se glaça. Ses connaissances médicales étaient lointaines et succinctes –elle avait préparé le concours d'infirmière il y a quelques années– mais elle comprenait mieux que tout le monde autour d'elle la gravité de la situation.
— C'est quoi ce policier, demanda-t-elle toujours aussi essoufflée en jetant un coup de menton vers la sentinelle devant la porte.
Julien et François ne purent pas lui répondre, ils comprenaient visiblement aussi peu l'un que l'autre ces précautions policières. Tous les regards se tournèrent alors vers le commissaire devant eux. En vieux roublard sachant ménager son effet, il prit tout son temps. S'affublant d'un air mystérieux auquel il ne manquait plus qu'un lissage de moustache tel un Hercule Poirot aux pensées impénétrables, il prit une profonde inspiration.
— Chers jeunes gens, il laissa traîner sa phrase avant de reprendre. La configuration des lieux et le déroulé des faits que nous avons pu reconstituer excluent un banal accident de la route et un délit de fuite classique, si j'ose dire.
Les trois amis restèrent interdits face à cette affirmation. Esther fut la plus vive à réagir.
— Comment ça, demanda-t-elle presque brutalement. C'est quoi cette histoire, dit-elle presque pour elle-même en se passant les mains sur le visage, comme si elle se réveillait d'un mauvais cauchemar.
— Tout porte à croire que ce n'est pas un simple accident de la route, chère madame, dit le commissaire Ronsmans en regardant Esther fixement. Puis, prenant sa voix la plus grave et la plus solennelle, il continua. Pour l'instant, compte-tenu de l'état de santé de Monsieur Soubral, il marqua une pause sentant qu'il s'engageait sur le terrain médical où il ne voulait surtout pas aller. Disons que pour le moment, d'un point de vue strictement procédural, c'est un délit de fuite assez mineur si j'ose dire. Néanmoins, il reste encore trop de choses à éclaircir pour ne pas écarter…, le commissaire laissa traîner un peu juste avant de reprendre brutalement, … la tentative de meurtre avec préméditation.
Les trois jeunes gens restèrent bouche bée. Le commissaire Ronsmans décida de répondre rapidement aux questions qu'ils ne posaient pas. Il leur décrivit rapidement les lieux et détailla quelques éléments qui l'avaient interpellé. Tout d'abord, la configuration de l'accident impliquait que le véhicule ayant percuté le scooter sortait d'une petite impasse étroite en retrait, excluant un choc à grande vitesse. Ensuite, tout laissait penser que l'accident s'était déroulé en plusieurs temps. D'abord le scooter avait été percuté vraisemblablement pour faire tomber son occupant. Puis, dans un deuxième temps, le jeune homme avait été renversé alors qu'il venait tout juste de se relever. Aucune trace de freinage n'avait été remarquée sur le bitume. Enfin, dernier élément, perturbant apparemment beaucoup le commissaire, Sébastien avait, semble-t-il, enlevé son casque avant d'être percuté le plus gravement par le véhicule. Son casque avait été retrouvé posé sur le capot d'une voiture garée juste à côté. Comme s'il avait eu le temps de l'enlever et de le poser à cet endroit. Juste avant l'impact, précisa le commissaire qui réfléchissait à voix haute.
Julien et François se regardèrent circonspects. Esther se mit la tête dans les mains en chuchotant que c'était un cauchemar. Les deux hommes se questionnaient du regard, semblant se demander l'un l'autre ce que c'était que cette histoire, et qui pouvait bien vouloir faire ça à Sébastien.
Le commissaire Ronsmans était très fier de son effet. Après les quelques recherches qu'il avait fait dans la nuit, il en savait assez sur Sébastien pour être persuadé que c'était auprès de ses amis qu'il obtiendrait le plus d'informations. La famille du blessé, très restreinte, habitait un village au cœur de l'Ardèche. Il n'avait que des relations éloignées et distantes avec elle. L'aspect familial était donc écarté. Restaient les amis et selon la première analyse de son téléphone portable, la majeure partie, ceux avec qui il avait le plus de relations téléphoniques, était en face de lui.
Un médecin brisa sa réflexion en sortant de la chambre de Sébastien. C'est François qui l'interpela en premier avec une voix inquiète.
— Nous sommes ses plus proches amis, comment va-t-il.
Le médecin se tourna vers le commissaire et l'interrogea du regard pour savoir s'il pouvait parler ou non. Un hochement de tête positif valut autorisation à l'interne.
— Mal, dit-il l'air affecté. Il est plongé dans le coma que nous entretenons médicalement pour tenter de résorber un important hématome crânien. Il souffre de multiples fractures importantes. Un pied, les deux jambes, plusieurs côtes, énuméra-t-il cliniquement. Certains organes de l'abdomen ont également été touchés. Le foie principalement. Le médecin avait visiblement ajouté cette précision pour souligner la gravité de son état. Mais son ton laissait présager que le pire était à venir. Un poumon a été perforé, ajouta-t-il sans rentrer dans plus de détails.
— Quand pourrons-nous le voir, l'interrompit Esther en larmes.
Le médecin laissa passer de trop longues secondes pour que cela ne cache pas quelque chose. Il prit une inspiration puis se lança.
— Nous évaluerons de nouveau la situation ce soir...
La voix de l'interne traîna comme s'il hésitait à prononcer la fin de la phrase. Elle tomba comme un couperet l'instant d'après.
— … s'il est toujours vivant, dit-il en baissant le ton et en regardant ses chaussures, rageant intérieurement contre l'absurdité de son métier, et la solitude morale engendrée certains jours.
A suivre…
ce qui est positif c'est que toi tu es encore vivant !
· Il y a presque 10 ans ·ok, tu peux envoyer la suite mon cher wen ...
woody
Et oui mon Woody, toujours vivant !
· Il y a presque 10 ans ·Comme je disais, j'ai été légèrement occupé ces derniers temps mais j'ai encore quelques petites histoires en réserve. En espérant que celle-ci te plaise.
A demain donc.
wen
A quand la suite ?
· Il y a presque 10 ans ·chloe-n
Demain matin. Comme toutes mes histoires à épisodes, je publie un épisode par jour.
· Il y a presque 10 ans ·Merci de ta lecture et à demain donc.
wen