Androgyne

~R.

[ T'sais pas à quel point j'suis mal. J'dors mal. J'vis mal. Juste parce que notre grande horloge s'est arrêtée pour laisser nos montres se réveiller. J'ai passé tout l'été à parler de nous, de "on". J'en oubliais bien que j'étais unique. J'en oubliais qu'on se séparerait. C'était nous deux, ensemble. C'était un tout, tout doux, tout beau, qui faisait du bien partout. Et voilà que j'me surprends à parler de moi, de "je". De tout ce qui tourne autour de moi mais pas de toi. De ce qui nous distingue, ce qui nous sépare. De tout ce qui fait qu'on est pas à deux, à cet instant-ci. Qu'on sera pas plus près l'un de l'autre le moment qui suit. J'ai tellement envie d'arrêter ma montre, pour voir ton temps passer plus vite que le mien. Ça veut rien dire mais c'est tout ce qui me vient. ]

J'me plongerais dans ta vie
J'sauterais dans tes yeux
A défaut de ton lit
Et tu tomberas amoureux

J'te montrerais des gares
Où l'on peut voyager
En plongeant dans les regards
Des autres passagers

J't'offrirais tout mon monde
Pour que tu respires bien
Pour que tu sois toujours
Émerveillé d'un rien

J'te pousserais dans le vide
Pour que tu prennes ma main
Qu'on saute dans les rapides
D'un autre destin

Je t'emmènerais là
Où l'on sait soudain
Répondre à nos pourquoi
Sans en voir une fin

Ce sera seulement nous
Toute une éternité
On ne saura même plus où
On n'aura pas marché

Je verserais des larmes
Si tu viens à t'enfuir
Si tu cours plein de rage
De peur de vieillir

J'donnerais du temps à la nuit
Pour prolonger le noir
Pour rester contre toi
Assouvir nos envies

Puis je resterais près
De ton corps vide et froid
Quand ton temps sera fait
De poussière et d'effroi