Anne-S

divina-bonitas

Nouvelle - concours

Elle est belle Anne, mais personne ne le voit.  Enfin si, moi sa grande amie, bien plus vieille qu'elle. Anne qui se prénomme comme moi,  me sert dans ses bras frêles, murmure des pourquoi, verse des larmes chaudes d'enfant.


Anne c'est un diamant brut, une perle nacrée, une grande petite jeune fille qui brille en dedans, avec cette pureté des solitaires polis ornant délicatement un doigt mince et blanc.


Anne crie et pleure à l'intérieur sa différence, peine à comprendre sa chance. Dans ses tentatives de ressembler aux autres, elle se maquille et se pare, décore son corps et masque son âme. Les paillettes font l'effet d'un miroir aux alouettes, détournent les regards sur le subsidiaire, un superflu bruyant et blessant. Peu de gens sont capables de discerner l'authenticité sous la surface et les couches de glace.


Alors Anne hurle encore plus fort. Sa colonne se tend, sa psyché comme un arc frise la rupture, sa bouche lance des flèches assassines, sa voix de soprano grimpe dans les décibels. Les autres fuient, assourdis, aveuglés. Ils ne supportent pas ses éclairs de stroboscope en plein jour. La vie, ce n'est pas une boîte de nuit où tournent des boules à facettes comme dansent des derviches en transe.


Anne, tu n'as pas besoin de strass ni de talons aiguilles, pas plus que de fourrure, de luxe ou de magie artificielle. La beauté chez toi est naturelle et se passe bien de dentelles. Si les autres filles ont besoin de fard et de fanfreluches, de sacs de marque et de parfum Chanel, c'est parce qu'elles sont moins belles et sentent moins bon. Si elles te provoquent, c'est qu'elles t'envient cette flamme qui leur manque. Certains tu sais, ne savent jamais où sont les allumettes. Mais toi, n'en rajoute pas. Chaque feu que tu attises te consume. Jette tes colifichets et tes plumes. Les plus beaux oiseaux ont des ramages lisses. Tu n'es pas une pie dans une pelisse non plus qu'une cane sur laquelle tout glisse.


Toi tu as cette lumière précieuse et pure des Vierge, qui d'un regard embrasent le ciel. Toi seule peux te permettre de marcher pieds nus détendue sur n'importe quelle terre, quel que soit l'univers, saharien ou polaire, dans un jardin vert ou sous une verrière, sans te brûler ou te perdre.


C'est ta force originelle. Être belle au naturel, simple au quotidien, sage et spirituelle. Chacun brille dans sa lumière. La tienne est celle d'un cierge qui étincelle même lors des éclipses de lune. Très peu de gens peuvent éclairer autant du dedans, être une star sur un cliché en noir et blanc, les cheveux défaits ébouriffés par le vent.


Je te souhaite de te découvrir en grandissant. Tu fais partie de ces enfants très intelligents venus sur terre pour la faire découvrir à ceux qui pensent encore que c'est une galette, y vivent inconscients, méprisent la nature, polluent les océans, mangent des fraises en décembre, tuent pour de l'ivoire ou de l'ambre. 


Sois juste un solitaire passé à la main d'une fiancée par un prince charmant, souviens toi que rien ne vaut le parfum des roses et des petits enfants.

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