Anne, Suzy et le loup - partie V
campaspe
Anne avait prévu de passer cette journée du 14 juillet avec des amis. Ils devaient bruncher ensemble, aller découvrir un centre nautique qui avait ouvert dans la région toulousaine, et finir le soir par un ciné. Elle hésita à parler de son enquête à ses amis, et y renonça finalement, ne sachant trop elle-même que penser des conclusions auxquelles elle était arrivée. Elle finit d'ailleurs par oublier toute cette affaire, toute occupée qu'elle était à se laisser gagner par le plaisir des bains bouillonnants, des jets d'eau sous pression, du sauna et du hammam.
Elle rentra ce soir là fort tard chez elle, et n'eut pas le loisir de repenser à son enquête, et sa journée du lendemain fut si occupée quelle n'eut pas un instant à consacrer à la dernière partie de son travail : elle avait envie de terminer son étude par des prescriptions qu'elle préconiserait si elle travaillait avec la police.
Anne se surprit à sourire… voila qu'elle se prenait pour une profileuse !
Mas elle ne put s'atteler que tard dans la soirée à cette tâche.
Quelques questions demeuraient en suspens : Où le groupe s'était il procuré le nitrate de fioul ? Ce mélange est régulièrement utilisé par les indépendantistes corses, mais il semble que dans notre cas il ait été de meilleure qualité. Avait-il testé une bombe ? Les terroristes avaient bien du vérifier que leur explosif était efficace. En quels lieux avaient-ils alors fait ces essais ? Ils avaient du être assez sonores. Peut-être pourrait-elle passer une annonce dans le journal pour demander à toute personne qui aurait entendu pendant le mois de janvier une explosion assez forte dans la région toulousaine de bien vouloir se manifester. Cependant cette piste risquait de s'avérer aléatoire.
Plus fructueuse était peut être la piste de la personnalité et des caractéristiques des membres du groupe. Après tout, il ne devait pas être très difficile de voir si un étudiant d'IUP était originaire de ou avait fait son stage à Roubaix.
Cette ville étant parmi les lieux cités la plus distante de Toulouse, les candidats dans cette situation devaient être assez rares. Il était aussi intéressant de voir lesquels d'entre eux avaient fait un stage à Paris, bien qu'ils fussent sans doute plus nombreux. Il semblait aussi qu'au moins l'un d'entre eux avait eu un atelier où il pouvait avoir accès à un tour, puisque certaines pièces avaient été fabriquées spécialement. La seconde bombe était moins sophistiquée et ne comprenait plus ce genre de pièces. L'accès aux machines outils n'était-il plus possible après janvier ? Ceci plaidait en faveur de l'hypothèse que l'atelier devait se trouver sur l'Université même. Il pouvait être intéressant de voir si un étudiant ou un groupe d'étudiants s'étaient montré particulièrement assidu et si quelqu'un avait profité de l'atelier pour fabriquer des pièces supplémentaires. Enfin, la jeune femme ne devait pas passer inaperçue dans un milieu assez technique et sans doute donc en majorité masculin. Une piste intéressante était donc de voir si parmi les jeunes femmes inscrites dans ses formations l'une d'elles répondaient au portrait psychologique qu'elle avait tracé.
Anne releva la tête de ses notes. Elle pouvait considérer qu'elle avait terminé sa première grande enquête. En tout cas, il ne lui venait plus d'autre idée. Qu'allait-elle faire maintenant de sa copie ? Elle décida de demander dès le lendemain une entrevue avec le rédacteur en chef et lui soumettrait ses conclusions.
Anne s'endormit fort satisfaite à cette idée.
Le lendemain samedi, elle se réveilla tard, et c'est un rédacteur en chef courroucé qui l'attendait dans son bureau. « Anne, la ponctualité est une des qualités requises dans l'exercice de la noble profession de journaliste. Veuille t'en souvenir ! »
Elle laissa passer l'orage en silence sans lui faire remarquer qu'il avait été plus discret le mardi précédent quand lui-même était arrivé en retard et tenta de lui parler de son enquête. Elle s'y prit sans doute mal et ne sut pas exposer ses conclusions car, encore fâché, il la renvoya avec des mots très durs : « Ecoute ma grande, on ne s'improvise pas journaliste d'investigation. On le devient à force de travail et de motivation. Tu penses bien que s'il y avait quoique ce soit d'exact là-dedans les enquêteurs y auraient pensé avant toi. »
Ces mots firent à Anne l'effet d'une douche froide. Se pouvait-il qu'il eût raison et qu'elle se soit laissée emporter par son imagination ?
Elle fut bien obligée de reconnaître que son patron n'avait peut-être pas tort.
Le mois de septembre arriva vite et avec lui la rentrée de vacances des étudiants, les embouteillages en ville, et le retour de ses collègues. L'équipe de rédaction se retrouva au complet, et si Anne eut l'agréable surprise de voir qu'elle avait réussi à décrocher un CDD au sein du journal, elle retrouva par contre les rubriques annexes, les colonnes à la fin des pages régionales et les petites brèves que personne ne voulait rédiger.
C'est ainsi que par un beau lundi de septembre, on lui demanda de couvrir la remise des diplômes des IUP de l'Université des Sciences. Le président de cette dernière avait voulu rendre l'occasion solennelle et avait convoqué la presse. Anne décida de s'y rendre dès le début de la cérémonie tout en sachant qu'elle allait devoir écouter d'interminables discours.
Elle ne s'était pas trompée. Après avoir entendu successivement le discours du Président remerciant les responsables de la formation, celui de la sous directrice de l'UFR de physique se félicitant de la carrière prometteuse que ses jeunes diplômés allaient poursuivre et celui du directeur des IUP vantant l'implication des enseignants de la filière à l'adresse des industriels présents dans la salle, elle assista enfin à la remise des diplômes par le parrain de la promotion, le directeur technique d'une grande entreprise de la région.
Anne resta pour le cocktail qui suivit, ce qui lui donna l'occasion de décrocher une interview du directeur des IUP qui lui permettrait d'étoffer un peu son article, et peut-être, elle l'espérait tout du moins, de demander à quelques étudiants quels étaient leurs projets. Son rédacteur en chef aimait ces « tranches de vie ».
Elle se mêla donc à la foule des étudiants et des enseignants qui se pressaient autour du buffet. Elle remarqua une jeune femme blonde qui fumait avec nervosité, et racontait à voix forte ses vacances à ses amis : elle avait passé la première quinzaine à faire un stage de sculpture et la seconde à s'initier au parachutisme. Elle était accompagnée d'un homme blond, plutôt mince, aux remarques perpétuellement ironiques qui, par contraste semblait très calme. Leurs interlocuteurs étaient un garçon brun, taciturne, qui regardait la fille blonde avec une admiration non dissimulée et une jeune fille, brune elle aussi, sans doute la petite amie du taciturne.
Anne se dit que la jeune femme blonde pourrait fort bien faire l'affaire pour une des interview : elle ne semblait pas timide en tout cas et n'hésiterait pas à s'exprimer.
Elle se rapprocha du petit groupe.
Elle allait adresser la parole à la jeune femme lorsqu'à ce moment précis celle-ci se tourna vers le jeune homme blond qui n'avait encore rien dit :
« Dis-moi mon loup, peux-tu aller me chercher une sangria ? »
« Je t'apporte cela tout de suite, ma Suzy ! »
« Vous commencez à être relou avec cette histoire ! » dit le jeune homme brun.
goo d job !!!
· Il y a environ 8 ans ·Patrick Gonzalez
Excellent ! ! ! ;) je ne sais pas si tu as prévu une suite, mais je me suis régalée du début à la fin. Toi aussi tu as dû faire un paquet de recherches, chapeau :)
· Il y a environ 8 ans ·carouille
C'était une réponse à un défi, qui m'a d'ailleurs valu quelques problèmes ...il semblerait que mes interprétations aient pu être un peu trop réalistes :-))
· Il y a environ 8 ans ·Merci en tout cas de tes messages d'encouragement
campaspe
Des problèmes ? ? Pas trop sérieux j'espère ! On aura vraiment tout vu :( de rien, je me suis fait plaisir dans ma lecture :)
· Il y a environ 8 ans ·carouille