ANOREXIA, ma haine

lanimelle


J'avais passé la matinée à écrire dans ma tête.
Le reste vivait, enfin je veux dire le corps. Il s'agitait comme si je n'écrivais pas.
Le monde à l'intérieur de ma tête est imperceptible.
C'est rassurant pour les autres, pour ceux qui vous aiment, c'est rassurant pour eux de vous voir vivre, de faire un peu comme ils font, enfin suivre le court du temps.
Ce matin tout ce que j'écrivais parlait de nourriture, je pensais que j'avais déjà vécu ca, l'absence de faim salée ou sucrée, l'absence de désir profond pour mon propre corps, mais cette fois c'était venu comme ca, après un mal de ventre et puis le monstre qui se réveillait parfois, un peu comme un cauchemar répétitif qui vous empêche de vous  endormir vraiment pour ne jamais le retrouver.
Tout est propre autour de moi, sur moi aussi, sur la peau exfoliée il ne reste plus rien, il n'y a aucune trace de cette sale idée de ne pas vouloir mettre quelque chose de plus dedans.
J'avais lu, je me nourrissais de ce qui était bon, j'avais lu et le dernier livre fermé me donner encore envie d'en ouvrir un, se nourrir, faire passer par les yeux seulement, par les yeux et puis regarder ce que les mots feront à l'intérieur.
Elle était restée là, sous la paupière, je sentais qu'elle hésitait, sortir, basculer sur le petit rebord rose pâle du bas de l'œil. Mais elle n'est pas sortie, j'ai fini par la sentir couler contre le fond de ma gorge, tout est lié, les conduits internes se rejoignent tous, mon estomac faisait des sons étranges, je crois qu'il n'aimait pas mes larmes lui non plus, je crois qu'il me disait que ce n'était pas ca la vie,  se retenir, se contenir, alors il me faisait des signaux de feux qui remontaient dans le tube jusqu'à la gorge.
Je pensais que c'était un peu comme l'enfer, plus cela me brulait et plus je me disais que c'était aussi ca la vie, se bruler quand on prend le risque d'aimer.
L'amour m'allait bien mais pas tout le temps.
L'amour parfois me défigurait et faisait de mes yeux des abysses, des trous noirs béants qui n'ont pour fond que ce lac aux questions qui remontent et me descendent.
Impacte, impacte de balles furieuses mais elles ne me tuent pas. L'immortalité me fait chier, vivre est si indécent parfois !
J'ai beaucoup écrit ce matin, ce matin premier où tu n'existais plus, où j'avais dérapé sur le gravier et pris en sens inverse la direction.
Je rallume une cigarette, c'est la même depuis ce matin, la même peut être que celle d'hier, on dirait qu'elle n'en finit plus, on dirait que je ne sais faire plus que ca, aspirer, aspirer, aspirer...
Ils rentreront ce soir, c'est comme ca, c'est le court du temps, j'enverrai des soleils avec mes dents, je bougerais et je montrerai la vie par mon corps, tout ira bien, tout sera comme tout le monde le veux, tout sera si simple et je détesterai ca mais le court du temps est ainsi, avancer dans le sens de demain, avancer même si c'est du bout des doigts parce que mon âme paralytique en décevrait plus d'un et au fond ce n'est pas ca qu'on aime de moi, pas le monstre qui surgit, pas la femme éveillait qui se nourrit de livres, pas la femme sirène qui ne sortira jamais du fond de l'océan noir.
-          Vous avez passez une bonne journée ?
-          Oui excellente  et toi
-          J'ai dévoré, je ne sais pas ce qui m'a pris mais j'ai dévoré tout ce que j'ai lu.
 
L'animelle
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