Apocalypse

Bernadette Dubus

poème

Apocalypse

 

La nature ne se laisse pas dépouiller.

Furieuse, à la naissance du monde

débridée

dans la voie lactée nébuleuse

elle attendait.

Elle attendait on ne sait quoi.

On ne sait qui.

Peut-être attendait-elle l'homme ?

Ainsi, son destin fut scellé,

intimement lié à son futur dictateur.

Mystérieuse quand vient le jour

la nuit la fait sorcière

sur cette terre où tout trépasse.

L'homme

gonflé d'agitation

prédateur ridicule

orgueilleux sans vergogne

Se fit assassin.

Il construisit des villes.

Il creusa des canaux;

salit les nappes phréatiques.

Alors les maisons s'étalèrent

comme des punaises

accrochées au tableau

entre l'eau et le ciel.

Au loin, la mer attend.

La mer attend son heure.

Son heure prédite, inévitable.

Le temps de la reconquête.

L'homme dort tranquille

sous ses petits toits rouges ou noirs

à l'abri de ses façades blanches.

Blanches comme le visage de la peur.

La peur qui gît

au fond de lui.

La peur qui le fait abîmer la nature,

encore et encore

ouvrir des plaies avec ses machines.

Il lui faut du grain à moudre.

Il lui faut oublier de penser.

Oublier que la nature mystérieuse

ne se laisse point trahir.

Elle travaille en cachette

comme les grands ruisseaux

à peine dégelés

à la fonte des neiges.

Et les maisons se multiplient.

L'empire de l'homme s'étale

tandis que grandit sa peur.

Sa frénésie constructrice,

sa destructrice folie

ne sont que des façades.

Des façades blanches.

Blanches comme la peur.

 

                 L'éternelle peur de mourir

 

Signaler ce texte