Arc-en-Ciel : Chapitre II, 1ère partie

Godness Alex

 

II – ‘‘L’envol des premiers mots.’’

 

 

France, 2007.

Les premiers post-it sur son bureau. L’âge du lycée, les années folles. Il prit une phrase au hasard :

« Durant l'âge tendre, l'habitude a une grande importance. (Virgile) ».

 Il habitait d’abord dans une petite ville de campagne, et allait dans un lycée basique situé à quelques kilomètres de chez lui, environ trois kilomètres qu’il faisait en voiture, avec ses parents, le matin. Mais après son brevet, et pour son entrée en seconde, ses parents lui achetèrent un scooter et lui offrirent le casque, pour qu’il puisse se déplacer pour aller au lycée seul. Non que ses parents comptaient lui faire plaisir par cet acte, mais surtout qu’ils devaient faire un détour chaque matin leur faisant perdre environ dix-huit minutes.

Grâce à ce gain de temps, ils pouvaient arrivés dix-huit minutes plus tôt dans les embouteillages apparaissant aux abords de la ville, sachant ainsi qu’ils auraient dix-huit minutes de moins sur leur heure d’arrivée habituelle, ce qui correspond finalement à dix minutes de déjeuner en plus, quatre minutes de pauses cafés en plus et quatre minutes de farniente de plus de payé. Cela, ils ne s’en rendraient pas compte. Ils voulaient juste reprendre les dix-huit minutes qu’on leur avait subtilisées.

Quand il eût son scooter, il pût enfin prendre la route seul. Et, alors qu’il ne s’en était auparavant jamais rendu compte, dans cette voiture close à la tension aussi pesante que du plomb sur une branche d’arbre, il remarquât de nouveau le monde. Les paysages de son enfance, le monde et tout ce qui existe, n’avaient jamais cessés d’êtres là, autour de lui. En dessous des constructions humaines, le sol avait toujours respiré le souffle enivrant de la vie. Le seul souffre qui faisait disparaître ce rêve du possible, c’était celui dégagé par la respiration humaine, toujours en quête de destruction.

Il y avait de nouveau le souffle de vie sur son visage, au fur et à mesure que l’univers tournoyait au-dessus de sa tête, et que le monde semblait fuir devant ce nouveau Maître. L’euphorie était encore minime. Toute la peine que son cœur retenait n’avait plus d’accroches, elle se détachait, jusqu’à ce que le vent l’emporte. Et il regardait en face de lui, ce paysage qui défile incessamment. Les mots n’avaient ici plus la grandeur des autres moments, et l’oubli le rappelait à lui-même.

Il était seul face au monde, face à lui-même, dans ces courts instants, ces quelques secondes où il parcourait la petitesse de son monde. Petites ruelles, petits chemins, petites allées, petit-bonheur.

Il allait au lycée Constantin Duhamel, et était en seconde. Sa petite vie de lycéen ne reflétait que l’inexorable dépravation de l’intellect adolescent, puisqu’il n’y avait dans ces débuts que les prémices de ses futures conneries. Il était effectivement du genre à n’en avoir que faire de l’avis des adultes, et à plus se préoccupé de l’avis de ses congénères. Il avait ainsi été marqué dès les premiers mois par la publicité, les marques, les styles, les modes, les coutumes nouvelles et la folie qui entourait les nouvelles technologies.

Des groupes communautaires, par forums, ou des sites de discussions en ligne, il y avait comme un troisième monde de la parole, après la réalité et le rêve. Ce troisième monde était donc dénué de limites puisqu’il permettait de rentrer dans la réalité et les rêves des autres, rien qu’avec une pression du doigt sur un simple objet en forme de souris. Une souris. Une souris et un écran, voilà la nouvelle plateforme de vie des jeunesses d’aujourd’hui.

Les échanges de paroles étant suivies par des échanges d’idées, et la liberté n’étant pratiquement plus contrôlée, Chris rentra lui aussi dans ce cercle, aux côtés des jeunesses post-hitlériennes ou bien d’autres jeunesses extrémistes par coutume. Ce monde dangereux était à la portée du clic, mais il s’en avisât car son intelligence n’était pas assez grande pour qu’il le comprenne, et pas assez petite pour qu’il fasse en parti. Il resta alors dans les domaines du politiquement inutile. Il commençait juste sa vie d’adolescent. Il commençait juste à s’effondrer dans le tumulte de la renaissance. Car c’était dans cette période que renaissait l’Homme puisqu’il se finalisait, puisqu’il devenait enfin un être capable. A la vue du monde, c’était un être à part entière, la fin de l’esquisse et des traits enfantins qu’on lui donnait. Ce tableau allait donc avoir plus de valeur dans le fond de ses traits que dans la forme de cette image, et la dépravation du temps finirait par rendre cette toile définitivement immortelle dans l’oubli.

Le travail de l’esquisse donnera finalement toute sa splendeur à  cette fresque du vivant, comme dans tout travaux ; le mythe lié à la réalisation de tout chef-d’œuvre intéresse plus les hommes parce qu’il rappel cette genèse, l’origine de tout, le point de départ de toute création qui s’impose comme la clef des premières questions, à savoir qui l’on est, où est-ce que l’on va, et ces interrogations de petit-être que furent les humains aux premiers jours.

Qu’il s’effondre dedans n’était pas inhabituel puisque la plupart des gens sombraient eux aussi. Comme si la peinture de leur vivant était ratée, mal formée ou trop en prisent aux défauts multiples qui s’étalaient ci et là, les gens bâclaient la formidable esquisse qui s’était crée alors, pas volontairement mais surtout à cause d’un penchant pour la destruction de soi-même. Ce penchant qui touche la plupart des jeunes, à cette époque là, avait un effet néfaste sur l’entièreté de la toile.

La réparation de l’œuvre allait donc crée une superficialité du vivant, par retouches sur les bords et les traits, en maquillant les défauts par d’autres couches de mots peints aux couleurs arc-en-ciel sur cette toile monochromatique par déviance. Les couleurs originelles de la toile se laissant peu à peu effacées par ces nouvelles couleurs, plus ‘‘flashy’’, la toile n’avait finalement plus qu’un faux air d’œuvre moderne. Mais les gens aimaient la beauté fascinante de ces couleurs, de la multiplicité des teintes. Les nuances verbales décrivaient ainsi ce monde faussement artistique dont la verticalité attirait vers le haut pour mener au plus bas.

C’est ainsi que Chris partageait la dérive des autres, non qu’il ne l’aurait voulu au départ, mais surtout car c’était un besoin véritable de s’accordé avec l’harmonie du monde véritable. Véritable car rien d’autre n’aurait pu prouver qu’il était véritablement faux. Ce monde, sous l’emprise d’idées falsifiées par le manque de discernement des humains, avait perdu cette netteté de l’ensemble ; devenu flou et incroyablement précis sur des détails d’une injuste valeur, ce monde était réellement devenu en l’espace de peu de temps, une fresque de propagande publicitaire plus qu’une véritable réalisation dont on avait eut encore connaissance pendant des milliers d’années, à savoir une réalisation artistique représentant la beauté du monde.

Depuis les fresques dans les grottes, en Europe et ailleurs, la succession de ces réalisations avaient fascinés des centaines et des centaines de générations. Les humains, dans cet exercice du beau, avaient excellé jusqu’à ce que le drame se produise. Jusqu’à ce qu’ils se procurent du faux plaisir. Cette fresque publicitaire avait cet effet là, de montrer l’inutile et d’en faire une essentialité, et le monde était fait ainsi. Ces adolescents qui rentraient peu à peu dans cette nouvelle société étaient victimes de cette généralisation de la stupidité bienveillante, celle qui prônait ces faux plaisirs dans l’oubli de sa propre existence. Paradoxalement donc, plus cette société se créait ce genre de problèmes, plus elle essayait de s’en dépêtré. Comme le pas en arrière après avoir allumé le feu, l’homme avait conscience qu’il était en train de devenir inconscient.

Comme les autres, comme un des louveteaux de la meute, Chris suivait et ne savait pas qu’il tombait. La décadence du monde qui l’entourait était d’une telle magnificence qu’il était aveuglé par ces apparats. Tous les jeunes avaient d’abord les yeux complètement clos face à ce déluge de promesses, de richesses, de créations, de futurs possibles et envisageables et de morts possibles et envisageables à leurs tours. Il savait marcher pas par pas, et il n’envisageait personnellement que de se servir de ce savoir pour marcher. C’est d’ailleurs ainsi que tout fonctionnait pour cette jeunesse fringante et psychédélique. La superficialité avait de l’essor jusque dans la misérable perdition de toutes choses. C’est dans ces choses là encore que Chris allait vivre.

Il rencontra, en seconde, une multitude d’esclaves. Les esclaves de la mode, de la drogue, du travail, de la flemmardise inconsidérée de toute cette jeunesse qui était, comme lui, attirée dans les soubassements de la société qui se morfondait dans la culture. Toujours plus proche de sa propre fin, celle-ci avait comme un goût inné pour ces souffrances qui lui apportaient la sensation imagée d’arriver à un autre but que celui qui lui était destiné, un but ayant approximativement un lien avec le bonheur et la liberté.

Ces petites têtes s’engrossaient de ce Savoir odieux et se désengorgeaient aussitôt au rythme des jours, entre le Lycée et le monde virtuellement réel. La servitude volontaire qui les animait les faisait changer d’objectif incessamment. Dans sa classe, il y avait beaucoup de personnes différentes et similaires à la fois. Sans se ressembler, elles avaient en commun le syndrome temporaire des humains à cet âge, la Jeunesse ; ainsi, tous ensembles créaient une microsociété fait des mêmes caprices humains.

Il avait rencontré Quentin, un petit blondinet de son âge, et ils étaient devenus amis en très peu de temps. Partageant des goûts semblables, ils avaient noués une amitié rapidement grâce à l’insouciance et à l’inaptitude encore de l’un et l’autre à utiliser les autres pour un besoin particulier. Il n’y avait alors que des rires, des mots et des usages qui pouvaient prétendre à concrétiser cette relation. Il y avait bien sûr d’autres personnes dans sa classe qui étaient devenues des amis, par la force des choses ; plus généralement encore, Chris avait en quelques semaines rencontrés des gens dans son lycée et retrouvés ses amis du collège. Les connexions entre chaque personne avaient dès lors jouées un rôle important dans l’évolution de ses relations avec tous. Les amis des amis, et leurs amis, et d’autres encore, avaient tissés une toile relationnel stable qui faisaient de cette microsociété un chaînon, stable dans son ensemble, de la Société en elle-même.

Comme un « effet papillon », les choses se permutaient de sorte que tout était lié. Les gens étaient ainsi liés entre eux d’une façon plus intensive à l’arrivée du Lycée, car c’était généralement le début de toutes les grandes choses. Comme cette esquisse du monde futur, concrétisée par l’université plus tard et mis en application dès l’entrée dans le monde adulte, le Lycée était devenu en très peu de temps le rouage le plus complexe de l’évolution de la société. Comme ce même rouage compliqué qui fait naître la vie, il était fait de facteurs et d’autres le rendant pratiquement aussi concret qu’un théorème de la relativité des mœurs humaines. Son apogée devait sûrement être dans l’époque où Chris vit en ces moments, bien que durant tout le XXème siècle son évolution a été marquante dans le renouveau du monde d’après guerre. Les révolutions diverses dans les domaines humains avaient engrangés ce mécanisme, et par son action celui-ci permettait le renouvellement constant de ces révolutions.

Mais plus celles-ci permettaient l’avancement de la société, plus la société se permettait de se dirigée vers l’émancipation providentielle qui la rendrait libre d’elle-même. C’est ce paradoxe qui créait petit à petit un frein à l’avancée extrême de ce nouveau Monde.

(Suite Partie II)

  • mis à part quelques petites fautes qui mériteraient relecture (ça m'arrive aussi), on sent ici l'introversion nécessaire à la connaissance de soi et à l'écriture qui caractérise cette période de tous les possibles. Surtout, continue à écrire.

    · Il y a plus de 12 ans ·
    120x140 image01 droides 92

    bleuterre

  • Je vais essayer de prendre le temps de suivre, promis ! En tout cas, continue à les publier !

    · Il y a plus de 12 ans ·
    Sdc12751

    Mathieu Jaegert

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