Armurerie de se voir si belle.

-         Bonjour chers téléspectateurs ! J'ai l'insigne honneur et la joue personnelle, mais surtout l'obligation par la Direction de recevoir ce soir, le grand écrivain Hervé Lénervé… Bonjour monsieur Lénervé, comment vous sentez vous ?

-         Comme tout le monde …par le nez !

-         Ha, ha, caustique ! Mais pensez-vous que votre vie soit menacée ?

-         En tant qu'homme public, pudique et pusillanime, on ne peut jamais plaire à tout le monde. On suscite des convoitises, les gens sont jaloux, que voulez-vous ?

-         Certes, d'où la raison de vous déplacer toujours en armure ?

-         Pas du tout, je trouve simplement que l'armure me sied à ravir, je suis taillé pour porter l'armure, elle met en valeur mon corps athlétique.

-         Ce n'est pas un peu contraignant.

-         Non, quand on est taillé comme tarzan dès l'enfance, on s'habitue, voyez-vous ?

-         Je parlais de l'armure ?

-         Oh, oui ! Enfin non ! Vous savez, les aciéries ont fait d'énormes progrès dans les métaux. On trouve aujourd'hui des armures légères et de bonne résistance, la mienne sort de chez le meilleur maréchal Ferrand de Londres, un artiste. Touchez-moi, ce métal ! De la grande qualité. Chaud, l'été, un vrai  four ! Froid, l'hiver, une véritable glacière !

-         Ne pourriez-vous pas, pour que les téléspectateurs puissent entrevoir votre visage, entrebâiller votre heaume ?

-         Non, c'est privé home sweet home ! De toute façon, il est grippé depuis trois jours.

-         Oui, le virus est arrivé sur Paris et comment faites-vous pour manger et boire ?

-         Je mange et je bois par les fentes, là, vous voyez ?

-         Pas très pratique !

-         On s'y habitue aussi, le problème c'est qu'il faut souvent vidanger  l'armure, car elle se remplit des pertes alimentaires et du vin.

-         Ah, vous buvez du vin ?

-         Bien sûr voyons, jamais d'eau ! Vous n'y pensez pas ! La rouille, la rouille, monsieur, l'ennemi juré des armures.

-         Et pour se laver, cela doit être difficile ?

-         Pas le moins du monde, un petit coup de toile émeri, tous les matins et propre comme un sou neuf. Regardez la brillance et « l'étincelance » !

-         Très bien nous allons à présent parler de votre dernier livre qui se nomme : « Quitte à vivre, autant mourir tout de suite ! » N'est-ce pas un peu antinomique ?

-         Je ne sais pas, l'antimoine n'est plus utilisé pour les armures, trop cassant.

-         Je lis donc, la fiche de lecture que m'a faite mon équipe.

-         Merde ! Vous avez toute une équipe pour rédiger une malheureuse fiche de lecture de trois pages, alors que je n'ai qu'un nègre pour écrire un bouquin de six cents pages. On voit, tout de suite, la différence de moyen entre la télé et le papier. Ne pourriez-vous pas diminuer un peu l'intensité des spots, je suis en train de cuire là-dessous ?

-         Non, à cause de la lumière pour les caméras.

-         Je pourrais avoir des glaçons sans eau, alors ?

-         Je demande à mon assistante !

-         Putain, vous avez une assistante en plus ! Et si ça se trouve, elle est canon !

-         Non ! C'est ma femme qui recrute, mais revenons à votre livre !

-         On est obligé ?

-         Disons que j'anime une émission littéraire pas une émission sur la haute couture de l'armure.

-         C'est regrettable ! Je pense que la télé n'accorde pas assez d'importance à cette manière de se vêtir, car voyez-vous, plus qu'un simple habit, le port de l'armure est une façon de vivre. Par exemple, en voiture, je ne mets jamais ma ceinture, inutile, je suis auto-protégé pour l'auto. Vous voyez un avantage parmi bien d'autres des bienfaits de l'armure. Pour l'amour pareil, aucun préservatif, mais l'obligation quand même pour la partenaire de revêtir également une armure pour ne pas être couverte d'hématomes à la fin de la joute amoureuse.

-         Certes ! Certes ! Mais que voulez-vous la télé répond directement à la demande par l'obligation de faire de l'audience pour les annonceurs. D'ailleurs, on m'informe par mon oreillette qu'il est temps de lancer la pub !

-         Tant mieux, j'ai le temps d'aller pisser alors, il me faut juste une petite heure maxi !

-         Non ! Non ! Trop long !

-         Pas grave, je fais dedans comme d'hab. alors !

-         (Hors antenne) J'espère que ce n'est pas la grosse commission.

-         Non ! Rassurez-vous, je me suis déjà soulagé pendant que vous me présentiez en début d'émission.

-         Ah, c'était ça, cette odeur de plastique cramé, je croyais qu'une caméra avait pris feu. Assistante ! On pourrait avoir un peu de déodorant ! Vite, s'il vous plait ! Il y a urgence !

***

Ce qui est sympa avec la télé c'est qu'elle n'a pas d'odeur comme l'argent qui pue la magouille.