Arrête l’effraie
Michel Chansiaux
Papa travaille à l'Opéra. Il s'occupe des lumières. Il éclaire la chanteuse avec une grosse lampe qu'il dirige. Ça s 'appelle une poursuite. Je connais bien son travail. Plusieurs fois je suis allée avec lui, pendant les répétitions. Maman, elle n'aime pas trop la ville, le bruit, la musique et l'été on va à la campagne. "À la vraie", comme dit Papa en riant, "à la cambrousse". Cette année, on est tombés dans de "l'authentique" a dit ma mère à l'arrivée. Papa a haussé les épaules et répondu « Ce n'est pas de l'hôte en toc, en effet ». C'est une blague, un jeu de mots, m' a-t-il fait comprendre. Il n'y a que lui qui a ri
Moi, je dirais plutôt que c'est antique et hanté. Cette nuit, la première passée dans cette maison, j'ai eu très peur. Dans la porte de l'armoire, il y a comme un hibou dessiné dans le bois. La fermière m'a expliqué que ce sont des planches coupées dans un vieux poirier et que ce sont ses veines toutes ratatinées qui imitent la face de ce rapace lugubre. « Une effraie » a dit Papa, en me montrant des photos de cette bestiole sur sa tablette.
Hier soir, la lune qui éclairait le meuble faisait bouger la bête. Je me suis blottie sous les draps. Pour m'endormir, j'ai pensé très fort à quand je serai grande. Je serai cantatrice. J'ai réussi à fermer les paupières. J'ai rêvé. J'étais la Reine de la Nuit et je portais un affreux masque blanc comme l'effraie. Papageno avait capturé des oiseaux horribles, avec des paires d'yeux qui brillaient tout jaune dans l'obscurité. Je me suis levée. Je crois que je dormais encore. Je suis sortie de la chambre. Et je me suis retrouvée dans un bal. Un vrai labyrinthe, de partout mes mains touchaient des murs. Il n'y avait pas d'issue. Dans les robes et les pantalons, il n'y avait pas de corps. C'étaient des fantômes en train de danser.
J'ai hurlé si fort que maman est arrivée presque tout de suite. Elle était essoufflée. Elle a allumé la lumière mais elle avait pris aussi sa lampe de poche. C'est sa poursuite à elle. « Mais mon bébé que fais-tu là ? Tu es entrée comme une somnambule dans la penderie ». « J'ai eu peur de l'effraie » « C'est malin, a dit maman à papa qui arrivait, tu aurais pu l'amuser avec des histoires de petites hulottes crottées» « D'accord, j'arrête les frais » il a répondu. Il a été encore le seul à rigoler. Mais il m'a prise dans ses bras et j'ai dormi entre eux. « C'est bon pour une fois » a dit maman au lever. « C'était un chouette moment» a répliqué Papa. On a ri tous les trois ensemble.
n'arrêtez pas les frais, c'est chouette
· Il y a presque 10 ans ·Sophie Marchand
Merci Sophie de vous être égarée jusque là
· Il y a presque 10 ans ·Michel Chansiaux
Chouette et jolie histoire de "dame"qui effraye un peu pour rester dans le ton...kiss
· Il y a presque 10 ans ·vividecateri
C'est un frisson suivi d'un câlin
· Il y a presque 10 ans ·Michel Chansiaux
OUI! Kiss
· Il y a presque 10 ans ·vividecateri