Autant qu’j’me souvienne, j’ai toujours rêvé d’être gangster.

stockholmsyndrom

On s'était tous donné rendez vous en plein jour, devant une station service sur une aire de repos en marge de la périphérie. C'était vraiment urgent, j'étais à l' origine de la réunion. Ils étaient tous la, a part Eddie. Une semaine après que tous les événements ne s'enchainent et que les éléments se déchainent, pas le moindre foutu signe de vie d'Eddie. Je pouvais pas m'empêcher de penser aux pires hypothèses concernant ce silence radio glacial, toutes me paraissaient plausibles. Le ciel était gris, il crachait des gouttes, l'horizon bouché, le paysage était bel et bel a l'ordre du jour. J'ai fait un appel de phare, Medhi et Bolo ont rejoins ma voiture. La mine des mauvais jours, ils m'ont salués et sont montés a l'abri sur les sièges arrières. Il y avait comme de la tension dans l'air, étouffante. Un long silence, puis Bolo a commencé a se rouler un joint. Je me suis retourné vers lui et j'ai réagi :

« - Tu fais quoi la fils de pute !!!? Tu crois vraiment que c'est le moment de se défoncer la tête !!? On est ici pour envisager la suite de notre vie ! Ou notre mort putain ! et toi, toi, toi tu préfères voir des éléphants roses, mais je rêves putain !! »

« - Wooow, c'est qu'un bédo mec, ca va… » répondit tranquillement Bolo.

« - Weuw wewum vevE NIEU NIEUU TA GUEULE !!! JETTE CETTE MERDE DE MA BAGNOLE !! »

Bolo était un gros tas au visage enfantin et a la calvitie précoce, d'où l'utilité pour lui de se raser la boule a zéro. Je savais pas vraiment ce que signifiais son surnom, je l'ai toujours connu sous cette appellation. Ce mec la se foutait autant de son cholestérol que de tout se qui pouvait lui arriver dans la vie, c'était quasi fascinant et souvent effrayant, il vivait détaché de toute réalité, un consommateur compulsif de Marie Juana qui négligeait toutes formes de vie, un espèce de gros paquebot bancal a la coque fissurée fonçant droit sur un iceberg, bien trop paresseux pour ne serait ce que penser a redresser le mat. Tout ce qui lui importait, c'était de pouvoir remplir ses poumons de verte sans trop bouger ses deux grosses miches de son canapé. C'était une merde, il s'était mis a dealer pour pouvoir fumer a l'œil, une petite frappe, comme tous les mecs présents dans cette bagnole.

Il m'as répondu d'une voix latente, celle qui le caractérise habituellement, celle qui me donne souvent envie de lui filer un coup de pied de biche en plein milieu du front avant de le finir au sol au taser afin de le réveiller :

« - Mais tu petes un plooomb meeec. »

« - VIRE CE PUTAIN DE BEDO DE MA BAGNOLE !!!! »

« - WOW WOW WOW WOW WOW ! OH ! LES GARS!!” : Ca c'était Medhi, et son aplomb de médiateur dépressif, adopté pour la circonstance. Medhi lui, c'était normalement un mec calme, posé, rusé, méticuleux et assez vicelard, un mec plus ou moins respecté, toujours dans les bons coups, jamais dans les mauvais, il connaissait certains « anciens », mais rien de plus, j'ai commencé avec lui. Il avait un petit air d'Eric Zemmour, cependant, c'était pas conseillé de le lui dire, il avait l'apparence d'un serpent chétif mais vif, ca se voyait rien qu'au regard, c'était une fouine affamée, prêt a tous les subterfuges pour arriver a ses fins, néanmoins, je le connaissais depuis tout gosse et était assuré qu'il était un mec droit quand il était question de famille et d'amitié. Il avait l'art de ne jamais perler du front, il ne laissait jamais transparaitre la moindre émotion, alors autant vous dire que le mec blanc comme un cachet d'aspirine qui gesticulait a l'arrière du véhicule, je le reconnaissais pas. Ca prouvais bien la gravité de la situation, les sables mouvants constitués de merde qui nous aspiraient vers les entrailles putrides de ce caillou minable, Medhi, qui d'habitude inspirait la force tranquille et le sang froid, se retrouvait lui aussi démuni face a la situation :

« - Calmez vous bordel de merde ! calmez vous ! c'est pas le moment ! Toi, jette ce truc, faut qu'on réfléchisse. C'est allé trop loin tout ca, on est dans la merde putain ! Faut trouver une solution, faut chercher une solution, il nous en faut une, yen a forcement une ! »

« - Oh mais ouiii, yen a une, biensur ! » j'ai repris avec cynisme,  « Se tirer une balle entre les deux yeux ! Ca c'est une putain d'idée ! Ma putain d'idée ! »

« - Dis pas de conneries, ya forcement une solution. On va tout leur rembourser, on va leur filer nos recettes, j'm'en fous de tout ce fric, on va tout leur rendre, ca se passera bien, j'irai moi-même les voir s'il le faut. »

« - Oh mais biensur, ces gens la ils sont du genre compréhensifs, t'as qu'a leur dire que tu les prends pour la Caisse D'épargne hein, puis ils nous prendront juste des intérêts, en guise de pénalité, de punition quoi ! Tu sais a qui on a a faire la ?! T'as déjà vu un Scorsese ? Tu sais c'est quoi les intérêts avec eux ? D'abord un doigt, puis un deuxième si ya du retard et ainsi de suite ! Ca te suffit pas Eddie ?!! Tu veux te faire bouffer par un porc toi aussi ?! »

« - Mais ferme ta gueule putain, on est pas dans un film la, les gens disparaissent pas comme ca ! Puis on sait même pas a qui on a a faire. Eddie il a juste paniqué, il s'est barré pis il a coupé son téléphone, j'ai failli faire pareil, j'ferme plus un œil, j'deviens parano pour tout, j'suis sur qu'il s'est barré. »

« - Ils ont buté Eddie j'te dis ! Ces mecs la c'est des dangereux ! Ces mecs la c'est pas des banlieusards, tu crois quoi toi ! Mais putain c'est quoi cette équipe de bisounours que j'me coltine ! Vous êtes vraiment naïfs, mais putain j'fous quoi avec vous !

On a été trop loin… On aurait jamais du… On est finis putain, finis ! »

Il y eut un long silence, comme pour approuver la fatalité paraissant évidente a mes yeux quant au sort qui nous était réservé. Les esprits se sont calmés, puis Medhi a repris :

« - On va les rembourser, ca va le faire… »

« - Mec, on a subtiliser 30kg de cocaïne pure a ce qui doit être un gros poisson, ca va pas le faire… »

« - De toute façon, j'ai tout dépensé. » a glissé Bolo. On l'a regardé, abasourdis, consternés. Bolo aussi nous regardaient, passant de mon visage a celui de Medhi, comme s'il suivait la balle sur le court central de Rolland Garros, avachi, ses yeux vides écarquillés, comme surpris de notre réaction : « Bah quoi ? ». Medhi s'est alors crispé, ca sentait pas bon, il avait un reegard assez inquiétant quand il fixait ce sac a merde de Bolo de la sorte, ses veines gonflaient tout autour de son cou, et les deux gars se fixaient, a 50 centimètres l'un de l'autre, stupeur contre haine, match déséquilibré. J'en voyais déjà l'issue et comptait bien l'éviter, non pas que je voulais éviter un cocard a Mr JeMenBranleDeTout nooon, mais juste parce que c'était vraiment pas le moment. Medhi a commencé a dire des trucs pas très catholiques sur la mère de son vis-à-vis tout en s'agitant comme un camé sous coke, alors j'ai balancé mon bras par-dessus l'appuie tête de mon siège et je l'ai bloqué contre la portière. J'ai demandé ensuite a tout le monde de se calmer en expliquant que de toute façon, ce fric ne servait plus a rien. Il a fallu un certain temps et Medhi a fini par redescendre tant bien que mal en régime. Quand il s'est enfin calmé, j'ai repris la parole :

« - De toute façon, ce fric, il servait a rien, ces mecs la ils sont pas du genre a se laisser faire enculer par trois branleurs qui vivent encore chez leur mère, ils ont une relation particulière avec l'honneur, la réputation, ils vont pas passer l'éponge, on est le genre d'exemple qui va finir en pièces détachées dans toutes les poubelles de la ville pour dissuader les autres pickpockets de s'improviser Parrains de la French connexion si tu vois c'que j'veux dire…

Putain mais…

T'as vraiment tout dépensé Bolo ? »

« - Bah juste la moitié quoi, fin presque. »

« - Putain mais… mais t'as fais quoi avec tout ce fric ? »

« - Des trucs. Fin bon ya pire hein. »

« - Ah ouais, c'est vrai, relativisons, j'crois que ma vie prends enfin le tournant que j'attendais, j'ai toujours rêvé de donner rendez vous discrètement a deux gros bouffons sur une aire de repos paumée pour qu'on puisse planifier notre mort, j'ai la baraka en ce moment, j'devrais jouer au loto qu'es t'en pense… Bouffon va… »

« - Bah, en fait, si… Ya pire… », Medhi et moi on s'est regardés, ca sentait pas bon :

« Vous jurez de pas m'frapper ? »

« - Vas y parle !! »

« -Bon. Vous savez, ma sœur, celle qui est infirmière a l'hosto au Nord de la ville la, bah avant-hier elle m'a parlé d'un phénomène étrange dont tout le monde parle en ville. »

« -Accouche putain ! »

« -Oui, oui. Bah en fait, le nombre d'hospitalisés pour overdose sur son lieu de travail, il a sérieusement augmenté ces derniers temps tu vois. Vu que c'est quand même un peu suspect, les flics ont déboulés, évidemment, pis v'la quoi, ils ont bien compris que de la coco pure circulait en ville dans les narines de ces schlag de merde. Ils sont sur le coup. J'veux dire, on a p'tetre les flics au cul en fait. »

Le couperet, plus un mot ne circulait, la c'était juste l'apothéose, un appel a la crise cardiaque. Cette dernière phrase la, ca m'a fait l'effet d'un coup de poing en pleine face, j'me voyais les mains attachées derrière le dos, complètement nu et vulnérable, comme blessé, agonisant, fait comme un rat comme dit l'expression, pris entre l'étau du crime et de la justice, me compressant jusqu'à ce que mes faisceaux sanguins et mes neurones explosent, un sentiment de malchance, d'injustice, celui qui recouvrait mes derniers espoirs avec un chiffon plein de crasse pour mieux les étouffer. C'était la fin, jamais plus je ne dormirais jusqu'à ce que la faim me réveille,  jamais plus je ne trainerais dehors jusqu'à pas d'heure, a rien branler, trainer ma petite vie minable mais au combien paisible, c'est la que tu t'en rends compte, jamais plus je verrais les yeux de ma mère, croiserais son regard en colère, jamais plus je l'insulterais a cause des discutions tenant sur mon avenir voué a l'échec, jamais plus je lui chanterais mon bon vieux refrain hypocrite, j'suis tombé dans le vice sous prétexte que c'était la seule issue, toutes ces conneries, c'était juste arrangeant de se la jouer écorché vif, bien installé, affalé sur le canapé de la paresse, J'avais rien de Lucky Luciano, j'étais pas Tony Montana, j'étais juste une lopette qui flippait a mort, et a ce moment précis de ma vie, j'aurai imploré Dieu, j'aurai cirer ses pompes avec mes larmes, j'aurai tout donné pour revenir en arrière et faire quelque chose de ma vie dont j'entendais maintenant le tic tac sournois de son compte a rebours, le décompte, chemin vers la mort. L'injustice ouais… Tout ca, tout ce qui se passait, c'était bien de ma faute, et moi, je voulais crier, me racler la gorge, me casser la voix sur le dos de l'injustice, c'était le sentiment hypocrite le plus fort. Alors, la colere a fini par monter, mes yeux sont devenus rouges, mes muscles se sont crispés et j'ai crié, j'ai tout laissé sortir, et dans un élan de rage pure, celle la même qui conduisait mon corps en pilote automatique, j'ai commencé a frapper, dans l'habitacle, n'importe ou, a grands coups de ronds de bras, jusqu'à ce que mes poings ne frappent 3 fois le volant et que le klaxon ne s'enclenche. Dans un élan de peur, un cocktail fait de panique et de paranoïa, on s'est tous baissés, comme pour se cacher de ne s'être fait que trop remarqués, sauf Bolo, qui trônait fièrement derrière en s'amusant de la scène qu'il avait devant les yeux. Couché sur le siege passager, ma peur avait effacé ma colère, je ne bougeais plus. Medhi non plus. Bolo se marrait comme une baleine :

« - Vous êtes timbrés les mecs, ya pas un mouvement dehors ! Allez, levez vous putain, j'ai mal au cœur. »

On restait muets, immobiles, drôle de scène effectivement, aveu de faiblesse complet, ode a la tétanie. Bolo nous a assuré 3 fois que la voie était libre, alors on a fini par se relever.

On se méfiait de tout, ca me paraissait normal aux vues des circonstances, j'arrivais pas a croire que Bolo pouvait rester de marbre face a la situation. J'avais peur ouais, et cet endroit, je l'avais pas choisi par hasard, j'avais un plan, je cherchais partout la moindre infime lueur, le moindre semblant de sécurité dans les moindres recoins, idées plus ou moins connes depuis des jours. Je décidais de leur parler de tout ca :

« - Bon, les gars, faut qu'on se reprenne… J'ai quelque chose a dire. Si je vous ai donné rendez vous ici, c'est pour une raison bien précise. Alors voila, moi aussi j'ai dépensé un paquet de mon fric, mais je pense que c'est nécessaire, du moins, je l'espère. Vous savez, le mec de ma tante, Iker, l'ancien membre de l'E.T.A, ca vous reviens ? Bah il se trouve que c'est un consommateur. Je lui ai filé de la poudre gratuitement, en échange, il m'a donné les coordonnées d'un mec qu'ils appellent ‘le magicien', j'ai contacté ce mec la, et j'ai envoyé des liasses, beaucoup de liasses, j'me suis surement fait entuber, j'y connais rien et de toute façon c'est pas important, l'important c'est ce qu'il avait a me proposer en échange, il fallait que je le fasse… Vous voyez la superette derrière nous, dans les chiottes, le faux plafond plus précisément, juste au dessus du dernier carré faisant l'angle gauche du fond de la pièce se trouvent 3 flingues… ainsi que 3 passeports associés de documents divers qui pourraient nous servir… »

  « -Putain d'merde… »

« -On peux se barrer, on peux partir, au moins le temps que tout ca se tasse. »

« - Moi j'bouge pas, rien a foutre. » a dit Bolo.

« - Ok. Il te reste toujours le flingue hein… »

Medhi a réfléchi, il trouvait ca absurde  d'en être arrivé a fuir tel un réfugié politique, d'autant plus que tous ces papiers, c'était du Chinois pour nous qui ne connaissions que l'Espagne quand il s'agissait de parler de l'étranger, quel poids avaient vraiment ces documents pour envisager une fuite mais surtout, quel poids avait vraiment l'absurde dans toute cette histoire. Apres un long débat, il décida de me suivre. Bolo, qui approuvait a peu prés tout ce que Medhi déclarait, finit par suivre lui aussi. Quelqu'un d'entre nous devait aller a l'intérieur pour mettre la main sur le petit colis dans les water, et bien évidemment, personne ne voulait y aller. Apres de longues négociations, avec a l'appui un joli petit billet de 10euros sorti de mon porte feuille, en guise de budget pour s'acheter des friandises dans la superette, Bolo finit par se dévouer. Il est sorti de la voiture, s'est remonté le pantalon pour ne pas que son immense raie ne soit exposée aux courants d'air et il a déambulé vers l'entrée du magasin. Nous, pendant ce temps la, on attendait dans le silence, l'anxiété, comme une vieille habitude qui nous collait aux basques depuis quelques temps. L'espace d'une minute après, une berline noire, du genre classe, une Allemande s'est présentée a l'entrée de l'aire de repos. Quand je l'ai vue, mon cœur s'est mit a palpiter, l'adrénaline. Je ne voyais pas la plaque de la ou j'étais et toutes les vitres étaient teintées. La voiture s'est avancée vers le poste a essence, dans un bruit sourd, quasi fantôme. Sa présence était glaçiale, je voyais en elle une sorte de messager de la mort, c'était très étrange. Elle s'est arrêtée a la pompe. Un gros mec chauve et baraqué en est sorti, il avait un petit air de « La Boule » de Fort Boyard, un facies qui n'invitait pas vraiment a la discussion, il avait l'air dur. Il était assorti a la voiture, tout de noir vêtu, il devait faire 6 degrés dehors et ce mec la portait un simple juste au corps. Il a commencé a faire le plein. Je me suis retourné vers Medhi, a la vue de son regard j'ai de suite compris qu'il pensait a la même chose que moi. Le mec a fini son plein, tranquillement puis il est remonté dans la voiture. Il a ensuite démarré et s'est dirigé droit vers nous. La, j'ai commencé a paniquer, alors j'ai fait mine de dormir, c'était ridicule. J'étais garé en bataille, il est venu se garer juste a coté de ma portière, en sens inverse. J'avais l'impression de m'étouffer. Medhi me chuchotais de ne pas bouger, de ne rien faire, on était figés. J'avais qu'une seule envie, démarrer et me barrer loin d'ici, mais mon courage ne répondait plus et j'étais tétanisé. La Boule est sorti du véhicule sans nous faire attention puis il s'est dirigé vers l'entrée du magasin et y est rentré. Je me suis vite empressé de me retourner vers Medhi pour lui faire part de mon sentiment quant a ce mec a l'aspect aussi froid que l'ex URSS :

« - Tu l'a vu celui la ?! S'en est un ! C'est un mafieux putain, t'as vu sa dégaine ! »

« -Ouais j'ai vu, il est chelou putain ! »

« -Faut qu'on se barre d'ici ! »

« - Wow, du calme, on sait rien sur ce type. »

« - Faut qu'on se barre d'ici j'te dis ! »

« - Ya Bolo la dedans ! J'pars pas sans Bolo ! »

« - Rien a foutre de Bolo, ON SE BARRE ! » J'ai attaché ma ceinture avant de m'apprêter a partir, Medhi en a profité pour attraper les clés de la voiture sur le contact. « Rends-moi ces clés ! »

« - On fait rien du tout, on attends Bolo ! »

« - RENDS-MOI CES PUTAINS DE CLES !!! »

« - Va t'faire foutre ! »

C'est alors que je me suis détaché. J'ai enjambé les sièges avant et j'ai sauté sur Medhi. S'en est alors suivi une espèce de lutte Greco-Romaine peu académique, les bras, les jambes valsaient et venaient s'écraser sur la ferraille de l'auto, ce con la se débâtait, il m'a même mordu le doigt. Le petit manège a bien duré une minute, et puis, on a entendu une porte claquer, c'était celle du mec suspect. On a de suite stoppé nos conneries. Le mec a démarré a reculons, on s'est relevés pour le voir partir et dix mètres plus loin, il s'est arrêté sans raisons apparentes. Ma voiture et la sienne se retrouvaient maintenant face a face, a 5 mètres l'une de l'autre. On est restés la, comme des cons, a fixer les vitres teintées de la Berline, dans l'incompréhension la plus totale pendant une vingtaine de secondes quand tout a coups, il a commencé a accélérer brutalement en fonçant droit vers nous. Tout ca s'est passé tellement vite et le temps que je réagisse et me débatte, La Mercedes est venue percuter ma voiture. J'étais paralysé. Medhi lui, avait réussi a s'extirper de la voiture et s'échapper avant même que ne se produise le choc. La Boule est descendu, il est venu m'attraper par le col avant de me ramener vers sa voiture et de me jeter sur le siège arrière. Je me suis totalement laissé faire. Quand il a refermé la porte, j'ai bien compris que j'étais foutu. J'ai relevé la tête et c'est la que j'ai vu cet homme trônant a coté de moi. Un mec très classe, il avait de grandes jambes, ses genoux touchaient le dos du siège de devant. Il arborait un costume noir, en dessous, une chemise blanche qui finissais en col Français d'où redémarrait une longue cravate noire. On aurait dit un financier, ou un agent du FBI, bref, un mec venant d'un autre monde que le mien. Ses deux mains étaient méticuleusement posées droites sur ses cuisses, il avait l'air de fixer un point précis droit devant, et il souriait. En réalité, il avait l'aspect d'un robot, il ressemblait étrangement au fameux Mr Smith du film Matrix, le sosie parfait, a la seule différence qu'il souriait, il n'arrêtait pas de sourire, j'aurai juré que c'était Mr Smith, du moins l'acteur qui l'incarnait. Il avait rien d'un Rital ce mec la et finalement, ca m'angoissait encore plus. Il a doucement tourné sa tête vers moi pour croiser mon regard sans que son buste ne bouge d'un moindre millimètre et s'est exprimé, toujours en souriant :

« - Bonjour, Péio. »

Le son émanant de ses cordes vocales est venu me glacer l'épiderme, comme une décharge électrique intense, j'aurai jamais imaginé que la voix puisse avoir autant d'effets néfastes et nauséabonds sur ma propre personne. Dans son regard, je voyais l'assurance, la puissance calme et la cruauté froide d'un être au demeurant avenant, la confiance malsaine, le sourire malsain, tous ces trucs venaient me sauter a la gueule et s'y écraser. Il a fait signe a la boule de démarrer avant de reprendre :

« - Ne vous en faites pas pour la voiture, elle est assurée tout risque. » Il s'exprimait dans un parfait Français en me vouvoyant, je crois bien que c'était la première fois de ma vie que quelqu'un me vouvoyait. Il a doucement réorienté son regard vers le point qu'il avait l'air de fixer auparavant, puis s'est tu. Plus personne ne parlait, j'avais l'impression d'avoir l'ordre de faire pareil, cet homme la dégageait une certaine autorité sans même devoir rien faire. Je me posais milles questions, et j'avais peur d'ouvrir la bouche, le bruit du moteur en fond sonore avait l'air d'être le seul à pouvoir s'exprimer librement. Les minutes passaient et j'étais plus qu'inquiet, j'ai alors trouvé un peu de courage pour pouvoir m'exprimer et j'ai timidement demandé :

« - Vous… Vous avez fait quoi de Eddie ? »

Son sourire est alors monté d'un cran plus haut et il a dit :

« - On l'a mis au placard. », ensuite, le silence est retombé une bonne minute avant qu'il ne reprenne :

« Croyez-vous en la spiritualité Péio ? Cette forme de compréhension naturelle qui se véhicule d'un être a un autre, sans même prendre la peine de devoir parler, le langage du regard, de l'âme ? », je me retrouvais dans une situation très étrange, comme l'impression d'être coincé dans une brèche délimitant la frontière du réel, tout cela semblait surréaliste :

« Vous savez, cette chose étrange que l'on ressent parfois, pour une personne, un espèce de lien vivant, même si cette personne en question se trouve a l'autre bout du monde. Comme une évidence claire au beau milieu du bazar ambiant, ce genre de choses qui paraissent vraies, les au revoir qui n'en sont pas réellement…

C'était pour une fois quelque chose de clair, pas de grands mots, pas de promesses, juste le temps, porté par un vent doux, rien de plus… », il me terrifiait, donnait l'impression de s'introduire dans mes secrets les plus intimes, avec une facilité déconcertante :

« Cette fille vous manque, n'est-ce pas ? », je l'ai regardé, horrifié. Qui était il vraiment, j'en avais aucunes idées, et je commençais a sérieusement paniquer. Il s'est tourné vers moi :

« Qui êtes vous réellement, Péio… »

 Je voulais sauter, je voulais pleurer, faire tout un tas de trucs plus ou moins idiots pour essayer de sortir de cette voiture, mais je restais la, paralysé par le discours de cet effroyable personnage qui s'amusait a tordre mes nerfs :

« Savez-vous comment nous vous avons retrouvé Péio ? », je n'avais même plus de répondant, je me contentais juste de hocher la tête pour répondre, je n'osais même pas le regarder :

« On vous a retrouvé grâce aux camés qui scandent votre nom au mégaphone dans toute la ville. Vous êtes devenu une véritable personnalité. », il m'a brièvement regardé, avant de repartir faire les yeux doux a son point précis :

« Cependant, la gloire n'est jamais éternelle, tout comme les hommes. Certains n'y goutent que l'espace d'un bref quart d'heure d'après Warhol, on peut quand même dire que vous faites parti des privilégiés… », il a marqué un temps d'arrêt, puis a commencé a rire, doucement, avant de reprendre :

« C'est assez drôle…

C'est assez drôle cette manière que vous avez d'assimiler le « milieu » au cinéma, a une origine définie. », je ne voyais pas ou il voulait en venir, je l'ai regardé, il s'est tourné vers moi :

« Vous voyez une rose rouge accrochée a mon costume ? Identifiez un accent quelconque quand je parle ? Ya t'il un bandeau sur vos yeux ? », je me retrouvais dans l'incompréhension la plus totale, il s'est détourné de mon regard, a marqué un petit temps d'arrêt dans son monologue, puis a balancé cyniquement :

« Il n'y a que dans un Scorcèse qu'on bande les yeux aux personnages… »

C'était terrifiant, cette façon qu'il avait de lire en moi, je me sentais a sa merci, totalement vulnérable :

« Savez vous pourquoi nous n'avons pas pris la peine de vous bander les yeux Péio ?, je hochais la tête, il m'a fixé droit dans les yeux, son sourire était enjôleur :

«  Parce que je crois bien que c'est la première et dernière fois de votre vie que quelqu'un vous vouvoie… Péio. »

Je n'ai pas de suite fait le rapprochement, et puis, quand j'ai compris, mon visage est tombé en décomposition. La sentence venait de tomber, celle a laquelle je m'attendais, la peine de mort, inévitable, c'était fini. J'ai discrètement versé une larme, j'avais peur, j'étais impuissant. Il n'y eu plus un seul mot jusqu'à la fin du trajet que j'ai passé a me remémorer les meilleurs moments passés en compagnie des gens que j'aime, comme pour ne me faire que plus de mal. On est arrivé dans une ville après 2H de route, a la tombée de la nuit, je n'avais aucune idée d'ou nous nous trouvions. On s'est dirigés vers le centre ville, on est arrivés devant un immense immeuble illuminé, a l'architecture plutôt récente, qu'on a contournée pour se garer dans le parking derrière ce même immeuble. La Boule est sorti en premier et nous a ouvert la portière. Le tortionnaire a coté de moi est sorti et m'a ordonné de le suivre. Debout, il était encore plus impressionnant, j'avais l'impression que ce type faisait 3 mètres de haut. Ils m'ont escortés jusqu'à une trappe au sol collée au mur de l'immeuble, toujours dehors. La Boule l'a ouverte et j'ai découvert un escalier menant a un couloir sous terrain. On est descendu, le couloir était très sombre, très étroit et avait l'air interminable. Au fur et a mesure qu'on avançait, je pouvais identifier un son au loin, comme des battements de ce qui s'apparenterait a un énorme cœur. J'ai commencé a discerner une porte a 20 mètres de nous, et les battements étaient de plus en plus incessants, on pouvait maintenant entendre une mélodie les accompagner, ainsi qu'un espèce de brouhaha provoqué par de multiples voix. Ca avait l'air d'être un sacré bordel derrière la porte. Quand on est arrivé devant, La Boule a mis un coup de pieds et la porte s'est ouverte. Les lumières puissantes gisant des néons rouges et jaunes ainsi que l'épaisse fumée stagnant dans l'énorme salle qui se présentait devant moi sont alors venus m'agresser la rétine. Il devait y avoir la dedans au moins une centaine de personnes, plus ou moins a jeun, plus ou moins habillées. J'ai déambulé au beau milieu de ce bordel géant escorté par mes deux ravisseurs, bousculant les gens sans aucun respect. Il y avait des gens extrêmement laids, des visages déformés, un peu partout, c'était a peine croyable, certains me fixaient. Les murs perdaient leurs forme initiale l'espace d'un temps flash puis réapparaissaient, j'avais l'impression d'être sous l'emprise de psychotropes. Il y avait des serveuses naines complètement nues qui avaient la particularité d'arborer une poitrine ou étaient exposées quatre énormes seins dépourvus de tétons. Il y avait des coins reclus, des coins VIP un peu partout dans la salle, ils avaient l'air de se caractériser par thèmes, dans l'un d'eux, des gens étaient en train de sniffer de la poudre. Juste a coté, Des gens a l'aspect BCBG s'amusaient a décapiter des poussins et toutes sortes d'autres animaux, les moccassins baignant dans une immense flaque pourpre. Dans un autre coin, ils s'adonnaient a des sortes de jeux SM, des trucs vraiment spéciaux. Quand je suis passé devant l'un d'entre eux, j'ai furtivement croisé le regard de cette jeune fille a 4 pattes en train de se faire prendre par un immense homme noir qui arborait une énorme tète de cheval en guise de masque. Ce regard m'était familier, le coin était très sombre mais je l'ai de suite reconnue. On s'est fixés, je lisais la détresse dans ses yeux, la douleur, son regard, comme un SOS. Elle implorait mon aide, Je ne pouvais pas intervenir, les deux gros bras a coté de moi me forçaient a avancer. Son regard s'éloignait de plus en plus, j'ai essayé de me débattre, en vain. J'ai désespérément crié son nom dans le vacarme et elle s'est effacée de mon champ de vision. J'étais bouleversé. Les deux brutes me trainaient pour avancer. On est arrivés devant une scène ou Jimmy Hendrix était en train de griffer sa guitare en gesticulant comme s'il était pris de violentes convulsions, j'en croyais pas mes yeux. Devant la scène se trouvait un public dos a moi, parfaitement aligné et identique, rappelant les hordes militaires d'un meeting d'Hitler, totalement silencieux et immobile, indifférent face aux flammes gisant de la guitare de Hendrix venant embraser la toile décorative tout autour de la scène. On a continué plus loin et on est arrivé dans un espèce de salon illuminé de lumières roses ou se tramait une partouse monumentale. On a traversé le salon en direction d'une porte au fond de la pièce. Je regardais partout, je ne comprenais rien a ce qui était en train de se passer, j'avais l'impression de connaitre tous les corps et les visages. J'ai posé mon regard sur ce mec nu, affalé sur un canapé au loin, un grand black, j'avais du mal a distinguer les traits de son visage mais il ressemblait de la ou j'étais a Barack Obama. Devant lui a genoux, je pouvais distinguer une silhouette de dos qui laissait deviner qu'elle était en train de pratiquer une fellation sur le garant de la bannière étoilée. Quand Obama s'est aperçu qu'il était observé, il a levé le regard vers moi, ce qui a eu le don de me déstabiliser. Cet alors que la silhouette de dos s'est retournée en me dévoilant son visage. Je suis tombé des nues quand j'ai découvert son identité : François Hollande était en train de me regarder en souriant bêtement. Il s'est essuyé d'un revers de manche les lèvres avant de me lâcher son fameux « Eh ééé ». J'ai tourné la tète on a continué notre chemin. Je ne comprenais plus rien, j'étais K.O. On est arrivé devant la porte et La Boule a mis un violent coup de tete afin que cette dernière s'ouvre. On a pris un long couloir similaire a celui qui nous a mené au bordel, a la différence que celui la ne manquait pas de lumières venant mettre en valeur le blanc pur intégral qui nous entourait. De part et d'autre sur les murs étaient accrochés des cadres mettant en scène le portrait  d'une énorme femme en train d'allaiter trois nourrissons, sur une motte de foin, le tout imprimé en noir et blanc. Il y en avait tout le long du couloir, tous identiques, minutieusement posées de façon a ce que les écarts entre deux cadres soit totalement semblables. On est arrivés devant grande porte en bois de forme arrondie. A mes pieds, il y avait un paillasson noir ou l'on pouvait lire en caractères rouges : «  The world is your ».

La Boule a frappé, gentiment pour une fois. Une voix grave s'est faite entendre et la porte s'est ouverte. J'ai alors découvert ce qui avait l'air d'être le bureau du patron. La pièce était sombre, illuminée par quelques applique murales ici et la, la tapisserie, elle aussi de couleur sombre était a peine visible. Il n'y avait qu'en tout et pour tout une seule fenêtre, et le store de cette dernière était fermé. Au centre de la pièce, le bureau en bois massif posé sur un tapis de sol immense, et derrière ce bureau, le boss, assis juste devant la bibliothèque imposante dans son dos, entouré de deux gorilles, tout aussi imposants. Quand il m'a vu, il m'a sourit et a désigné d'un geste élégant de la main l'énorme siège en face de lui, il n'a pas pris la peine de se lever pour me saluer. Je me suis alors assis, entouré de mes deux compères ne me lâchant jamais d'un mètre. On pouvait discerner au premier regard que cet homme la n'était pas un rigolo. Il devait avoisiner la cinquantaine aux vues des traits durs mis en valeur par les rares rayons de lumière venant alimenter son visage rocailleux. Il avait un cou large et puissant, une pilosité grisonnante, tout comme ses cheveux courts, et des yeux bleus purs, perçants, des yeux tranchants, quasi fascinants, qui reflétaient ma peur, il avait un charisme certain, le genre de mecs intimidants, c'était indéniable. Il arborait une chemise rouge au col entre ouvert, laissant transparaitre une croix Orthodoxe accrochée a son cou. Il me fixait droit dans les yeux sans dire un mot, accoudé a son bureau, tout en faisant par moment des mimiques assez bizarres, comme s'il était pris de tics, ca me désarmais totalement. Je l'ai fuis du regard et j'ai levé mes yeux sur ce tableaux accroché sur le mur juste derrière lui : c'était un portrait de Vladimir Poutine torse nu, en train de chevaucher un ours sauvage et fendre un torrent d'eau en deux. Le boss m'a regardé étonné, puis s'est retourné avant de s'exprimer :

« Ah, lui. C'est un vieil ami de longue date. » et puis, il a continué avec ses mimiques. Il a repris la parole en levant les bras au ciel, comme une marque de courtoisie évidente:

« Bienvenue chez moi, Péio ! », Il avait un fort accent Russe mais prononçait bien les mots et était totalement compréhensible :

« Comment s'est passé le voyage ? Je suppose que t'as fait connaissance avec les deux trous de cul derrière toi ? Ils ont pas été trop virulents ? » J'ai vaguement hoché la tête.

« Non je dis ca parce que le l'aveugle sourd-muet c'est une vraie putain de brute quand il s'y met, un vrai animal, il est pas très intelligent. Regarde moi cette dégaine d'abruti… » il a dis en regardant la boule.

« Tu sais pourquoi on l'appelle l'aveugle sourd muet ? Ce mec la, il vois jamais rien, ce mec la, il entend jamais rien, et le plus important, ce mec la que t'as derrière toi, il dis jamais rien. C'est pour ca que je suis clément avec cette brute, hein p'tite bite ? » a dis le Boss en s'adressant a la Boule, qui ne broncha pas, ce qui amusa le boss entre deux mimiques :

« Tu vois ? ce con la est sourd comme un pot, hein p'tite bite ? ahahah », le boss me regardait en riant, alors j'ai souris, pour ne pas le froisser. Il a repris la parole :

« Vois par toi-même, dis lui, ahahah », je suis resté a sourire sans rien faire.

« Dis lui p'tite bite », il se marrait, il n'arrêtais pas, j'ai fait signe que non de la tête mais il a continué a se marrer en me poussant a le lui dire. Je suis rentré dans le jeu et j'ai alors levé mes yeux vers La Boule dit l'aveugle sourd muet et je lui ai balancé naïvement un timide :

« P'tite bite. »

Il a fallu 2 seconde a cette brute épaisse pour m'asséner une énorme gifle main ouverte sur la nuque. Le claquement a retenti dans toute la salle, ce qui a provoqué un fou rire général. Ces connards se payaient ma tête et moi, je fixais mes chaussures, mais l'humiliation n'était rien a coté de la peur que je ressentais. Puis ils se sont calmés, et de suite après que le calme ne retombe, le boss a commencé a faire des mimiques plus régulièrement, de plus en plus originales, comme s'il avait une crise en fait, a la Louis de Fuines, c'était assez étrange. Il a voulu me présenter le géant qui m'angoissait tellement :

« Lui, c'est Charles, dit l'enjôleur. J'ai pas grand-chose a te dire sur lui, ce type m'insupporte avec son sourire de faux cul et ces airs de Mr JeSaisTout, évitons de parler de lui tu veux. »

Il donnait l'impression de monter crescendo au niveau des expressions bizarres qui se multipliaient sur son visage, il en faisait de plus en plus, tout le monde se taisait et le regardait faire, comme si tout cela paraissait normal voire habituel. Il a ensuite commencé a fermer les yeux  serer les poings, en poussant des cris saccadés, comme pour illustrer un soulagement profond, puis tout a coups, il a tout arrêté, dans un silence parfait. Il a soupiré,  puis ses yeux se sont rouverts. La, son visage a complètement changé, il avait l'air de doucement commencer a péter un plomb, ses yeux se sont plissés, virant au rouge, ses mains, ainsi que ses dents, se sont serrées et tout a coup, il a commencé a taper du poing sur la table en gueulant des trucs dans une langue qui m'était inconnue. Il s'est violement reculé du bureau tout en restant sur la chaise, en donnant des coups de pieds sous le bureau. J'ai alors entendu des cris, plutôt aigues, c'est alors qu'une plantureuse créature blonde vêtue uniquement de talons aiguilles rouges s'est relevée de la dessous, une bombe atomique comme on en voit rarement. Les deux gorilles se sont emparés d'elle par les bras et l'ont décollée du sol, avant de la jeter hors de la pièce, tel un vulgaire torchon usagé. Le boss a refermé sa braguette. Il a relevé la tête pour me jeter un regard assassin puis s'est levé. Il a repris la parole, sur un ton agressif, le son de sa voix monté d'un cran :

« Je m'appelle Sergei Lenotov, homme d'affaire reconnu et réputé. As-tu déjà entendu ce nom ? » m'a-t-il demandé. Il déambulait dans la pièce tout en s'adressant a moi, je n'osais le suivre du regard. Je n'ai pas répondu, ce qui a eu le don de l'énerver encore plus :

« REPONDS MOI ENFANT DE PUTAIN ! AS-TU DEJA ENTENDU CE NOM ! »

J'ai alors fait signe de la tête, pour lui dire que son nom m'était inconnu. Il a repris la parole :

« Il y a 8 mois de ca, j'ai fais partir un bateaux depuis l'Europe pour les United States of Ameeeerica, tu me suis, Péio ? Dans ce bateaux, il y avait quelque chose de spécial, un truc dont raffolent ces trous du cul d'américains, tu vois de quoi je veux parler n'est ce pas ? Cependant, il y a eu un petit soucis d'acheminement, les alcooliques qui s'occupaient de ce foutu bateaux, c'était des putains d'incompétents !! Ils ont réussi par je ne sais quel miracle a se faire couler, égarant dans la nature de jolis paquets cadeaux que des incompétents comme TOI !! … ont gentiment réceptionné. Tout ce que t'aura eu a faire toi, c'est FAIRE UN PUTAIN DE JOGGING SUR LA PLAGE !!! »

Il s'est arrêté un moment et s'est calmé, d'un micron. Il n'était plus dans mon champs de vision désormais mais je pouvais sentir sa présence derrière mon dos rien qu'a la rage que tout son être dégageait, j'entendais ses pas et je l'entendais, tourner en rond. Il a fini par reprendre :

« J'ai perdu beaucoup d'argent dans cette histoire tu sais Péio. Pire encore, j'ai perdu des associés. Tu sais, dans le monde des affaires, les associés, c'est très important, Péio. Mais il y a plus important encore : la réputation. Et je compte bien la garder intacte. »

Il y eut un temps d'arrêt dans son monologue, comme s'il marquait la fin, et le début d'un paragraphe :

« Si t'es la ici présent aujourd'hui Péio, c'est parce que t'as voulu porter atteinte a cette réputation si précieuse. Ca me mets dans l'embarras, t'as plutôt l'air d'être un puceau inoffensif en vérité, le genre de petit fils de pute qui croit avoir des cojones, je parie que tu vis encore chez ta mère. T'as un peu pensé a elle ? A sa réaction quand le commissaire va l'appeler pour lui annoncer qu'on a retrouvé ton avant bras sous un rocher de la cote ? T'imagine dans quel embarras tu vas mettre ce pauvre commissaire quand il va devoir appeler ta pauvre mère ?

Oh et puis merde, tu veux que j'te dise Péio, j'en ai rien a foutre de ta truie de mère, je lui pisse dessus, tout comme je pisse sur ce bon a rien de commissaire qui va jouer a cache cache avec les morceaux de ton corps en décomposition, j'en ai rien a foutre de tout ca, et tu sais pourquoi Péio ? Parce qu'a cause de toi, j'ai été obligé de me déplacer dans ce pays et je déTESTE CE PUTAIN DE PAYS !!!!

Tu vois gamin, si t'aurais su qui était Sergei Lenotov, t'aurais peut etre réfléchi a deux fois avant de ramasser ce paquet échoué sur la plage, et tu serais pas en train de PISSER SUR MON FAUTEUIL !! CE FAUTEUIL LA, IL VAUT PLUS CHER QUE TA MISERABLE VIE, SALE PETIT ENCULE !

Comme quoi, le savoir, c'est très important. T'aurais aussi du savoir que la cocaïne pure, ca se vends pas au consommateur, ou c'est l'overdose assurée, mais t'es trop con pour pouvoir ne serait que te poser toute ces questions. D'un coté, tu devrais me baiser les pieds, te  prosterner devant moi, moi, qui va t'éviter des années de sodomie en réunion dans les douches communes d'un pénitencier. Alors voila, l'heure est venu pour moi de te faire ce petit cadeau… Et de récupérer mon honneur, tu me suis Péio ? »

Tous ses mots me transperçaient la cage thoracique, ca devenait insoutenable de l'écouter, c'était le moment d'en finir, je voulais réellement en finir. Le bruit de ses pas a cessé, annonçant le calme avant l'orage, ce genre de choses que l'on peut parfois ressentir, je ne pouvais pas le voir mais sentait bien qu'il se tramait quelque chose derrière moi. Il a repris la parole et a dit :

« Toi c'est pas en prison que tu vas aller noooon… C'EST AU PLACARD !!! »

Aussitôt qu'il ai prononcé ces derniers mots, l'aveugle sourd muet et l'enjôleur se sont emparés de mes deux bras pour m'immobiliser, j'ai essayé de me débattre, prenant conscience qu'était venue l'heure de l'exécution, l'instinct de survie étant le plus fort, en vain. Le boss s'est présenté devant moi avec un cintre métallique, il m'a attrapé le cou d'une main et m'a étranglé, il avait une force surhumaine, je criais de toutes mes forces. Avec son autre main, il est venu introduire le cintre dans ma bouche, je ne pouvais la refermer, la pression exercée sur mon cou étant trop forte. Le cintre était trop grand, le boss avait du mal a l'enfoncer, je balançais ma tête dans tous les sens, tentant de me débattre. Le calvaire a bien duré 3 minutes avant qu'il ne réussisse a enfoncer le cintre tout au fond de ma gorge, puis il m'a lâché. Je suis tombé, suffoquant au sol. Le boss a alors attrapé le crochet du cintre et m'a trainé au sol jusqu'à l'immense placard dans le fond de la pièce. Il l'a ouvert et m'a relevé a la force de ses bras par le crochet avant de me déposer sur la tringle du placard ou étaient exposés les cadavres de Bolo, Medhi et Eddie, pendouillant comme de vulgaires costards cravate humains.

 

 

 

 

 

Je me suis réveillé en sursaut, dans la panique complète. Les gouttes venaient hydrater mon front en masse et ma peau était bouillante. Les lumières de la ville au dehors venaient illuminer ma chambre de par la baie vitrée. J'ai regardé le plafond et j'ai soupiré. Je suis sorti de mon lit, je me suis dirigé vers le balcon et je me suis allumé une clope. Mon regard se perdait dans l'immense horizon devant moi, le boucan de la ville a mes pieds. J'ai regardé mon téléphone, il était 3H28.

 

J'ai essayé d'appeler Eddie, 3 fois. Je suis tombé sur le répondeur…

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