La Belle et la Bête

« ... Je veux vivre autre chose que cette vie ! »

Je suis une inconditionnelle des films Disney depuis le jour où mon oncle nous a emmenés, mon petit frère et moi, voir Aladdin au cinéma. Ça avait été magique, de un le grand écran, de deux le film. Je suis sortie de la salle avec des étoiles pétillantes plein les yeux, comme autant de bulles de champagne.

J'avais donc décidé que plus tard je travaillerais pour Disney, je mettrais en mouvement les personnages... un doux rêve qui n'a jamais eu lieu, malgré ma liste pour y arriver : aller au collège, au lycée, puis entrer aux Gobelins et surtout, travailler sérieusement.

Je suis cependant restée une grande enfant, je connais tous ces dessins-animés par cœur, et comme je dessine souvent, je dois avouer qu'il y a toujours une touche Disney dans mes dessins ou autres peintures…

« Depuis qu'on est arrivés
Les gens me sont étrangers
Dans les rues qui pleurent d'ennui… »

Et d'entre tous, je me rappelle, c'était « La belle et la bête » mon préféré. Ils sortent le film adapté du dessin-animé aujourd'hui dans les salles obscures.

Samedi je serai sur mon siège avec les yeux grands ouverts…

C'est ainsi, je me sentais proche de l'héroïne. Non pas pour sa beauté, car alors j'étais petite et mal dans ma peau, mais pour son sentiment de ne pas être à sa place.

Encore aujourd'hui, je ressens cette sorte de différence entre moi et les autres. L'incompréhension. En soirée, je suis souvent ainsi, la tête sur la main, à écouter sans savoir quoi dire, quoi rajouter. Je me sens dans un tel décalage que ça donne le vertige. Je ne me sens pas dans une vie qui me convient. Il manque quelque chose ou alors... je ne saurais dire. Mais quelque chose cloche, ça c'est sûr.

Et puis, enfant, on me trouvait louche et étrange. On s'écartait, on m'évitait, on se moquait. Alors je me rassurais devant le dessin-animé. Belle, toi, tu me comprends.

Et puis, d'entre toutes les héroïnes Disney de l'époque, Belle détonnait à mes yeux : son but n'était pas de devenir princesse. Non, ce qu'elle désirait, c'était une vie autre, c'était une sorte d'aventure, fuir son quotidien.

« La tête ailleurs et ce petit air audacieux
D'un chat sauvage sous une ombrelle
Elle ne parle pas notre langage
Elle est toujours dans les nuages
C'est bien vrai qu'elle est étrange

Mademoiselle Belle ! »

Et puis, Belle adorait lire. Un point commun en plus. Je me sentais si proche d'elle que je connais aujourd'hui le dessin-animé sur le bout des doigts. Je rêve d'avoir une bibliothèque comme dans le film, quand la Bête lui fait une surprise... Ma bibliothèque semble ridicule à côté.

« La tête ailleurs avec des rêves plein les yeux
On ne sait pas quoi penser d'elle
Elle a toujours l'air absent
Ou plongée dans ses romans
Quel mystère pour nous que cette Mademoiselle Belle ! »

Bref, le fait de me sentir proche de cette héroïne éloignait ma solitude. Je me disais, moi aussi j'ai envie d'une autre vie, moi aussi on me trouve bizarre, mais je ne suis pas seule.

Certes Belle est un personnage de fiction, mais quand on est enfant, ça suffit à panser le cœur. C'était moi, c'était ça. Je me sentais exclue, incomprise, et « bizarre » revenait souvent comme terme quand on parlait de moi. Encore aujourd'hui d'ailleurs. Mais je vois désormais ce terme positivement. Je suis bizarre, donc j'ai une particularité. Je préfère être bizarre que lisse et sans profondeur....

« Mais sous son visage d'ange
Elle est quand même très étrange
C'est vrai qu'elle ne ressemble à personne...

La tête ailleurs perdue dans son univers
C'est une étrange demoiselle
Elle est fantasque et bizarre
Un fossé nous sépare....

C'est vrai qu'elle ne ressemble à personne
Non, elle ne ressemble à personne
Cette fille ne ressemble à personne
C'est Belle ! »

Bref, samedi, j'irai voir le film, et je sais qu'il me fera autant de bien que lorsque j'étais une petite fille solitaire et tristounette ne comprenant rien à ses semblables. Je sais qu'il me parlera encore. Car moi aussi je voudrais vivre autre chose que cette... vie.