Bienvenus à Gattaca

Nous sommes arrivés, par centaines en ce lieu détourné, volé de sa mission première : une salle de concert. C'était irréel, comme dans un film d'anticipation, tous ces gens si obéissants.

Nous avons montré patte blanche, c'est-à-dire notre rendez-vous pris sur Doctolib à deux hommes masqués aux regards fermés, gardiens du vaccinodrome platiné.

Nous avons suivi des couloirs délimités par des barrières, véritable dédale métallique. Au loin, on pouvait deviner le Minotaure se frottant les mains…

Un questionnaire, sommaire.

Et on nous rentre dans la machine. Aucune vérification de notre identité. A quoi bon ? Peu importe qui tu es. Le président a gagné. Un maximum doit être vacciné pour pouvoir travailler, étudier, faire du sport indoor, se cultiver…

Nouveau parcours de limaille, la tension monte alors que nous marchons tels des zombis, échine courbée avec l'angoisse qui ne cesse de monter.

Nouveau contrôle et cette envie de fuir. Poste 1.

Ma fille tremble en s'asseyant,

-          Bras gauche ? Très bien. Avez-vous des questions ? 

Ma fille au bord des larmes ne répond pas.

Je tente un :

-          Pouvez-vous faire semblant de nous l'avoir fait ?

-          Non. Autre question ?

-          Non… le cœur serré

L'aiguille, longue aiguille, s'enfonce dans le bras de mon enfant. Elle pleure en silence. La peur du produit injecté, et le refus tendent son corps. Elle a mal à sa liberté plus qu'à son bras. A moi… Je ne sens rien dans mon bras droit. Auto-anesthésiée pour ne pas crier. Dans ma profession le vaccin est obligatoire sous peine de radiation. Je n'ai pas eu le droit d'attendre pour choisir ce qu'on me mettrait dans le bras ou de voir les conséquences sur les autres. C'est la Loi.

Maintenant quinze minutes, il y a quasi autant de volontaires de la Croix Rouge que de patients et ce n'est pas rassurant. Bientôt le fameux Sésame, encore incomplet. Une dose ce n'est pas assez. On peut sentir le Minotaure prêt à nous dévorer. A la deuxième dose, il nous avalera tout rond et digérera ces jolis moutons qui n'ont pas eu la force de soutenir cette pression, d'entendre encore et encore ces inévitables sermons : pour le bien de tous, il faut se vacciner. Quels égoïstes vous faites ! Courez !

C'est ce qu'ils disent mais qu'en savent-ils ? Rien. Ils le reconnaissent volontiers mais ils n'auraient pas d'autres solutions à proposer. Cobayes volontaires. Allez… avancez ! 

Ce matin, j'ai mal à mon bras comme si j'avais été tabassée mais ne l'ai-je pas été ? Et même pas contre mon gré. J'ai tendu mon bras pour pouvoir continuer à vivoter.