Bio...dégradable
erx
Naître ou ne pas naître, tel est la gestation.
J'étais si bien sur mon étoile. Puis un jour, la fausse note, crac. Je me suis trop penché…et suis tombé de mon astre. La descente a duré neuf mois. Et un après-midi de printemps, juste à l'heure du goûter, une pousse de terrien a vu le jour.
Depuis je n'ai eu de cesse de germer, de croître, d'embellir, de végéter quelquefois aussi.
Mon enfance, je l'ai passée dans l'écrin de la campagne, loin de la ville, de ses tentations, de ses vices. De sévices, je n'ai eu que ceux que je m'infligeais. J'abusais de la loi de la gravitation, chute et rechute à profusion : d'un arbre, d'une meule de foin, ou bien encore victime de la chute d'une histoire drôle. Bref j'aimais choir. Mon mouchoir gardait les traces indélébiles de mes exploits agrestes, au désespoir de ma mère.
Dans le sain terreau de la cambrousse, j'étais comme un coq en pâte. Je poussais, je poussais avec insolence, au tempo des saisons. Ma petite existence toujours décapotée aux quatre vents.
Puis vint l'école, les leçons, les devoirs, le cartable trop lourd, les camarades, la cour de récré, les rédacs, les profs, et bien sûr les colles. Je découvrais tout un monde, un nouveau monde peuplé de contraintes, de discipline, mais aussi de connaissances. Mon amour des mots, je le dois principalement à mon professeur de sixième. Un homme trappu, massif, mais avec un cœur d'amadou.
Le virus de la lecture, je l'ai contracté comme l'on tombe en amour. J'aimais ô combien, le soir dans mon petit lit, me faire des transfusions de classiques, les Dumas, les Verne, les Fenimore Cooper, les Stevenson, les Daudet, puis les Maupassant, les Flaubert, les Stendhal étaient devenus des familiers, des amis. L'avantage avec les livres, c'est que vous pouvez les dévorer en abuser, sans jamais prendre un gramme. Seul votre imagination prend de l'embonpoint, se déploie. Depuis, la gangrène de la lecture n'a cessé de me bouffer par à-coup.
Seul l'appel de la nation, a freiné mon appétit livresque. L'Allemagne, les marches, les corvées, les grandes manœuvres, les gardes, la chambrée, les consignes ubuesques, les défilés de mes deux, c'était pas ma tasse de thé. Au bout de cinq mois, l'armée me bottait le cul, et me renvoyait à la vie civile. La mauvaise graine, ça n'aime pas le kaki, les képis, et les oriflammes.
Après cette levée d'écrou par anticipation, j'ai essayé de me faire une place au soleil, mais sans forcer. J'ai joué à saute société, passant d'un job à un autre. C'est à cette époque, que de nouveaux auteurs ont poussé la porte de mon cœur, en tapinois. Céline, avec son voyage au bout de la nuit, véritable uppercut, Queneau, un zazou-Zazie, Truman Capote, sortez couvert, sans oublier, Prévert, Giono, Aymé, Vian, Kerouac, Simenon…et compagnie.
Mais Eros m'attendait au tournant, fomentait un traquenard, dans lequel je suis tombé à « pied-cœur ». Elle était belle comme le jour, mais oiseau de nuit. Notre histoire dura l'espace de huit lunes, puis la demoiselle s'éclipsa pour toujours. Le palmitant en ruine, il me restait mes amis de papier. A force, de les lire, de les relire, je suis passé de l'autre côté du miroir, sans vraiment, m'en apercevoir. J'avais besoin de tirer un trait, oublier cette bécasse qui m'avait retourné le cœur, et rien de tel que l'écriture pour se reconstruire.
Depuis, j'écris, jet cri, geai creek… Pourquoi j'écris, peut-être pour vivre mieux, tout simplement.
A la naissance, on s'époumone, pour ainsi dire on ouvre les guillemets, et un jour la camarde se charge de les refermer, mettant le point final sur le roman d'une vie inachevée.
Naître ou ne pas naître, tel est la gestation.
E.Rx.
Merci beaucoup Stephan...oups ! Désolé ! je ne me suis pas relu...
· Il y a environ 11 ans ·erx
J'ai dégusté tes mots qui avec les maux ont su faire le gros dos et aimablement te ramènent aux au(tres)teurs qui te promènent dans tes hauteurs. Bravo ! (Ps : roman d'une vie inachevéE ou roman inachevé d'une vie ?). Et puis tant pis, on s'en fout. Belle journée E.Rx
· Il y a environ 11 ans ·Stéphan Mary