Bob Dylan Dieu ?

lina-kh

La veille du dramatique 27 octobre 2013

Bob Dylan, assis au milieu d'un champ, voit Dieu arriver.

 

«  Mon prodige ! Enfin puis-je te rencontrer.

 

-       Pardon ? lâcha Dylan nonchalamment, les yeux à peine levés.

 

-       J'ai traversé mers et terres pour te voir. Des années passèrent, et tu ne vins pas. Tes confrères, depuis bien longtemps, me revinrent. Le club des 27, Elvis, Lennon… Mais je n'attends que toi. En te créant, je fis ma propre fin.

 

-       Les temps changent, Dieu. Entre vivre ou mourir, je n'peux choisir. Je suis éternel, le vent m'emmènera, telles les pierres qui roulent. Ne le prend pas mal, mais en toi je ne crois pas.

 

-       Mais moi je crois en toi ! Il y a bien des années que ma place fut la tienne. Les gens te vénèrent, tu es leur porte-parole, la sagesse simplifiée, tu es notre Dieu. Tu as créé un peuple, il est à ta merci. Ils t'ont vénéré, idolâtré… Et comme moi, tu les as trahis par moment : en échangeant ta guitare folk contre une électrique, nombreux t'ont détesté, renié… Mais comme moi, tu affiches un air dédaigneux.

 

-       Arrête tes pleurnicheries.  Si tu ne crois pas en toi, personne ne le fera. J'en ai eu marre que les gens me suivent ; je faisais de la country et tout le monde suivait. Puis on traita mon boulot de merde et puis quoi encore ? ‘Viens pas me gonfler en avançant que j'ai pris ta place. Je suis mort aux yeux de certains, qu'ils dévorent leur musique industrielle et me laissent dans mon coin. Mais t'en fais trop ; je regarde la presse musicale et je trouve que ça avance pas mal pour le XXIème siècle. En me proclamant Dieu, tu craches sur Bowie et la compagnie ; j'aime pas ça, je te préférais là-haut dans tes cieux. Dire qu'à une période je t'écrivais des chansons…

 

-       Quelle période ! A ce moment tes fans te quittaient et ta foi me parvenait. Je cultivais l'espoir que tu montes me rejoindre… Même l'accident de moto que je t'ai causé ne t'a pas aidé à mourir.

 

-       Ah mais bravo ! Tu traites drôlement tes « enfants ». Enfin bref, je te rejoindrai bien si t'arrivais à expliquer aux pseudo artistes la différence entre ce qui vend et ce qui est bien ; pour le coup, certains méritent vraiment la mort. Je te filerai quelques noms…

 

-       Je n'ai plus le temps pour toi Dylan. Toi, tu as libéré les esprits des gens, tout comme Elvis a libéré leur corps. Il semblerait que tu ne veuilles pas prendre ma place de Seigneur, tu ne changeras pas, voilà pourquoi je t'aime ».

 

Bob Dylan s'alluma une cigarette, se détournant l'esprit de Dieu.

 

Qui d'autre a autant de talent ? Se demanda Dieu, dont les pensées flottèrent dans l'air lourd de cette année-là.

 

«  Lou est pas mal dans son genre, rétorqua Dylan un instant plus tard.

 

-       Il est vrai que Lou Reed n'y va pas par quatre chemins, contrairement à tes textes énigmatiques. Lou Reed... quel vicieux… Il clouera le bec à Satan et ranimera la flamme de mes pauvres brebis ».

 

Et surtout, il ne devrait pas être si expéditif lorsqu'on lui propose la place du Boss… pensa Dieu, en s'en allant retrouver Lou Reed, laissant Dylan pour seule compagnie sa solitude.

 

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