Bon surf à tous !

flolacanau

Surfer sur le web… Les boutonneux des origines, avant d'être millionnaires et de se la couler douce dans les paradis du monde, voulaient sans doute trouver une image cool pour bercer leurs heures passées entre quatre murs sous la lumière artificielle. Leur sable était sous les paupières à force de fixer les écrans. Ça se défend, après tout. Qu'est-ce que la réalité, sinon ce que l'on projette ? C'est en cela qu'elle est si personnelle et qu'on passe son temps à la frotter à celle des autres pour se conforter ou la renforcer.

Face aux vagues, aujourd'hui, rien n'est moins réel que le virtuel. Les grains ne sont pas numérisés, Ni le grondement ni le souffle ne proviennent d'un lecteur mp3 et point de calcul de processeur derrière la vague qui déferle. Je suis une pièce rapportée dans ce qui est. J'en mesure la chance simple sur cette longue langue de sable désertée par mes congénères. Un chien fou sans maître se lance dans de longs sprints, poursuit les oiseaux qui filent à faible altitude. Je me dis que s'il ne vient pas me renifler, je ferai partie du paysage, et sans doute, pour me donner raison, il ne me prête aucune attention.

Qu'il est bon d'échouer après une longue marche, de s'étendre, de fermer les yeux l'esprit débarrassé des angoisses et vicissitudes, ces petites crasses qui s'accumulent et ankylosent la pensée . Prendre une poignée de son temps à ne rien faire. Puis songer à Facebook, se dire que c'est une plage où l'on échoue aussi, entre les gens qui se la pètent et les gens pétés, entre les plaies qu'on expose et les muscles qu'on bande ; le savoir et se dire qu'on penche tantôt d'un côté, tantôt de l'autre soi-même, parce qu'on n'échappe à l'ogre qu'en s'éloignant de sa gueule. En sourire enfin, puisque tout cela, au fond n'est qu'une projection numérique et binaire de l'existence, inodore, insipide, un paravent parmi tant d'autres. Aujourd'hui, le soleil cuit ma peau, le vent me couvre et le sel baise mes lèvres. Il n'en faut pas plus à mon plaisir réel d'être face à l'océan.

Plus tard, assis, je rêvasse, je me perds dans cet horizon lointain où semblent se dissimuler tous les secrets du monde, aussi sûr que la terre est plate. Je scrute cet océan qui monte à mi-ciel, cette ligne infinie que personne ne trace, ce spectacle inédit qui se répète pourtant et que l'âge n'érode pas. L'océan est à la mer ce que le loup est au chien. Des abysses surgissent des mâchoires de monstres à l'écume rageuse ; des colosses qui consentent à échouer à vos pieds en bain moussant, sans perdre de leur superbe.

L'appel est fort vers le tumulte. Mon eau contenue contre celle qui déferle, cette beauté sauvage et puissante contre celle qui m'irrigue de vaisseaux en pompes. Il n'est pas encore temps de se sacrifier aux claques des vagues, mais l'envie est là.

Bon surf à tous !

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