Bouteille à la mer
kelen
J'emboîte les souvenirs, j'emboîte les caisses
J'amasse ce qui s'amarre à mes faiblesses
Ces ancres factices qui plombent les trajectoires
Quand l'encrier se vide dans ma mémoire.
Alors je mets en caisse et je classe
Pour couvrir le silence
Remplir le vide et les carences
Toujours contenir la casse.
Je stocke tout.
Les bribes d'avenir dans mes veines
Et les verres brisés dans mes poèmes
Pour quoi faire ?
Pour combler la profondeur des plaies
Pour arrêter de saigner
Pour panser la haine.
Je deviens une boîte.
Une boîte fermée à clé.
Verrouillée de l'intérieur
Rouillée de l'extérieur.
Bercée par les roulis de l'ascenseur.
Un coup en haut, un coup en bas
Des hauts le cœur
Et des coups bas.
Battue à mort, la boîte.
Cette boîte crânienne fracturée
Facturée au prix fort
Par le serrurier.
Et pourtant encore on me classe
Placée à la bonne place.
Puis déplacée, déclassée
En fonction de mes marques.
Et quand on est nulle part ?
Où on va ?
La boîte se fissure de tous côtés
Quand le cœur se décalque, dépossédé.
Une boîte ouverte, ça berce l'imaginaire
Ou parfois percute nos inventaires.
Alors le silence s'évanouit
Pour hurler à l'incendie
Les souvenirs s'embrasent
Les mots sortent de leurs cages
Comme des condamnés à mort
L'emphase devient ivre de son sort
Elle titube, dérive, se givre...
Paralysée, anesthésiée par son identité
Plurielle, elle s'enlise.
La réalité est transférée dans une bouteille.
Bouteille jetée à la mer
Portée par les lames de fond
Dans les éternelles abysses
De la Raison.
Il y a du rythme
· Il y a environ 11 ans ·Philippe Larue