Brocante.

J'aime bien chiner. Je tombe sur un exposant dont l'étale est vide comme un œuf.

-         Vous avez déjà tout vendu, il est à peine dix heures ?

-         Pas du tout, mais je ne crois pas avoir le droit d'exposer ma marchandise.

-         Vous vendez du shit ou de la beuh ?

-         Ni l'un, ni l'autre je suis collectionneur de monnaies.

-         De quelle époque ?

-         Contemporaine !

-         Pardon ?

-         Des euros, quoi !

-         Vous vendez notre monnaie, c'est interdit !

-         Je me disais bien, aussi.

-         Mais combien vous pouvez vendre une monnaie qui est courante et représente une valeur symbolique.

-         Cela dépend de l'année et de l'état du billet. Mais en général c'est moitié prix.

-         Si je vous prends cent euros, je vous les paye cinquante euro, alors ?

-         Oui !

-         Mais où est votre intérêt ?

-         Celui de me débarrasser de vieilles collections qui m'encombrent. Ça finit par prendre une place dingue.

-         Vous plaisantez ?

-         Pas le moins du Monde. Je voudrais recommencer une collection en dollars.

-         C'est certainement de la fausse monnaie.

-         Pas que je sache, maintenant, il y a tant de faussaires, que voulez-vous, les gens sont malhonnêtes.

-         Pourquoi ne pas les échanger contre des dollars directement dans un bureau de change, ça se fait, vous savez !

-         Evidement ! Ce serait la facilité, mais les collectionneurs ne procèdent pas ainsi, nous sommes des passionnés. Vous m'en prenez pour cinquante euros, alors ?

-         J'hésite ! je sens l'arnaque.

-         Ne m'insultez pas, monsieur, je suis un collectionneur honnête.

-         Et quel est le montant total de votre collection ?

-         Je ne sais pas exactement dans le demi-million, j'estime.

-         J'ai bien envie de vous prendre tout votre stock.

-         Faites, vous en avez le droit, mais je ne prends que du cash.

-         Gardez-moi votre collection, je passe à la banque et je reviens de suite avec un quart de million, ça vous va ?

-         Je vous laisse une heure, après, je distribue à 75 % de perte.

-         Vous êtes un drôle de bonhomme, vous ! je serai de retour bien avant avec la somme en liquide. J'espère que vous avez des bouteilles vides.

-         Ne vous inquiétez pas, je suis un pro.

Le temps de faire l'aller-retour à mon agence que l'original avait disparu, il ne restait que sa table vide et sa chaise. Je questionnais son voisin de stand.

Il n'est plus là,  le monsieur ?

-         Non ! Figurez-vous qu'une ambulance est venue le chercher, il devait être bien malade.

-         Ça me rassure, car je commençais à me demander s'il était bien dans son état  normal.

-         Le plus étrange, figurez-vous, c'est que les infirmiers l'aient laissé filer, après qu'il leur ait remis une valise.

Psycho : saviez-vous que lorsque l'on présente un jeton et une pièce de monnaie de même diamètre à des sujets, ils surévaluent toujours la taille de la pièce ?