Buddha Baise - concours Flamarion
Guillaume Vincent Simon
Synopsis : Maxence, une vingtaine d'année, jeune homme riche, méprisant et prétentieux, ne vouant un culte qu'à lui-même, à sa beauté, et à son pouvoir d'achat, reflet finalement de sa société, est réfugié par confort dans la sphère sociale qui l'a vu naître, et ne souhaite pas rencontrer d'autres personnes, préférant les rapport stériles de sa vie aux rencontres contraignantes.
Mais un jour, ou plutôt un soir, dans une boîte de nuit pour gens comme lui, il va tomber sur Louis.
Envoûté par ce nouveau et irrépressible fantasme, il va se laisser conduire dans une relation dont il ignore tout, l'amour. il verra son coeur se gonfler pour un autre, et petit à petit, s'interrogera sur les valeurs de sa vie, de son milieu, quitte à le saborder.
S'isoler pour mieux protéger son amour, s'isoler comme Buddha pour mieux comprendre cette nouvelle passion, s'isoler finalement pour ne pas imploser dans un milieu devenu anxiogène, Maxence va découvrir ce qu'est la réalité, quitte à se haïr et à le conduire à regretter ce qu'il était.
C'est finalement, loin de tout et de tous qu'il va réellement voir qui il est.
Début :
Bouddha baise
La réalité m'a quitté
Black out sur les réalités auxquelles j’étais habitué. Une sorte de raz de marée infernal s’est abattu brutalement sur mes repères.
Je me retrouve à penser à baiser avec un inconnu, du cul pour de cul, une philosophie un peu masochiste, qui me va pourtant si bien, se sentir bien en ayant fait un truc qui ne sert à rien, une sorte de pulsion libidinale qui sert de monnaie d’échange avec les pulsions de mort.
La pensée est mon pire ennemi, elle me vicie et me rend mauvais et détestable, elle n’a eut de cesse de m’enfermer et de me séquestrer dans cette cellule enfumée et obscène, mon cerveau. Perdre la réalité et du coup le seul petit pied sur terre que l’on avait eu tant de mal à avoir est horriblement douloureux. C’est une sorte de coup de couteau bâtard en plein dans le ventre. Un truc sordide et sans vraiment d’intérêt.
Mes fantasmes les plus fous se déchaînent et se refoulent les uns aux autres, ils sont comme ces bulles de champagne, insolentes et rebelles, indomptables sauf si on les supprime toutes.
Il faisait beau ce matin là, quand la réalité a semblé me quitter. Les arbres dansaient sensuellement, et le soleil cherchait entre les nuages sa place. Parfois les pensées se succèdent, et provoquent en vous une tempête infâme, qui va vous ruiner. Ce matin là, où tout a commencé, ce matin-là où j’ai quitté la réalité, n’était qu’en fait que le début de ce que j’allais voir, la réalité m’a quitté, et j’ai quitté tout le reste.
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Sa queue minuscule tapait sur mon épaule, la honte m’avait quitté, je ressentais du dégoût, de la répulsion pour lui et aussi pour moi. Le rapport a été inintéressant, stérile, le plaisir absent. Quand les mouvements lancinants et répugnant se sont rapprochés, j’ai espéré qu’il allait jouir, je ne pouvais même pas pleurer, mais j’en avais terriblement envie, alors j’ai fermé les yeux, et j’ai pensé à avant, avant que le réalité ne m’ait quitté.
La graisse de son ventre flasque courrait du même mouvement que son bassin, je m’étais réduis à rendre le plaisir que chaque personne pouvait espérer avoir. La sueur perlait indifférente à mes regrets et mouillait l’atmosphère d’une odeur de musc âpre - tout comme les images qui défilaient dans mes yeux fermés - celles d’avant, d’un jeune homme souriant et brillant. La laideur a bien un goût.
Les corps qui s’épanchent sans s’aimer, le sexe n’a pas de sentiments. Se détruire en s’enfonçant dans une spirale où l’on se cache loin, où l’on se cache souvent derrière sa propre image.
Ses petites dents ridicules et jaunes se crispèrent alors, mes yeux baignaient dans la conjonctivite et les larmes maquillées se refermèrent, son corps flasque et imposant se raidit autant qu’il puisse, je pensais à la mer, à mes amis et aux rires auxquels nous étions habitués, lointains souvenirs qui m’étaient encore chers.
Il se releva, en me serrant très fort contre ses cuisses mouillées de sueur et de la graisse qui exultait de ses pores, en brandissant sa queue contre mon torse chétif, et lâcha tout ce que ses couilles pouvaient compter de sperme, je fermai les yeux et pensais à ces jours d’été si lointains…j’ai essayé de me retenir de pleurer, et son sourire en disait long - immonde, il était horrible, et je n’avais pas voulu le regarder avant ce rapport, quelque part ce n’était plus moi quand je me suis mis à genoux, et je suis partis le temps de faire ce pourquoi il était venu. Gros, quasiment plus de cheveux, des petits yeux teigneux et graveleux, ce mec puait le perversité et le cul. Oui et pourtant c’était moi, le même qu’il y a un an, le même que celui qui me hante parfois, mais que j’avais tant voulu quitter. Je ne sais même pas pourquoi je ne me suis pas sentis sale, avec tout le dégoût que j’avais pour ce type. Je n’ai plus voulu parler, ma gorge s’était nouée, et mes yeux semblaient ne plus vouloir voir ce moment.
L’amour n’a pas de prix, le cul si.
Une vie dans un verre de lait.
Et le matin suivant, je me suis traîné, je ne savais plus vraiment qui j’étais, j’avais cet acquis certain, une brillance ternie par de nombreux doutes, et par d’énormes erreurs. J’étais celui qui n’était plus, une sorte de fantôme qui traînait dans un corps hanté. Je m’aimais, j’ai appris à m’aimer dans toutes les circonstances, même les plus honteuses. J’avais alors décidé de quitter toutes attaches, de laisser aller toutes mes amitiés, comme ces hommes qui pour leur foi quittent leur vie. Moi ce fut pour fuir une secte, un groupuscule à la fois connu, mais dont les mœurs sont inconnus, j’ai voulu éviter de crever, comme tant de gens qui se sont crus heureux et aimé et qui sont morts seuls, et oubliés. J’avais tout quitté, tous ceux à qui je tenais - table rase du passé - mes choses et mes souvenirs sont ce qui me reste.
Ils étaient vieux, laids et terriblement pervers, je les avais rencontré au Carrousel du Louvre. Ce jour là, je devais rencontrer deux types chez eux, j’y suis allé, deux vieux complices gluants et quasiment incestueux, la vieillesse me débecte, celle-ci, j’avais 25 ans, ils devaient en avoir 65, ignobles, j’étais presque obligé, à genoux toujours, un serviteur du vice, à se faire baiser en fermant les yeux, en retenant ses larmes, en pensant à sa vie d’avant, à la misère d’aujourd’hui, à sucer en se retenant de vomir de dégoût et de honte, en doutant de soi encore. La beauté s’achète aujourd’hui, comme tout d’ailleurs. Leurs queues se raidirent, moi j’oubliai l’ignoble acte que j’accomplissais, je me devais d’assumer, comme un pêcheur sa flagellation, moi je me devais de me rabaisser autant, à souffrir de la plus pure abnégation et du plus pur oublis de soi-même, tout ça pour de l’argent, pour l’argent, dont je n’avais pas besoin.
L’argent a été ma pire rencontre.
On est au mois de novembre - la nature ne perd jamais ses repaires - et les arbres deviennent rouilles face aux faveurs de l’hiver qui leurs promet un si beau repos. Il fait gris, comme ce que je vois,
Ma douche me pique la peau, infimes aiguilles, et je n’ai plus de but, mon sacerdoce m’avait eus, par dépit j’ai commencé à aimer ça. Je suis paumé, je n‘ai que faire de mon existence, alors j‘ai décidé d‘en finir. Comme un enfant je vais m’endormir, mais ma mère ne viendra jamais plus me réveiller.
0- La réalité m’a quitté.
Oui, je suis le maître, nous le sommes tous, ceux de demain, comme ça, vautré dans la penche de la facilité et du luxe.
Le ciel est bleu, il n’y a pas un nuage pour gâcher ce moment fabuleux, la sueur rebelle perle sensuellement sur mon torse étendu suavement sur la plage déserte. Oui, je suis le maître, j’ai l’impression d’avoir réussi à dominer le monde.
La mer, immensité bleue et bénit, coin de paradis sur terre, pas encore envahie par les autres.
On est là, entre nous entre semblable, tous beaux, riches, plein d’avenir, en train de cuver les excès que seule notre classe peut encore se permettre de faire. Aucun souci à l’horizon, je vais fermer les yeux et rêver, oui, rêvasser à d’autres choses encore plus merveilleuses.
Le soleil brûle les nuages. L’eau dissout les rancœurs, et nous sommes là, nous l’élite, à ne rien faire, j’aime cette putain de vie, comme ça, un monde scindé en plusieurs classes bien dociles, à qui on a réussit à faire croire que les choses sont telles qu’elles sont, et que le commun des mortels, que nous ne sommes pas, n’y peut rien.