Bureau 1245

afk

Le tout était de savoir doser la demande. Ne pas éveiller les soupçons. Finasser pour obtenir le maximum sans en avoir l’air et surtout, sans s’énerver.  Savoir simplement être femme. Tout un art.

Paulette referme le tube de rouge tout en s’observant dans le miroir des toilettes pour dame, au septième. Quelques regards de profil, un petit geste pour remonter le balconnet sous le chemisier échancré, un sourire complice à son double, puis un demi tour vif et rieur vers la sortie.

Au douzième, au fond du couloir, apparait la porte 1245, bureau du chef de section, le dénommé Mr Arnaud. Ce cher Monsieur Arnaud… la cinquantaine hésitante, plus aussi sage, pas encore trop décidé à sauter le pas, le genre d’hommes faciles à embobiner, pour peu que l’on sache les comprendre, de ceux qui se questionnent sur leur sex appeal, la faute à  leur « moitié » qui a depuis quelques temps des velléités d’indépendance ou un manque chronique de libido.

Le genre d’hommes qu’il ne faut surtout pas hésiter à tenter, en y mettant les formes, bien sûr.  Aucun risque de passage à l’acte, surtout de la part d’un supérieur hiérarchique. A peine  osera-t-il laisser son regard dériver autour de la zone sensible, et probablement même sans s’en apercevoir. Mission facile et sans danger.  Tout juste faudra t’il  affronter son malaise au cours des prochaines semaines si par hasard on venait à le croiser dans l’ascenseur, le balconnet dressé à hauteur de son regard apeuré.

Trois coups secs frappés à la porte, Paulette rajuste sa jupe sur ses hanches et remonte discrètement sa poitrine d’une main experte. « Entrez ! ». La porte 1245 se referme tout juste que Mr Arnaud est déjà debout, contournant son bureau et  glissant pour elle la chaise qu’il la prie de prendre.

Une petite demie heure plus tard, la porte 1245 s’ouvre de nouveau. « Et bien c’est entendu, vous pouvez prendre cette semaine de vacances avant l’été, je compte sur vous pour ne pas trop ébruiter cette petite… faveur ». Une poignée de mains très professionnelle, un sourire reconnaissant sur le visage de Paulette qui fait mine de ne pas voir l’émoi de tentation immorale qui habite Mr Arnaud devant le petit bout de dentelle noire qui pointe sous le chemisier.

Paulette passe sa main sur  sa peau, à hauteur de dentelle, innocente vestale d’un feu à jamais consumé. Un dernier mot. « Encore merci ». 

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