Cache-Cache
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Peter finissait de compter, le front plaqué contre l'écorce d'un chêne.
- 17...18...19... fredonnait-il, aveuglé par le tronc immense.
On eût dit qu'il était puni. Il lui était interdit de voir où allait se fondre Wendy. Cependant, cette punition (celle de l'ignorance) attisait un délicat pouvoir : celui du désir. La curiosité passait par cette posture de soumission au manque.
Les deux gamins n'avaient que neuf ans, mais il y avait dans leur jeu de hautes aspirations : celles de trouver, de savoir.
Peter finit de compter. À cent, on avait le droit de chercher. Wendy se terrait sans bruit dans le large creux formé par la souche d'un saule. Depuis cet Olympe, elle savourait avec ravissement ce que lui conférait sa science : immobile, elle entendait les pas lents de Peter qui passait près d'elle sans la deviner. Elle savait où se trouvait Peter. Elle avait un temps d'avance, cent même, comme une mère contemplant son nourrisson.
Wendy était un secret pour Peter qui parcourait le bosquet avec avidité.
Pourtant, installée dans cette omniscience, elle s'en lassa après plusieurs minutes. Parfois, pour donner quelques indices sur sa cachette, elle s'amusait à pousser de petits cris, grisée par un sentiment mêlé d'audace et de vanité.
De son côté, la quête nourrissait toute la volonté de Peter. Il tentait de lire les traces laissées par les chaussures de Wendy, que les feuilles recouvraient çà et là par la main hasardeuse du vent automnal.
S'il était Wendy, où aurait-il été se cacher ?
En ce bref questionnement se trouvait l'illusion qu'il pouvait renier son ingénuité et épouser la place du trésor. Cette chimère portait les jambes de Peter et les tournait dans toutes les directions comme une boussole. Mais dans le jeu du cache-cache, on ne devient un secret à son tour que lorsqu'on a dénudé la Nature pour y percevoir son invisible et humaine intimité.
Bien vite, Peter s'essouffla. Son infructueuse exploration le poussa à renoncer. Wendy, entendant le bruissement de ses semelles s'éloigner, piaffa avec force. Quoiqu'elle respectât la règle du jeu, s'interdisant la facilité de la révélation, elle possédait une telle envie d'être trouvée qu'elle tendait entre eux un fil d'Ariane que Peter n'avait qu'à saisir.
Or, Peter le dédaigna. Vexé par l'échec, il avait préféré abandonner. Il sortit du bosquet, renonçant à tout mystère et demeurant candide et blanc.
Wendy devina qu'il était loin, désormais. Elle sortit de son nid et courut dans sa direction, les yeux emplis de larmes.
- Pourquoi t'es pas venu me chercher ? Si tu savais pas, il fallait le dire... Je serais sortie, sanglota Wendy.
- J'avais plus envie de jouer, répliqua Peter avec placidité, refusant de reconnaître son impéritie.
En lui-même, il la jalousait d'avoir trouvé une cachette si parfaite. Il se mordait les lèvres pour ne pas lui demander où elle avait disparu, dissoute dans l'harmonie de la Nature. Mais demain, ce serait à son tour. Alors, il ferait mieux que cette nymphe. Demain, il serait Pan.