Cadeaux d'anniversaire !

Yvon Bouëtté

La vie de famille

Cadeaux d'anniversaire.

Version courte.


Nous sommes en l'an de grâce 2040 ! Enfin quand j'écris de grâce, ce n'est hélas pas pour le commun des mortels, c'est à dire vous et bien sûr moi !

Le capitalisme sauvage règne en maître, les gouvernements successifs, de gauche, de droite, puis d'extrême-droite dansent allégrement sur les cendres des régimes de santé et des retraites.

Nous savons tous que "La santé n'a pas de prix", mais pour certains cela rapporte gros, voire très gros. Pour d'autres, et déjà en début de ce siècle une publicité le disait : "Cela coûte un bras", maintenant ce serait plutôt les deux, alors, scène de la vie courante :

un homme qui ne sentant pas venir sa mort prochaine fit malgré tout venir ses enfants, ses petits-enfants, le ban et l'arrière ban de sa famille et leur tint ce langage :

J'aimerais, car l'avenir est incertain, et que j'avance en âge, vous faire une requête !
Je vais en effet fêter mes soixante ans et ma santé décline un peu malgré ma bonne mine apparente.

Je sais, croyez-le bien, que je vais vous demander un grand sacrifice, et vous m'en voyez désolé ! Mon souhait le plus cher, le plus utile, mais aussi, et je le sais très bien, est le plus onéreux. C'est dans ce but que j'aimerais que vous vous cotisiez, que cela ne soit pas une dépense pharaonique pour chacun d'entre vous ! Solennellement, presque au bord des larmes, j'aimerais pour ce grand jour qui approche que vous m'offriez, le paquet cadeau de l'U.M.P. * :

Celui le plus utilisé par les hommes de mon âge :

- "Le forfait : Options pour opérations, cataracte & prostate".
* Union des Mutuelles Picsou's. 
Yvon Bouëtté



Cadeaux d'anniversaire.

Version longue.


Nous sommes en l'an de grâce 2040 ! Enfin, quand j'écris de « grâce », ce n'est hélas pas pour le commun des mortels !

Le capitalisme sauvage règne en maître, les gouvernements successifs, de gauche, de droite puis d'extrême-droite dansent allégrement sur les cendres des régimes de santé et des retraites.

Nous savons tous que "La santé n'a pas de prix", mais pour certains cela rapporte gros, voire très gros. Pour d'autres, et ça ne date pas d'aujourd'hui ! Déjà au début du siècle une publicité annonçait : "Cela" coûte un bras".
De nos jours ce serait plutôt les deux. Alors imaginons la scène suivante : est-ce bien le fruit de notre imagination ?

Ou alors ce ne sont que les prémices des réunions de famille à venir ?

Nous sommes dans la grande pièce d'une maison cossue, où l'on devine une aisance certaine, quoiqu'un peu compassée ! Pour ne pas dire appartenant à un passé qui fut glorieux.

Observons ce qui pourrait devenir une scène de la vie courante :

Un homme qui, ne sentant pas venir sa mort prochaine, fit malgré tout venir ses enfants, ses petits-enfants, le ban et l'arrière ban de sa famille et leur tint ce langage :

"J'aimerais vous faire une requête ! Car mon avenir est incertain, et j'avance en âge, je vais fêter mes soixante ans, ma santé décline un peu, malgré ma bonne mine apparente ".

L'auditoire retient son souffle, ils connaissent le gaillard, et s'attendent à tout et son contraire, bref un peu à n'importe quoi !

Les frasques du bonhomme, tout le monde a déjà donné, et a surtout beaucoup perdu.

Mais là, il semble que le vieux veuille porter un coup là où ça fait mal ! Très mal !

Un crève-cœur, une forfaiture, un acte insensé, faites-le taire, pense une partie de l'assemblée...euphémisme, une très grande partie des gens présents !

Touche pas à mes sous !

"Je sais, croyez-le bien que je vais vous demander un grand sacrifice, et vous m'en voyez désolé !

Mon souhait le plus cher est le plus utile. Hélas, il est aussi le plus onéreux. C'est dans ce but que j'aimerais que vous vous cotisiez pour ce qui sera peut-être le dernier présent que vous m'offrirez ".

Un silence lourd de sous-entendus s'abat dans la pièce.

La famille est interloquée, des regards en biais se croisent subrepticement, les hommes haussent des paupières, certains craignent pour sa santé mentale...quid de leur père ou de leur grand-père ! Son épouse, très droite, comme empesée dans sa plus belle tenue, elle-même semble désemparée, que diable a t-il encore inventé ? Au cours de sa vie, il a brassé des millions...qu'il a bien vite perdus ! Il a joué à tout et dilapidé sa fortune. Les chevaux, les cartes et la bourse, on le soupçonne d'avoir entretenu pendant de longues années une maîtresse dépensière ! Alors venir demander des subsides maintenant est pour le moins incongru.

De légers bruits de chaises se font entendre, des toux discrètes et raclements de gorges

marquent ce que l'on pourrait interpréter comme un désaveu à venir.

Ou une angoisse grandissante !

Solennellement presque au bord des larmes, le patriarche termine son discours.

"J'aimerais pour ce grand jour qui approche que vous m'offriez le paquet cadeau de

l'U.M.P. * :

(* Union des Mutuelles Picsou's. )

Celui le plus utilisé par les hommes de mon âge :

- "Le forfait : Options pour opérations, cataracte & prostate".
***

À peine quelques mois plus tard le patriarche s'en est allé !

Aveugle et rongé par un cancer. Son agonie qui se déroula dans l'indifférence générale fut douloureuse. Sa famille avait refusé le contrat de cette société d'assurance privée ! Trop cher, fut l'avis de la majorité des personnes impliquées.

Chacun en effet voyait ses propres intérêts !

Était-il déjà au courant de sa maladie lorsqu'il proposa cet arrangement, c'est fort probable et bien dans son caractère ? Ce fut certainement pour lui un test édifiant mais qui ne le surprit pas outre mesure !

L'enterrement fut des plus simples pour ne pas dire des plus misérables, personne ne songea à rendre un dernier hommage à ce parent disparu,

Mais il leur réservait une dernière désillusion posthume !

La fratrie au grand complet fut convoquée chez le notaire de la famille, vieux bonhomme tout ridé et ami de longue date du défunt. Le cadre était solennel, l'ambiance feutrée comme il sied à ce genre de cérémonie, mais certains sourires en disaient long, les yeux brillaient d'avidité. Une étrange jeune femme toute de noir vêtue, dissimulée derrière une épaisse voilette, dénotait dans l'assistance. L'homme de loi se gardait bien de la présenter, mais il la traitait avec une certaine déférence. Les membres de la sainte famille exprimaient sans retenue leur dédain la scrutant de leur regard méprisant.

La brève lecture de ce testament jeta un froid glacial !

Dans ses dernières volontés, le défunt ne léguait que le minimum légal à sa famille. La stupéfaction était à son comble, ce qui suivit la fit encore grimper d'un cran.

La plus grande part du reste revenait à Mlle Maryse Z ,en particulier la jouissance de l'immeuble, ce qui obligea l'épouse du défunt et une partie de sa progéniture à quitter les lieux sans délai !

Mademoiselle Z était une ancienne domestique congédiée suite à de fausses accusations du fils aîné dont elle avait sèchement repoussé les avances.

Elle s'avéra aussi être la fille illégitime du défunt qui l'avait toujours soutenue.

Dernière facétie du vieil homme, il légua une grosse somme à la S.P.A. de la ville, pour, expliqua-t-il dans une clause de son testament, se venger de son acariâtre épouse qui toute sa vie durant lui avait refusé d'avoir un chat ou un quelconque animal de compagnie !

Yvon Bouëtté.

D'après une réflexion de mon frère Patrick.

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