Campagne

Hervé Lénervé

Les ancrages affectifs.

Bien que né dans une grande ville, Paris, made in France, je suis devenu un campagnard dans l'âme.

J'aime la nature simple des gens des champs. J'aime leur franc parlé, loin des simagrées linguistiques des citadins. J'aime la Nature vraie des grandes étendues vierges, non, plus vierges, déflorées aujourd'hui, transformées en réserve de nourritures pour les êtres humains. J'aime cette idée que ce sont, ces gens-là, agriculteurs et éleveurs, qui nourrissent la planète-hommes.

Le quotidien d'un petit village de France.

Le soleil au Zénith pique la ferme des Patron dans son vallon, comme un entomologiste épingle un papillon sur un bouchon. Presque tous les gaillards sont rentrés des champs, les gaillardes ont préparé le déjeuner.

Les poules dans la cour, courent en tous sens devant les roues de la 4L des gendarmes, Roger, le grand maigre et Robert, le petit gros.

-         Bonjour, père Patron ! Excuse-nous d'arriver à l'heure de l'apéro, dit le petit gros, mais une affaire d'importance nous amène !

-         Rentrez donc, les gars, vous prendrez bien un canon ?

-         Ma foi ! Pas de refus, par cette chaleur ! dit le grand échalas, alors qu'il ne fait que quinze degrés Celsius.

Les deux gendarmes entrent dans la cuisine de la ferme, la seule pièce commune à la tribu. Ils se décoiffent de leurs képis et se recoiffent leurs cheveux absents, puis ils prennent place sur des chaises paillées, mais dépareillées.

-         Vous allez m'en dire des nouvelles, les gars, ma production de l'année dernière.

A peine servi, déjà évaporé, toujours à cause de cette chaleur de quinze degrés d'alcool.

-         Il est fameux ton petit ratafia ! Il coule tout seul !

Ah, les subtilités de la campagne ! Traduction, j'en reprendrais bien un deuxième, pour le moins. Et on se resserre !

-         Alors, les gars ! Qu'est-ce qui vous amène parmi nous, vindiou ?

-         Merde ! C'est vrai ! On a failli oublier. On vient pour une mauvaise nouvelle !

-         Dis, mon gars !

-         Ton grand, il a eu un accident sur-le-champ, dans le champ de la Renarde.

-         Raymonde ! viens voir, ton Marcel a encore fait des siennes !

La mère arrive en s'essuyant les mains sur son tablier, elle aborde un large sourire en voyant les deux compères.

-         Alors, les gars, vous en avez arrêté des voleurs de patates.

-         Tudieu ! Ma fois, non ! Répond, le petit obèse.

-         Et mon Marcel, il est où à c't'heure ?

-         A la morgue d'Auxerre ! Répond, le grand escogriffe !

-         Pardieu ! Qu'est-ce qu'y fout là-bas, ce grand abruti ?

-         Ben, il est mort, en fait ! Donc il a l'droit ! Toujours à cheval sur le règlement, le grand Don Quichotte !

Silence… Il faut que l'information circule dans les veines.

-         J'vous resserre un coup les gars ?

-         Pas d'refus père Patron ! C'est du bon.

-         Et au fait ! Comment c'est arrivé, mildiou !

-         Oh un accident bête ! Il s'est pendu sur la sente des Brûlés, au grand noyer, pour plus de sécurité.

Je vous le disais, les gens parlent  vrai, ici ! Pas de chichi, pas de sensiblerie déplacée. On est dans l'authentique, pardieu !

Mais laissons à ce petit village vivre tranquille sa vie paisible, nous serions, nous-même, déplacés à insister lourdement. De toute façon, je crois que la bouteille était vide et il est temps de revenir à nos mégalopoles sophistiquées et artificielles.

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