Canard pluche
Jean Claude Blanc
Canard pluche
Je me souviens jadis, dans les rues, les cités
Des gosses à casquettes, petits rusés gavroches
Vendaient à la sauvette, feuilles de choux imprimées
Ce temps est révolu, branché à la téloche
Mais elle-même dépassée, jamais progrès s'arrête
Les infos, on les chope, sur magique internet
Il suffit de cliquer et s'ouvre la fenêtre
Y sont accumulés, pêle-mêle faits divers
Sans ordre d'importance, digestes ou indigestes
Finissent à la poubelle, d'un geste, on les jette
La communication, c'est un circuit d'idées
Exprimer au micro, points de vue, particuliers
Mais c'est à sens unique, que nous sont imposés
Images et commentaires, souvent rafistolés
La télé de Tchernia, de Sabbagh, Lazareff
Effacée de l'écran, pour intermèdes brefs
Chacun fait son marché, selon ses préférences
Des heures de jeux débiles, le reste sans consistance
Ma passion favorite, ma série coqueluche
Passe à 20 heures pétante, dans le style canard pluche
Gueule de poivrot d'abord, marionnette du pouvoir
Décor de tribune libre, en clair, dérisoire
Ambiance douce-amère, acteurs illusoires
Toujours un invité, qui sert de punchingball
A ces messieurs loyaux, marionnettistes d'un soir
Le téléspectateur, emballé par ce rôle
Applaudit à tout rompre, quand guignol se fait battre
Théâtre à domicile, on mime la tragédie
Mais ça fait plus d'effet, en jouant la comédie
Cette façon de plaider, nous rappelle l'Assemblée
Mais méfiez-vous, mateurs, ça pue la grossièreté
Les bobos d'audimat, aberrantes leurs manies
Poussent un peu le bouchon, si bien qu'on ne rit plus
C'est du à toi, à moi, qui fera le mieux le pitre
Pas besoin de générique, c'est marqué dans le titre
Mais c'est d'un rire crispé, qu'on se tape sur le cul
A l'heure du souper, en guise de délassement
On clique sur la manette, bouton de la détente
Dandies, bien propres sur eux, subtilité, néant
Reporters aux frontières, d'un studio luxuriant
S'en racontent de drôles, le public est content
En a pour son argent, abonné complaisant
Les hommes politiques, naturellement visés
Des cibles idéales, pour démagos zélés
La déontologie, où donc, elle est passée
Journalistes, pigistes, sont plus poils à gratter
Mais des stars impayables, pour nous entourlouper
Seigneurs de l'audimat, pour eux, unique mission
Surtout garder l'antenne, flairer les cornichons
Chaque seconde compte, pour s'emplir de pognon
Sans se salir les pognes, gagnent considération
Nous sont servis en kit, les faits de la journée
Facile et pratique, que de les consommer
Un clip sur le foot, un clic de météo
Se le repasse en boucle, notre cerveau d'oiseau
Parler de choses graves, avec humour, OK
A condition, bien sûr, juste s'en divertir
Desproges, Coluche, Devos, recette toute indiquée
Faut moquer la bêtise, pour nous en prémunir
Présentateur vedette, joue plus le rôle d'arbitre
Endosse le costume, de l'authentique artiste
Avec moins de talent, car ce n'est pas son job
Le mélange des genres, est devenu un dogme
Dépité, je le suis, à 20 heures canard pluche
Comme abeilles besogneuses, bourdonnent dans leur ruche
2 ou 3 fiers lanciers, cuisinent leur dindon
Le passe sur le grill, avec quelques marrons
La télé se dédouane, de la réalité
Suffit d'ouvrir sa gueule, pour connaitre le succès
Tant pis, si rien n'est vrai, on fait comme au ciné
On se refait le film, idiots plus que parfait
Drôles de libertaires, ces guignols enragés
Trop bien commissionnés, évitent de s'engager
Comment pas regretter, les gros titres affichés
Encre noire sur fond blanc, vendus à la criée
Ces gosses faméliques, qui viennent solliciter
Le passant oublieux, de toute humanité
Economie de paperasse, disparaissent les journaux
Et même la télé, les programmes pour nigauds
Par chance, y'a internet, pour les fans de Mac Do
Pas cher à avaler, et briffé aussitôt
Des émissions bien faites, y'en a, mais elles sont rares
Sur les chaines culturelles, on passe sans les voir
La plupart sont tard, quand on est au plumard
Le péquin qui se lève tôt pour aller bosser
Se suffit de rêver, demain il fera beau
Lui faut un fond sonore avant de roupiller
Paillettes et variétés, lui servent de météo JC Blanc décembre 2014 (télé spectacle)