Capharnaüm partie 4
-nicole-
Ma maman, fière et poète, mais surtout espagnole, m'a donné un nom magnifique : sur mes papiers il est écrit Luce en premier prénom, elle souhaitait me nommer Luz mais l'officier d'Etat Civil ne l'a pas accepté - c'était ignare ou un xénophobe - mais ça n'a pas eu d'importance car, grâce à son accent, celui de Maman, la prononciation était la même. Luz, Lumière, c'est ainsi que je m'appelle, c'est ainsi que je voudrais me définir, je me dois d'éclairer la vie de ceux qui m'entourent, c'est mon combat. Si je peux être au moins la luciole qui enchante les soirées d'été et dépose de la magie au fond des cœurs, ça me convient. Je n'ai pas la prétention d'être une étoile, juste un petit rayon, un halo, une auréole de clarté, c'est comme ça que je voudrais être… et là, j'ai été avalée par des ténèbres tellement profondes, tellement épaisses que j'ai l'impression de me noyer. J'ai peur d'être vaincue par ce que je voulais combattre. Mon nom est l'absolu opposé de ce qui m'absorbe, c'est l'arme qui l'anéantit, et pourtant, je me sens impuissante, comme si personne ne se souvenait de mon existence, comme si je n'avais jamais existé.
Mais quelle ironie de me trouver dans ce noir si profond, moi, lumignon désigné de naissance ! L'horreur de la situation commence à me saisir. Combien de temps s'est-il passé dans le monde depuis que mon corps a cessé de m'obéir ? Trois heures ? Six mois ? Dix ans ? La vilaine idée fétide, celle que j'enfermais de toutes mes forces au fond de mon esprit, refait surface brutalement et se met à se répandre, lançant des tentacules tout autour de moi, partant du centre elles m'enlacent, m'entourent, m'emprisonnent et m'étouffent : oh mon Dieu ! Ayez pitié de moi ! Je suis morte et mon âme se dissout… je crois.
Le nouveau-né qui occupait la chambre de Tano, se peut-il que ce soit son enfant ? Ou son petit enfant ? Ou… non, il n'a pas pu s'écouler tant de vie depuis que je suis piégée à contre-instant dans l'espace parallèle, depuis que j'erre à contre-pied au milieu de mes murs et que mes yeux clignent à contre-lumière. Toujours est-il que quelqu'un a effacé mes traces dans ma maison et que, depuis, le monde m'échappe – à moins que ce soit moi qui m'échappe du monde. Je ne veux pas m'échapper ! Je ne veux pas partir, j'ai tant de choses à faire encore, tant de choses à dire à mon fils, tant de choses à peindre, écrire, chanter, tant de choses à ranger, trier, jeter – non pas jeter ! si ces choses disparaissent, je disparaitrai avec elles.
Luz reprends-toi ! Rallume ton esprit, mets en marche ton intelligence, il doit y avoir un moyen. Mon corps est dormort mais moi, je vis encore, il est où, d'ailleurs, celui-là ? Ne devrait-il pas exister un lien puissant qui devrait me permettre de ne pas le perdre ? Ce n'est tout de même pas un manteau que l'on dépose au vestiaire pour être plus à l'aise… c'est le berceau, le vaisseau, le rempart de mon âme alors… Bon, d'accord, il m'est arrivé tellement souvent de le maudire, de le détester, je l'ai affamé jusqu'à en faire un sac d'os errant aux portes de la mort, je l'ai tailladé, brûlé, j'ai enfumé ses poumons, empoisonné ses veines avec des torrents d'alcool pour assommer son cerveau, je me suis vengée sur lui de toutes les trahisons, insultes, douleurs, blessures, morsures, agressions, de tous les mensonges, crachats, coups, viols que l'on m'a infligé depuis les premiers jours, depuis que le « Bon Dieu » m'a privée de mon père, déjà absent avant même de mourir, de ma mère, tellement faible avant même d'être malade et qu'il m'a livrée aux bêtes humaines sans filet de protection, sans armure et sans arme.
Luz ! Petite lampe-tempête, tu as su te relever, tu as cru au mariage et tu t'es trompée mais tu as su lutter assez pour donner la vie et l'amour le plus grand qui puisse exister malgré tout ! Tu as pu donner plus que tu n'as reçu, tu es capable ! Tu peux rallumer l'espoir…
Je dois retrouver le carrousel.
Un cheminent complexe...
· Il y a presque 5 ans ·marielesmots
Trop complexe ? J'ai du mal en ce moment...
· Il y a presque 5 ans ·-nicole-
une de nos filles s'appelle Lucie...C'est souvent au coeur des moments sombres qu'elle nous apporte la joie ; alors quand elle est triste on essaie de la réchauffer ! bonne nuit et courage !
· Il y a presque 5 ans ·Gabriel Meunier
Merci Gabriel ! Ce texte me demande plus de travail que d'habitude... Il sort vite mais doit être retravaillé, beaucoup...
· Il y a presque 5 ans ·-nicole-