Caro
nuances
Caroline. Si seulement tu savais combien j'attendais ta visite. Le seul fait de penser à tes petits doigts blancs me soulève dans un océan de désir couleur pavot. Je ne vois que cette main qui s'égare, mais je sais que c'est toi. Tu es aussi parfaite que je t'ai voulue. Avec ton sourire narquois quand tu te penches au-dessus de moi, tes cheveux bouclés en cascade qui viennent s'échouer sur mon torse comme une vague qui vient et se retire, ne laissant derrière elle qu'une gerbe d'écume délicate et légère : quelques perles de sueurs que tu sèches déjà d'un revers de la main. Reviens.
Il fait si chaud entre mes bras et pourtant tu ne dis rien, et tellement plus chaud encore entre mes cuisses. C'est un feu magique que ton nom seul attise et que personne d'autre ne saurait jamais apaiser.
Déjà, pourtant, tu ne danses plus, et refuses de sourire. Et ton rire cristallin n'atteint plus mes oreilles. Visiteuse nocturne tu t'effaces sans un mot. Où est ta pitié quand tu quittes mon lit avant même que le jour ne se pose, quand tu me laisses m'éveiller seul épuisé et repus de tes caresses et pourtant déjà affamé, mordu de tes lèvres et fou du blanc laiteux de tes seins, de la chute de tes reins ?
Caro. C'est un râle qui m'échappe au réveil, le cri sourd, étouffé, d'un noyé repêché par erreur. Et je me sens me raidir au contact impalpable du souvenir de ta présence, de cette courte visite, encore.
La machine à écrire me toise du haut de ses touches coupables, et les feuilles noircies d'encre m'arrachent à ton fantôme. Tout est là, tout y tient, comme un rêve qui me hante.
Les pages ont le grain de ta peau.
Les pages sont le grain de ta peau imprimée. L'encre leur donne le mince relief d'une myriade de grains de beauté, et des taches de rousseur sur tes pommettes relevées rehaussent l'éclat de ton front rieur.
Et je meurs d'envie contenue de ne pouvoir te toucher.