Ces gens qui ne disent jamais bonjour!

Aurélia Demarlier

Les gens sont-ils sourds ou malpolis ? Ils ne répondent jamais à mes « bonjour ».

S’ils ne sont pas malpolis, alors il faut conclure qu’une épidémie de surdité est en train de frapper la population. Le problème est grave. Il serait temps d’alerter les autorités, qu’on organise des tests de dépistage et, pourquoi pas, qu’on commence à enseigner le langage des signes dans les écoles. Car le fléau gagne du terrain. Il y a quelques années encore, je glanais des « bonjour » sans trop de difficultés. A l’heure actuelle, un promeneur sur deux garde les lèvres serrées. La moitié de la population aurait-elle l’ouïe défaillante ?

Il est toujours difficile de savoir comment réagir lorsque, après avoir prononcé un bonjour au prix d’un effort surhumain, vous récoltez… un grand vide ! Personnellement, j’ai la fâcheuse manie de punir le passant suivant – qui n’est pourtant pas forcément aussi malpoli (sourd ?) que le précédent. Le pauvre ! il cherche sur mes lèvres, dans mon regard, un signe chaleureux l’autorisant à m’adresser son bonjour – ou il ne cherche pas, je ne saurais le dire puisque je garde les yeux rivés au sol, prenant exemple sur le précédent passant – et je lui offre la plus parfaite indifférence. L’impolitesse serait-elle contagieuse ? Les impolis que l’on rencontre ne seraient-ils que des « désenchantés du bonjour » qui après avoir croisé trop de sourds sur leur chemin, ont décidé de leur rendre la pareille ? Et tant pis si, à l’occasion, quelqu’un leur adresse un inattendu bonjour ! ils ne vont pas rompre leur vœu de silence pour autant. L’impolitesse ne privilégie personne.

Il existe différents façons de « soigner » un passant sourd (malpoli ?).

Je les ai testées pour vous :

1) Réitérer son bonjour. Résultat : Si le passant est sourd, cela lui permet enfin de vous entendre et de vous saluer à son tour. Si le passant est malpoli, l’effet peut aussi être miraculeux car les impolis n’aiment pas qu’on pointe leur impolitesse du doigt. Il se peut que votre second bonjour rencontre un écho, l’impoli cherchant à démentir son impolitesse et à vous faire croire que vous n’aviez pas parlé suffisamment fort la première fois. Malheureusement, certains impolis aiment feindre la totale surdité. Inutile donc d’insister avec ceux-là car plus vous crierez BOON-JOUURRR !! plus ils presseront le pas et c’est vous qui passerez pour l’impoli.

2) Interpeller l’impoli/sourd avec un autre mot que « bonjour ! » puisque ce mot-là semble susciter en lui autant de réaction que le nombre de fourmis écrasées sous sa chaussure. « Ça vous tuerait de me répondre ? » « Vous avez été éduqué par des ours ? » « Vous avez avalé un caillou ? » comptent parmi les différentes possibilités. A vous d’en trouver d’autres au gré de votre humeur. L’ironie est fortement recommandée. Merci à vous ! C’est très gentil de me saluer ! En revanche, évitez les jurons ou les agressions physiques.  Il n’en vaut pas la peine… Et puis peut-être est-il vraiment sourd, qu’en savez-vous ?...

3) Se résigner, lui trouver des excuses. Il/elle ne vous a pas dit bonjour, tant pis. Après tout, vous ne le connaissez ni d’Eve ni d’Adam. Et puis ce n’est peut-être pas un « bon jour » pour lui. Peut-être vous aurait-il répondu si vous lui aviez dit « Mauvais jour, n’est-ce pas ? » Mais inutile de remuer le couteau dans la plaie. Chacun a ses besoins de solitude… Laissez-le tranquille. Économisez votre salive, gardez-la pour dire « je t’aime » à vos proches ou à toute personne susceptible de vous entendre.

Signaler ce texte