C'est bizarre Paris

C'est tout bizarre Paris vu de l'extérieur, sorte de micro sphère avec des règles à part, plein d'électricité dans l'air 24h/24, des gens tout le temps énervés, pressés qui courent qui courent...

des taxis dévalant les pavés à toute blinde, pilant d'un coup, rasant les pare-chocs en tenant le volant d'un doigt...la dernière fois je suis descendue à un feu rouge.

des rames qui grincent sous le macadam dans des virages dignes d'un manège de foire, avec tous les gens qui s'essayent à la pole dance en même temps avant de se marcher sur les pieds pour se ruer plus vite dans des couloirs dont l'odeur poisseuse colle aux narines et s'imprime, puis glissent furtivement le long de carrelages aveuglants et suintants en mode bas relief égyptien,

des immeubles très chics dehors avec des escaliers couvert de tapis rouges jamais isolés du dedans, ne laissant aucun doute sur l'intimité des voisins, 

des cafés où le prix d'une boule de glace est celui d'une poire Belle Hélène en province,

des musées et expositions où il faut acheter son ticket des semaines à l'avance, des queues partout où les gens piétinent benoitement même sous une pluie battante ou en plein cagnard,

et puis surtout ce qui est très étrange à Paris, c'est la remise du courrier.

Quand j'habitais Paris, il y avait une dame concierge en bas de l'immeuble qui distribuait le courrier le soir aux habitants, sortant de sa loge impromptu pour parler aux gens qui rentraient chez eux. T'es là, peinard, t'attends l'ascenseur, rêvasse, quand d'un coup la dame sort de sa boite et dit d'une voix si forte que même les habitants du  6° l'ont entendue: "fallait que je vous dise que le local à poussettes..."

Et puis pas de boites aux lettres, pas de noms sur les portes des appartements. Tu n'es pas Mr Dupont qui habite au 4° mais Mr X qui habite au 4° gauche droite. Comprendre que sur la gauche du pallier t'habites l'appartement de droite...

Super mystérieux d'un côté cette manière de résider quelque part sans oser mettre son nom sur sa porte, super intrusif pour la provinciale que je suis de savoir qu'une personne que je ne connais pas intimement va savoir qui m'écrit, ce que j'ai commandé, jaser dans mon dos avec le facteur ou un autre résident si j'ai reçu un recommandé, une lettre d'huissier, surveiller mes allées et venues..Mon introversion naturelle se hérisse.

Et puis il semble manifestement qu'à Paris le courrier n'arrive pas toujours, surtout qu'il y a de moins en moins de dames pour le réceptionner, même quand le courrier ou le paquet important est livré moyennant finances élevées pour s'assurer que le destinataire va bien le recevoir.

Voilà comment depuis ma campagne, je vais de ce pas envoyer un courrier dûment recommandé à un vendeur de téléphone. Pas cool d'acheter un S7 et de n'en trouver que l'emballage jeté dans la montée d'escalier, le récépissé signé d'un tiers fantôme qui a piqué l'engin, du fait que le facteur a posé le colis sur le paillasson sans autre forme de procès malgré moult réclamations des résidents auprès de la poste locale, laquelle s'en tape le coquillard.

Bon, je n'aime pas Paris mais alors pas du tout vous l'aurez compris. J'en suis partie il y a 25 ans parce que je ne supportais plus le bruit, la foule, le métro, la voisine du dessus et ses fiestas au-dessus de mon lit cinq soirs par semaine - les autres elle était à Deauville - l'absence de mode de garde pour les bébés sauf à s'être inscrit à la crèche avant la conception (!), l'impossibilité de prendre le métro avec une poussette, cette façon de ne jamais arriver à se parler en prenant le temps de le faire, cette course en avant perpétuelle, ce mépris hautain et récurrent pour les provinciaux, cette grandeur qui met l'habitant à grande distance de tout, tout en l'enfermant dans les murs jusqu'à point d'heure dans des embouteillages chroniques et des vapeurs d'échappement.

C'est une ville de plus et de trop quand j'ai besoin de moins, de peu et de mieux.