C'est difficile, le monde dans la gueule. C'est difficile, de bien voir, de bien entendre, de tout sentir, sans filtre.

Je sors de cette épuisante journée où je n'ai fais que plonger mes yeux dans le vide, et me rendre sourde aux éternels discours de ces professeurs dont je n'aurais pas retenu un mot.

Je vais prendre le métro, toute seule.
Je rentre dans le deuxième wagon et je m'assois sur le siège contre la fenêtre près des portes. Je met mes écouteurs, du Saez, comme à mon habitude, et le métro démarre.

Bon dieu, que je me sens mal.
Tous les jours se suivent et se ressemblent.

Je regarde tous ces gens entassés autour de moi.
Il y en a de tout âge. Pendant 10 arrêts je les analyse tous. Certains ont l'air terriblement fatigués, le regard dans le vide, d'autres font comme moi, écoutent de la musique.
Quelques uns parlent de tout et de rien, rigolent, s'engueulent, lisent un bouquin, mangent, envoient des textos..
Personne n'ose vraiment se regarder.
Quand je croise le regard de quelqu'un, je ne baisse pas les yeux. Quelque fois on m'adresse un sourire, ou on me regarde de travers pour me faire comprendre que je dérange.
Beaucoup sont déstabilisés quand ils se rendent compte que je les dévisage.
J'essaye de trouver la faille dans leurs yeux, leur histoire, le sentiment qu'ils sont entrain d'éprouver.
Certains sont perdus dans leur pensées, esquissent un sourire ou au contraire froncent les sourcils.
Je me demande tellement à quoi ils pensent : ce qu'ils ont fait de leur journée, où vont-ils rentrer, dans quels bras vont-t 'ils s'étreindre.
Je me fais une tonne de films.

Puis je regarde ma vie.
Je suis seule, assise sur cette même place.
Je ne connais aucun de ces gens, rien de leur vie et je me rend compte que c'est pareil pour moi.
Ma vie n'est pas un film.
Je suis un robot.
Je répète automatiquement les mêmes choses, chaque jour.

Tous les soirs dans ce métro je me pose l'éternelle question "qu'est-ce que tu vas devenir?", et jamais je ne trouve de réponse.

Ce trajet me rend tellement triste. 
Rien ne change. Je suis là, plantée, à regarder les gens qui rentrent et sortent de ce wagon.
Le trajet me semble interminable.

J'étouffe.

J'ai envie de voyage, d'aller à la mer, qu'on me câline, qu'on me porte de l'attention, j'ai envie de liberté, de soleil, d'air frais, de réconfort.
Je pense beaucoup à lui..
Il me manque, je l'imagine assis à côté de moi. Je n'en peux plus d'être si loin de lui, ça me bouffe, ça me tue tous les jours un peu plus. 
Sixième arrêt. Un couple vient s'asseoir en face de moi. Les amoureux sont entrain de s'embrasser à pleine bouche.
Leur bonheur me dégoute.

Pourquoi j'ai pas le droit de vivre ça, tout de suite ?

J'ai terriblement envie de pleurer. 
Ma playlist de Saez et Fauve, m'y encourage doublement. Je ne supporte plus cette solitude.
J'en ai assez de vivre ici, de faire comme si tout allait bien, de devoir rentrer chez moi et affronter tous ces foutus problèmes.
J'ai mal à la tête.

Le wagon se vide de plus en plus. On n'est plus que deux ou trois. 
Les lumières s'éteignent et se rallument, le métro change de voie et ralenti.
Terminus, j'arrive enfin.

Demain je revivrai la même chose, encore.