C'est le soleil

C'est le soleil qui brûle les plantes de là-bas, les maisons et leurs persiennes entrouvertes l'empêchent de rentrer, il n'est pas le bienvenu celui qui détruit les moissons et les champs, le gagne-pain des agriculteurs de là-bas. Vite! Faire les vendanges, préserver les belles grappes de raisins bien croquants, conserver le vin dans des tonneaux bien propres, déjà on sent la bonne odeur fraîche de la cave, le frisson que l'on éprouve quand on y pénètre, que de siècles passés représentent cette ambiance calme, à l'abri du soleil! Tout ira à l'unique petit-fils, celui-ci est riche de la terre de là-bas, il possède déjà un océan de champs de blé, d'amandiers, d'oliviers, pas besoin de testament, tout se fait par la parole, comme avant: "Tout ceci est à toi" a déclaré le grand-père fier comme Artaban. Engager des hommes, même des étrangers pour cultiver les produits de là-bas, pour qu'ils ne meurent, le feront-ils? Toutes ces terres, cet or qui grille au soleil, cet argent pour lequel on s'est battu, on a trahi parfois, certaines ont été vendues, quand on a pu, d'autres dorment inlassablement, beaucoup de jeunes sont partis, ont délaissé leur patrimoine. Je le sens en moi ce patrimoine, il vit dans mes souvenirs, au coeur de ma poitrine, je le vois qui brûle, qui dore (du verbe dorer), sous la lumière de là-bas, même si mon père a vendu ou cédé ses terrains. Un gentil neveu a récupéré un jardin, un grand jardin, pas un lopin de terre, il fait honneur à mon père en le cultivant, que vivent les citronniers, les légumes au goût de soleil, leur saveur est bien meilleure qu'ailleurs, un ailleurs où des cousins ont planté des graines de là-bas...