C'est le St E qu'on aime

Jean Claude Blanc

Evocation de notre ville St Etienne Loire; ville des gueules noires, des verts, mais aussi de la décadence, au passé périmé

   C’est le Saint E. qu’on aime

Fait de la peine St E, la cité des « bosseignes »

Tellement, on est fauchés, disparaissent les enseignes

Pour sauver apparences, on décape les façades

En guise de décor, on masque nos brimades

On en fait tout un plat, de notre passé fleuri

Les mines, la Manu, le cycle, passementerie

Les manchots du football, sont notre ultime vitrine

Le grisou peint en vert, écologie oblige

Vieillards et chômeurs, désormais au rebut

Place de Peuple rendue, aux gangs d’hurluberlus

Le stéphanois vantard, a le bec cloué

Du boulot, y’en a plus, sait plus à qui se vouer

C’est qu’à la nuit tombée que prennent le relai

Les canailles racailles, aux coins des rues tapis

Le citoyen frileux, regagne son pigeonnier

Car il vaut mieux chez soi, mimer plus belle la vie

Symbole de la guigne, de la décrépitude

De jouer les prolos, on a pris l’habitude

Question d’être gagnant, pas notre tempérament

Les savants étudiants, déjà ont foutu le camp

On flambe de souvenirs, mais c’est plus le moment

A l’heure où se démènent, entreprises florissantes

On passe notre temps, marchander nos idées

Discours de braves gens, flatteries bon marché

On a baissé les bras, amorphes, anesthésiés

Quand d’autres font illusion, avancent sur le progrès

2, 3 sous dans la poche, on trinque à l’amitié

Même si on n’est pas riche, nous reste la santé

La cité de la peur, faut pas exagérer

Faut dire ne fait pas bon, promener les mémés

La pègre, les camés, bagnoles trafiquées

C’est la loi de la jungle, les fauves sont lâchés

Les accoudés aux bars, s’envoient des rouges limés

Se sont bien fait leur beurre, nos sages bienfaiteurs

Maires, ministres, gauche, droite, députés, sénateurs

Qu’ont-ils fait pour les leurs, quand étaient aux manettes

Que s’emplir portefeuilles, le souci de paraitre

Et pourtant, on plaisante, pour chasser nos misères

Fatalistes mendigots, qu’on tient par la crinière

Ambition, interdite, ça peut porter la poisse

Quand t’es de ce pays, du surplus, tu t’en passes

Gros bourg de péquenots, descendus des montagnes

Nous on vit entre nous, même si c’est pas cocagne

Autour de nous, s’agite, un monde carnivore

Pourvu qu’on boive un coup, nos craintes s’évaporent

Je dresse pour mémoire, la liste de nos prophètes

De Durafour, Neuwirth, à l’érudite grosse tête…

Illustres disparus, référence à la dette

Cité des 7 collines, et crassiers à perpète

Les nouveaux gouverneurs, politiques amateurs

Se disputent les honneurs, au palais des clameurs

Ce serait trop vanter, leur auguste majesté

Vous les citerai pas, est maigre leur succès

Capitale du Forez, vu de loin, beau reflet

En s’approchant plus près, déjà on est stressé

Remonte la Grand Rue, le tram, nommé délire…

Arrivant à Bellevue, on pense qu’à déguerpir

Quartiers tout déglingués, aux immeubles squattés

Desservi par les airs, paraboles, internet

Voie ferrée, autoroute, aux réseaux saturés

Ne peuvent moisir ici, que bandes de désoeuvrés

Est facile à décrire, ma ville de débraillés

Sur les trottoirs quêtent, les gosses, les étrangers

Entre Clermont et Lyon, on va pas s’arrêter

Notre Saint E, s’enlise, le fric s’est barré

Y’a que les jours de foot, qu’on retrouve de l’ardeur

S’affublent cocardes vertes, supporters pour la gloire

Quelques heures à chanter, leur éphémère victoire

Les lendemains amers, font taire les hauts parleurs

A croire qu’on est maudit, on recueille les bannis

Gentille mégalopole, qu’a plus sou de génie

De nouvelles gueules noires, se voilent fièrement la face

Leur peau tellement tannée, en garde les stigmates…

Evidence cruelle, ST E est périmé

Cheminées des usines, ont cessé de fumer

La houille a encrassé, poumons silicosés

On soigne les blessures, d’un passé d’éclopés

En est ainsi des villes, qui n’ont pas su muter

Abrutis des exploits, légués par leurs ainés

Le stéphanois basique, se contente de rêver

Préfère jouer aux boules, bêcher son jardinet

Notre hymne, « allez les verts », l’ai un peu trafiqué

Le verre dans le gosier, ainsi, on l’aime ST E              JC Blanc   novembre 2013

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