C'est l'histoire d'un mec...

vidok

L’heure fatidique approchait. Avachi sur son lit, il admirait les quelques minutes restantes. Une minute, habituellement si longue, filait à toute allure. Le temps semblait vouloir avancer l’inéluctable. Le jeune homme se releva péniblement. Il n’avait aucun problème de rhumatismes, ne semblait pas exténué suite une activité physique trop intense, et aucune nouvelle assommante n’avait fini sa course dans son organe auditif (en tout cas, pour le moment, pensait-il). Il mit machinalement son veston, s’équipa de ses chaussures plus grises que noires et, finalement, s’assura que son antre restait dans la pénombre. Les deniers ne rentrent pas spécialement facilement et notre homme en avait assez de se faire agresser par les factures surgissant de sa boîte aux lettres, accusant des consommations d’électricité supérieures à la moyenne. Période hivernale oblige, les radiateurs tournaient habituellement à plein régime.

Les couloirs de la résidence étaient calmes, étrangement calmes, trop calmes. Où était le concierge avec son resplendissant sourire à croire que tout dans la vie lui réussissait ? Où était la charmante voisine hautaine, certes, mais au charme certain ? Où était le quotidien mécréant qui pousse la porte alors que vous êtes déjà en train de pousser de votre côté ? Nulle âme humaine ne circulait, les premiers soupçons de l’individu se révélèrent. Si les conspirateurs s’étaient tus jusqu’alors, ce n’était que pour brailler davantage dans les rues, chemin obligatoire pour rejoindre la maison de toutes les corvées. L’incivisme des gens faisait bonne figure au milieu de ce paysage grisâtre et ô combien venteux.

Un refus de priorité à droite, une grand-mère sur le point d’être réduite à l’état de confiture de fraise à un mètre près ou encore cette femme qui prétend savoir conduire mais cale dès le premier panneau « Cédez le passage ». Notre jeune homme, bien que remarquant les petits travers des êtres l’entourant, n’y prêtait guère de crédit. Ni même au jeune collégien, braqué sur son scooter de 50 centimètres cube roulant à 20 km/h et osant lui proférer un « aller, bouge ton cul ! ». Comment ne pas sourire devant une telle décadence ? Ce n’est pas tant le pauvre scooter qui prêtait à la moquerie mais plutôt le sérieux dont avait fait preuve l’énergumène dans ses paroles. L’homme était-il si éloigné qu’il le laissait entendre du primate ? Le jeune homme ne semblait pas en être aussi sûr que certains savants de renommée mondiale… dont il ne retenait pas les noms, il avait déjà bien assez d’idées qui bifurquaient par sa boîte crânienne. Peut-être que notre individu ne pensait pas à toutes ces choses et, enfermé entre ses deux écouteurs, ne faisait pas attention à son entourage. Qui sait ? Encore aurait-il fallu être dans sa tête pour y répondre… encore que…

La traversée du campus se fit sans aucun dommage, si ce n’est la solidification du petit doigt de la main droite qui avait perdu sa bataille contre le froid environnant. Arrivé dans les couloirs, déserts, notre homme se mit à tourner en rond. Il rencontra un de ses comparses qui attendaient visiblement pour le même événement que lui. Les deux ne semblaient ni stressés, ni réellement heureux d’être là, toutefois, les deux étaient prêts. Les minutes passèrent, les échanges verbaux vaquaient d’un sujet à l’autre : les jeux vidéo, l’entretien, les amis, l’entretien, l’emploi du temps, l’entretien. Aucun doute là-dessus : ils n’étaient pas stressés…

Soudain, une porte s’ouvrit devant eux, puis une seconde de l’autre côté. Deux élèves en sortirent, soulagés, ainsi que deux personnes plus âgées. Il était trop tard pour fuir, ils étaient cernés. Chacun des deux individus regagna son futur bourreau…

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