C'était demain (extrait)

Jacques Lagrois

-Mettez vous en face de la caméra, et posez votre avant bras droit sur la surface vitrée qui est à votre droite. Magnez vous

 Année 2050, Cité du Mirail, j’étais vraiment descendu bien bas, les machines me parlaient comme mes voisins, ce ton et ces expressions ne pouvaient que vous rappeler où vous étiez, et ce foutu numéro qu’on m’avait implanté dans la peau qui ne voulait pas s’afficher !

-Affole toi, le gaulois ou dégage

 -Oui , mais votre machine ne prend pas en compte mon implant, comment dois je faire ?

 Voilà où j’en étais à discuter avec une voix synthétique pas aimable du tout, pour tout dire au moins autant qu’une employée de la sécu après sa journée de travail, il y a trente cinq ans. Tout  cela pour pouvoir prendre le passage, sentant tantôt la pisse ou le produit désinfectant qui allait me mener à mon taudis.

 -Tu joues avec ma patience, n’essaies pas de m’embrouiller les circuits imprimés et me prends pas pour un code barre, je suis conçu pour résister à toutes les situations. Applique ton avant bras sur le lecteur ou dégage, sinon j’appelle la sécurité.

 -Non inutile d’appeler vos agents, Je vais essayer de régler ce problème. Excusez-moi.

-Attention, t’arrêtes de faire des circonvolutions de langage avec moi, ça pourrait te coûter ton accès. A huit heures et demi, c’est le couvre feu dans cette zone, t’as intérêt à être à l’heure, sinon tu restes dehors.

Comment ai-je pu en arriver là ? Il y a six mois un logiciel avec une voix douce et féminine m ‘accueillait à la porte d’entrée de ma villa, je jouissais de toutes les facilités que mon emploi m’offrait. La maison était grande, complètement informatisée, un poste TV mural dans toutes les pièces qui s’allumait et s’éteignait suivant mes déplacements. Un émetteur récepteur greffé à l’oreille, déconnectable à la voix, chargé de dizaines d’heures de musique, me permettait également de me tenir informé des informations nationales, me mettait en contact avec qui je voulais pourvu que celui-ci soit dans la banque de données. Au bureau je gérais des dossiers intéressants même s’il me fallait faire parfois le forcing pour imposer le code du travail ou mettre en avant les manquements de certaines entreprises. Mon emploi au ministère de la justice, l’un des seuls a ne pas avoir été privatisé dans les années 2025, et mon statut me mettait à l’abri des niches cédées petit à petit aux milices privées et aux juges de paix ne dépendant pas du ministère, quant à l’inspection du travail, la structure sur laquelle je pouvais encore m’appuyer, elle résistait tant bien que mal avec peu de moyens et des dons de citoyens soucieux de ne pas voir s’éteindre cette voix défendant des lois réalisés pour eux. Mon bureau était spacieux et donnait sur l’un des seuls espaces boisés de la capitale, mes collègues étaient sympathiques et nous passions des moments en fin de semaine à jouer au tennis dans l’enceinte VIP. Les vacances deux fois par an étaient agréables, et le célibat régnant maintenant depuis quelques années nous mettaient tous et toutes à l’abri des disputes et divorces qui avaient augmentés depuis que les femmes avaient été obligées de se faire ligaturer les trompes. Seules quelques unes triées sur le volet et choisies par « Select one », chargées de la procréation avaient le droit d’enfanter. Toutes ces conditions avaient rendues avec le temps les femmes plus disponibles aux aventures. Quelques couples résistaient et vivaient encore ensemble, mais ils n’étaient plus légions.

Extrait d'une nouvelle en cours

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