Chroniques perdues : Rodrigo Amarante - Cavalo

Eric Rktn

L'Homme n'est jamais seul et malgré les distances qu'il prend, il n'est pas à l'abri de tomber sur quelqu'un.

Rodrigo Amarante est de ceux qui ont enchainé les groupes, les collaborations, les succès aussi. La meilleure manière de prendre sur lui le recul nécessaire était donc de repartir, pas tout à fait à zéro mais au moins isolé, plutôt que bien accompagné. Les rencontres enrichissent, forment les jeunesses, mais déforment aussi les visions personnelles. Il s'agit de lâcher la bride et de laisser les mots prendre le temps de grandir en soi, comme cultiver sa plante intérieure, pas celle des pieds, hein. Il est tentant de la faire pousser au plus vite pour qu'elle devienne comme on l'imaginait, par des engrais différents, une exposition au soleil calculée, un dosage précis de l'eau, mais que se passerait-il si l'on laissait simplement faire le Temps ? "Cavalo" répond à cette question et laisse naître les imperfections, les mélodies de sous-sol au piano, les paroles au français approximatif. Il est question de sensations plutôt qu'une quête de sens frontal, de ressenti, comme éplucher une à une les couches d'un oignon à l'envers, à chaque pelure ôtée ce n'est pas un pas vers l'introspection, mais une universalité dans laquelle chaque chose vivante a sa place, où la somme des solitudes humaines forment un paysage global.

« Cavalo » est l'album de l'exil, celui qui laisse sur le bord de la route les noms croisés, aussi prestigieux soient-ils : Devendra Banhart, Fabrizio Moretti et les brésiliens de Los Hermanos, puisant sa force dans les poèmes de Pablo Neruda, la mélancolie de Joao Gilberto et les heures à parcourir l'Amérique du Sud. Peu importe l'endroit du monde où l'on peut atterrir tant qu'on s'y sent comme à la maison.

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