Clair de Diane

Eclipse de Diane.

Je me lève ce matin, il fait encore noir et elle n'est plus là.

Je parcours la maison, effrayé, effaré de voir que toute trace de ma princesse blonde est effacée.
Encore hier soir nous parlions de notre prochain voyage vers Titan. Les billets étaient pris, nos plans pour ce séjour dans la station balnéaire jupitérienne élaborés.

Et là : plus de Diane, une éclipse totale.

Eclipse était le mot exact, Diane est l'astre central de ma vie, ma planète mère, mon étoile. Sa disparition laisse une zone d'ombre dans ma tête et dans mon cœur. Tout n'est plus que brume et terre désolée soumise au vent glacial de l'espace assombri.

Il faut que je me rappelle ses derniers mots, ses derniers gestes. 
Comme tous les soirs je la regardais évoluer dans la maison. De son déplacement aérien de Sellenite, elle parcourait les pièces à quelques centimètres au-dessus du sol. Sa voix chantante emplissait les pièces et ses mots éclairaient mon esprit.

Quand je l’ai rencontré, les unions entre les terriens et les habitants de la lune n’étaient pas courantes. D’ailleurs dans ma ville, la seule Sellenite présente était Diane. 
Au premier regard, ses yeux en amande et sa peau olivâtre déclenchèrent en moi des marées d’affection, plus qu’un ensorcellement, une divination. Sa finesse d’esprit et son humour firent le reste.

Que s’était-il passé ? Où était-elle ?
Je reste là, prostré, tandis que la nuit n’en finit plus.

Croissant de Diane.

La tête dans les genoux, je sanglote en silence. 
Soudain, il me revient à l’esprit une chose que j’avais choisie d’oublier volontairement, tellement elle me terrifiait. Les habitants de la lune sont un jour appelés à la cérémonie du croissant.

Cette cérémonie mensuelle nécessitait le sacrifice de centaines de Sellenites depuis la nuit des temps.
Pour pouvoir générer une clarté comme la sienne, la lune est servie par la capacité d’autocombustion de ses natifs. Sans ce sacrifice, l’astre s’éteindrait, entraînant sa mort ainsi que des nuits éternellement noires sur terre.

Il n’y avait pas de convocation. Le jour où le croissant s’accroissait pour aller vers la pleine lune. Le sellenite sentant de façon aussi étrange qu’innée que son tour était venu, se téléportait sur sa planète et entrait en autocombustion. La lumière produit piquetait la surface de lueurs qui réunies toutes ensembles formaient la pleine lune.

Clair de Diane

C’était donc cela. 

Le tour de Diane, de ma Diane, était venu. 

Ma tristesse s’accentue même si la cérémonie du croissant m’était connue et que j’acceptais ce risque énorme de la voir disparaître un jour à jamais. Elle ne m’en parlait pas mais je suis sûr que chaque nuit son esprit se tournait vers le ciel et elle se demandait si il y aurait un lendemain.
Et puis d’un coup, ma peine disparaît. Je n’ai pas perdu ma princesse, elle est là, près de moi pour toujours pour éclairer mes nuits.

Je sors dans le jardin, pieds nus dans l’herbe fraîche. Tout est calme.

Je sèche mes larmes et fait quelques pas pour contourner un bosquet. La nuit est magnifique à présent, et je n’ai plus peur. Je lève les yeux au ciel, regarde la lune avec passion pendant un long moment. 

Je respire doucement l’air du matin, m’enivrant de la lumière céleste. Je reviendrais désormais toutes les nuits me baigner dans cette clarté. Ma sellenite d’amour n’a pas disparu, elle est là, devant moi et elle est magnifiquement lumineuse…. Pour toujours.

Je retourne sur mes pas, traverse le jardin, et atteint notre demeure éclairé par un éblouissant clair de Diane.