Cluedo breton

ilovelivia

Que cache cette longère bretonne visitée de bon matin par un officier de police ?

C'est un chemin de terre, de cailloux et de sable, bordé d'herbes folles, de fleurs sauvages et d'épicéas, qu'il faut emprunter pour trouver la propriété. Le portail en fer forgé qu'on pourrait croire d'une autre époque se cache derrière un pin parasol penché. Les deux lourdes portes s'ouvrent automatiquement et dévoilent une allée de gravillons entourée d'un immense jardin à faire pâlir les jardiniers britanniques et japonais réunis. L'odeur de la pelouse d'un vert éclatant est relevée par la fraiche rosée matinale. Des bouquets d'hortensias rose pourpre parcourent le jardin. Sur le côté du terrain, la longère en granit brille dans toute sa longueur. L'air de le l'océan a donné aux ardoises qui composent le toit, un dégradé de bleu, vert et gris. L'entrée de la maison, que l'on trouve après avoir passé l'ancien lavoir se fait par la porte de la cuisine.

Après avoir frappé deux coups, l'officier de police Cariou pousse la porte et découvre une femme brune, assise à la table qui se tient la tête sans qu'on puisse voir son visage. Sans doute Jessica Lang qui a appelé il y a une vingtaine de minutes. Les carreaux de terre cuite qui composent le sol sont larges et solides. La grande table à manger en bois a une structure métallique grise ; c'est robuste mais tout en finesse. Dessus, du café chaud posé près de Jessica Lang fume encore. C'est une pièce claire, deux murs blancs et les autres qui reprennent le thème breton extérieur avec des belles pierres faussement irrégulières. La cuisinière la Cornue à côté de l'évier en granit noir et face aux deux fenêtres qui sont embuées par la chaleur de la cuisine - dehors c'est encore le matin - s'occupe du sort de quelques cookies en fin de cuisson. Des étagères et un tableau abstrait signé Lorthioir se partage un pan.

La longère bretonne est une maison d'un seul étage, où les pièces se succèdent, comme une évidence. Jessica Lang, une belle femme d'une trentaine d'année, l'accueille enfin et lui livre toute son angoisse en une poignée de main. Elle le guide ensuite, muette, vers la pièce qui suit la cuisine. Elle n'est séparée qu'avec une double entrée où des rideaux taupes attachés de part et d'autre, ont remplacé les portes. C'est la cheminée en pierre de granit où quelques bûches brûlent déjà, qui attire le regard en premier. Le crépitement fait vivre le salon et l'odeur du bois est installée. Le canapé en velours taupe est recouvert d'un plaid bleu roi et la bibliothèque qui se trouve en fasse du fauteuil club en dit long sur les habitants. Des classiques qui traversent les siècles de Gustave Flaubert à Delphine de Vigan, des polars qui viennent de l'autre côté de la Manche ou de l'Atlantique, des magazines lifestyle et des ELLE à n'en plus finir. La box internet est discrètement installée entre deux guides touristiques sur la Bretagne Sud et le Morbihan. Une liseuse et un mac sont éteints sur la table basse. L'officier Cariou ne perd pas une miette de tous ces détails qui pourraient se révéler importants.

La chambre qui suit le salon ne paraît pas avoir dormi. Une odeur de fleur d'oranger la parfume légèrement et la parure de lit blanche à fleurs bleues éparses est impeccablement tirée. Les oreillers sont cachés et les tables de nuit sont rangées. Seuls un livre et une petite radio portative habillent l'une d'entre elles. Une grande et belle armoire bretonne parsemée de clous dorés cache sans doute une garde-robe.

Une porte dérobée derrière un rideau nous emmène dans une chambre plus étroite, où un bureau trône au milieu de la pièce, près d'un petit canapé et d'une console en cerisier. Les doubles-rideaux rouge foncés sont fermés et un MacBook est ouvert et allumé sur la planche en verre, posé sur les deux tréteaux de bois foncé.

La porte de l'autre côté de la pièce donne sur la salle de bain. Poutres apparentes au plafond et pierres bretonnes sur tout un pan de mur, la salle de bain est pourtant lumineuse. Le sol en béton ciré brille, les vasques des deux lavabos ovales sont suspendues au mur. Dans un grand sabot blanc, posé sur un pied en fer forgé et du granit sculpté, le cadavre d'un homme d'une soixantaine d'années, continue à prendre un bain en tenant encore fermement dans sa main un iPhone. Le chargeur de l'iPhone flotte à la surface de l'eau. Électrocuté, une mort accidentelle, peut être. L'officier se tourne vers Jessica Lang. Si elle est coupable, il ne tardera pas à le savoir.

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