COMME JE NE SUIS PAS RIMBAUD

Franck Dozion

Nous nous promenions, mon ami et moi et échangions quant au devenir de l’Empereur, de l’Empire et donc, de la Nation ; oui, car la débâcle de notre pauvre armée ne faisait plus de doute aujourd’hui : nous étions vaincus et le prussien pouvait triompher.

Mon ami s’aventurait alors dans une comparaison entre l’oncle et le neveu, entre Napoléon et Bonaparte. Deux destins, mais comme il s’entêtait à me l’expliquer, deux fins identiquement tragiques pour le pays.

Je l’écoutais, certes, car il est d’une conversation toujours intéressante, cependant, mes sens s’avéraient émerveillés par ce que Dame Nature nous proposait ce jour-là : une rivière ô combien scintillante, une luminosité extraordinaire, un assemblage de couleurs aussi magique qu’incroyable, bref, j’étais envoûté et cela me comblait de bonheur.

Et c’est alors que je le vis. Oui, j’aperçus, au détour d’un buisson, un jeune homme, allongé dans l’herbe. Le bien heureux. Il paraissait se reposer et, tandis que nous nous approchions, je découvris qu’il portait un habit de soldat.

-        Je comprends la raison pour laquelle nous avons perdu la guerre, nota mon ami.

-        En effet, répondis-je.

C’est qu’il était allongé de toute sa longueur et… il dormait. Oui, il dormait si bien qu’il ne nous entendait pas. Il souriait même, allongé sur son matelas de verdure, réchauffé par les rayons du soleil printanier, bien loin des préoccupations de notre France qui se cherchait un régime du fait d’hommes comme lui. Bien loin donc, car ce jeune garçon se reposait, bercé par l’eau du ruisseau et comme enivré par les innombrables parfums de la nature offrait.

Et c’est là, oui, c’est à ce moment que je vis et compris : cette quiétude, cette posture, oui, ce beau et jeune soldat était mort ; les deux orifices apparents sur son côté droit en témoignaient.

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