Comme un garçon
je-est-un-autre
Si j'avais été un garçon, ma belle, je t'aurai accostée en costard noir, ma cravate un peu défaite, sur la terrasse d'un café. Je t'aurai un peu draguée, un poème de Baudelaire à la main, ou une histoire d'horreur comme celle que je viens de te raconter. Les lèvres ivres, je te dirais que le monde ne vaut rien, que la Terre est bien trop pourrie pour nous, même si l'imperfection du monde est belle. J'aurais été un garçon avec des cheveux noirs et les yeux sombres, le corps maigre et extatique, le regard accrocheur et doux, la voix violente et grave d'un fumeur obsessionnel compulsif, les doigts parfumés d'un thé à la rose bon marché qu'il a détesté, les lèvres désirables qui virent du bleu au rouge en fonction des lumières qui s'allument dans son cœur. Ou bien blond, les yeux tellement bleus que tu te noierais et te brûlerais à chaque échange, grand, le corps d'une bombe nucléaire, accro au café, un sourire ravageur sur ses lèvres espiègles, un sourire qui veut aussi dire « casse toi, connasse, t'es laide » ou « eh, enfoiré, ferme ta gueule », un charme marquant et mémorable, un amnésique des questions existentielles, aimable, silencieux, intelligent, misanthrope caché dans ses vêtements déchirés et ses bracelets de force aux pointes qui effrayaient les mères, qui cachaient les yeux de leurs mômes sous leurs grandes mains fines, d'un air de terreur ridicule qui me ferait rire. Peu importe mon physique. Je pourrais boire du whisky, fumer comme un sapeur, cracher en portant mes pompes lourdes avec un air de défi. Je t'aurais jetée du ciel doré pour te balancer dans la mer de la nuit, dont l'écume sont les étoiles du ciel sombre. Je t'aurais dessinée nue sur de grandes toiles, griffer tes seins, te filmer rire et courir à travers de grands rideaux transparents. Je t'aurais fait l'amour comme on boit de l'alcool, comme on trouve le mot opium beau, la tête et les cheveux en friche, et il ne resterait rien qu'un peu d'essence de tabac sur ton sexe. Je rangerais ma pipe, passerais ma main dans tes cheveux longs, jusqu'à m'emmêler les doigts dans tes cheveux mal peignés. En fait, j'aurais été un garçon un peu niais, trop dragueur, un romantique foiré, et tu m'aurais largué pour un type plus droit, moins émotif qui rassurerait les passants quand tu lui tiendrais la main.
Mais après tout, je ne suis pas un garçon, mais une pauvre fille, une sorte de cliché à la con, mais de toutes façons, tout le monde est pareil, et personne s'en rend compte. Tout le monde m'emportera dans ses désirs noirs. Je sais plus trop quoi faire des débris de ma tête. Je regarde sans arrêt les esprits des gens qui se perdent.
Superbe
· Il y a presque 10 ans ·dreamcatcher
Merci beaucoup!
· Il y a presque 10 ans ·je-est-un-autre
Tu es quelqu'un de complexe. Et ça ma plait. Texte très bien écrit!
· Il y a presque 10 ans ·Je te contredirais juste sur le fait que les gens ne sont pas tous pareil. Chacun est unique, à mon sens. Sinon le monde serait bien trop ennuyeux ^^
Encore BRAVO !
Jacinthe
Excuses moi pour les fautes de frappe ><
· Il y a presque 10 ans ·Jacinthe
Merci beaucoup pour ce que tu penses de ce texte. Ça me touche qu'on aime ce que je fais, comme ça, ce que j'écris sur l'instant.
· Il y a presque 10 ans ·Cependant crois moi, je suis quelqu'un d'extrêmement simple en fait.
Je tiens aussi à préciser que si le début est une réflexion personnelle, le reste est le point de vue d'un personnage de roman. Et si j'écris que les gens sont tous pareils, c'est pour absoudre le mot "normal", le mot "différent", personne n'est au dessus, ni en dessous d'un autre, et dans mon délire de blasée, je parle plus de la foule qu'autre chose, de ces gens qui se ressemblent tous, qui marchent tous dans la même direction, moutons noirs (à cause de la pollution tout ça). Mais il est beau, ton point de vue, j'aimerais bien penser ça un jour.
Merci encore pour ce joli commentaire.
je-est-un-autre