Communauté

Je fus réveillé en pleine nuit par l'intrusion d'une délégation sous ma tente.

-         Sachez, mes demoiselles, que je ne me laisserai pas violer sans défendre chèrement ma virginité.

-         Allez, ne rêve pas Hervé ! On vient te chercher pour une AG extraordinaire.

-         Un SS, « a Surprise Soviet » en Sortes !

-         Habille-toi ou ne t'habille toi pas, mais vient toi tout de suite !

Voilà un an que je bossais, en tant que bénévole, dans une assos de Hippie. J'étais le président-trésorier-gestionnaire-administrateur, le factotum, quoi !

-         Cool les gars ! Vous avez bien dormi ? Pas couchés ! Ok, il est encore tôt pour ce nouveau jour qui se lève, vous avez eu raison de me réveiller, cela ne pouvait surement pas attendre.

Le problème des Hippies, c'est qu'ils ne vivent pas comme nous. Ils n'acceptent aucune convention, aucune contrainte, donc se coucher avec les poules, pour se lever avec le coq, ils ne savent pas faire. Les Hippies prônent le plaisir réciproque sans prise de têtes, c'est leur seul règlement. Or today, il y avait un problème. Un membre de la communauté posait problème. Il ne voulait pas accepter le bonheur à l'état naturel, l'amour libre. Devait-on l'exclure ? Mais bannir, c'est la bannière d'une dictature bananière, donc inenvisageable à de tels esprits libertaires. Il fallait donc rééduquer, remettre sur le droit chemin détourné, l'infortuné. Le ramener à la philosophie de la liberté. Dans ces AG, parlottes sans fin, personne ne prenait jamais de décisions définitives, tout restait en l'état, en suspend et on en sortait parfois moins avancé qu'on y était entré. C'était donc mon job d'encadrer et de trancher.

-         On devrait commencer par consulter l'intéressé, non ?

-         Pourquoi pas !

-         Michael va le chercher, s'il te plait.

-         Cool mec ! Comme si c'était fait.

C'est vrai que Michael était efficace dans ces cas-là. Il n'allait pas se rouler un pétard, boire cinq bières ou forniquer à gauche et pas à droite. Non, il faisait d'abord ce qu'il avait à faire. Donc moins de trente minutes plus tard, il nous ramenait, le gus.

-         Pourquoi l'as-tu attaché ?

-         J'ai vu ça dans un film !

-         Et c'est quoi ce sang sur son visage.

-         Je n'ai pas trouvé de bandeaux pour les yeux, je les lui ai crevés, c'est plus sûr.

-         Fallait pas, c'est trop !

-         Oui, mais trop tard !

J'intervenais, il fallait une vision factuelle des faits, de fait, autrement c'était sans fin.

-         Bon, ok ! On y va les gars, ce qui est fait est fait, on ne va pas y passer la journée, non plus ! De toute façon vous saviez que Gus portait des lunettes, bien, il n'en a plus besoin à présent, c'est un plus, non ?

-         Non, car maintenant il sera obligé de porter des lunettes noires et un chien en plus. C'est un moins !

-         Certes, mais positivons néanmoins. Est-ce un bien que de voir clairement le Monde corrompu dans lequel nous vivons ? Puis, il y a des chiens sans puce, aussi ? One point, na ! Donc, revenons à l'ordre du jour, les gars ! Qu'est-il reproché à Gugus ?

-         Il n'aime qu'une femme, ne veux en essayer aucune autre et ne veux pas prêter la sienne !

-         Hum ! Effectivement c'est du sérieux !

-         Michael va chercher l'oie blanche, mais sans lui crever les yeux !

-         Cool mec, comme si c'était fait !

Trente minutes plus loin, Michael revient avec une fille de rêve.

-         Bonjour Germaine ! Ton chéri est un peu exclusif et possessif, non ?

-         Que lui avez-vous fait ?

-         Rien de grave, une simple bavure ! Mais maintenant que Gugus est aveugle, n'aurais-tu pas envie d'aller voir, ailleurs ?

-         Vous êtes de véritables monstres, j'aime Gugus, jamais je ne le laisserai et encore moins à d'autres nanas, na !

-         Merde ! C'est contagieux ! Attention je crains l'épidémie.

-         Que fait-on Patron ?

-         Combien de fois, vous ai-je dit de ne pas m'appeler Patron ?

-         Plein de fois !

-         Donc, appelez-moi, Grand Maître comme il était convenu.

-         Alors, que fait-on Grand Maître ?

-         Enterrez les ensembles sous le grand tilleul, ils seront bien !

Germaine et Gugus reposent en paix, unis pour la vie par la mort. L'épidémie a été jugulée et la secte a pu continuer à exister dans la sérénité de leur état débonnaire et hédoniste.