Confession d'un meurtrier

kira

"Mesdames, Messieurs, avant toute chose, bonjour à tous et bienvenue au débriefing. Vous êtes déjà au courant, l'aile psychiatrique du pénitencier a connu de meilleurs jours et l'équipe sur place a encore du mal à enrayer l'avancée de l'incendie provoqué par le sujet. Nous en savons encore très peu sur ce dernier, mais gardez bien à l'esprit qu'il est considéré comme particulièrement instable. Afin de fournir à l'équipe de profiler qui est déployée depuis les premières lueurs de l'aube une base solide, nous avons réussi à nous procurer une copie du second entretien avec le coupable. Vous remarquerez que je ne l'évoque aucunement comme suspect : les bandes de surveillances vidéos nous ont dévoilés de quelle manière il a réussi à braver la sécurité et à ainsi s'enfuir sans trop de difficulté vraisemblablement. Le bilan est d'ailleurs conséquent : il a arraché la carotide du psychiatre qui le suivait depuis 3 ans maintenant avant d'abattre de sang froid les quelques opposants qui ont eu le malheur de croiser son échappée. L'entretien n°1 a malheureusement péri dans les flammes qui ont lentement dévoré les archives locales du pénitencier, mais soyez attentif et ne laissez rien filtrer. La réalité dépasse bien souvent la fiction."

C'est sur ces mots que le commissaire activa la bobine. Le matériel semblait provenir d'une autre époque, le centre d'accueil pour les individus aux difficultés sociales avérées n'avait pas jugé utile de s'adonner aux joies de la numérisation. Dans la salle remplit de manière éparse, l'auditoire attendait la diffusion de la bande. Sur le grand mur blanc trônait un cliché du fuyard, il avait le visage serein, un air propret, une allure rassurante, un homme normal et plutôt attirant : seul son regard pouvait témoigner d'une sorte de démence propre à chaque individu. Ses yeux le trahissaient par le désespoir qu'ils renvoyaient. Le mécanisme émit un son assimilable à un grésillement, et le malaise s'installa parallèlement au défilement de la bande.

 

 

Entretien n°2 - Sujet : Henry Graham

 

Maman n’était pas toujours gentille avec moi, parfois, elle me serrait très fort dans ses bras, surtout depuis le départ de papa.

Elle disait qu’elle avait froid, que maintenant c’était moi l’homme de la maison et qu’il fallait que je me comporte comme tel. Souvent, Maman évoquait les «devoirs conjugaux», je ne comprenais pas encore ce terme à ce moment précis.

Elle disait qu’elle m’aimait. Parfois, quand quelque chose échappait à ma compréhension, elle en venait à me frapper. En dépit des marques qui ternissent encore mon corps aujourd’hui, il faut croire que je n’étais pas très malin. Dans ces moments la, aucun son, aucun gémissement, aucune plainte ne parvenait à s’extirper de ma cavité buccale malgré les coups qui pleuvaient et meurtrissaient ma chair. Seule des larmes muettes coulaient le long de mes joues, surtout lorsqu’elle utilisait cet étrange ustensile  qui servait habituellement à étendre les pâtes pâtissières.

Elle éclatait ensuite en sanglots, me couvrant de baisers et hoquetant dans mes oreilles rougit par la douleur à quel point j’étais indispensable à son existence.

Elle disait souvent que j’étais une poupée pour elle. Sa poupée.

Alors un jour, afin de réellement devenir cette dernière, je suis allé me maquiller et revêtir une de ses robes qui prenait la poussière dans l’armoire. Je voulais lui faire plaisir.

Tout ce dont je me rappelle, ce sont des jurons et autres expressions grivoises qu’elle m’adressait et qui sortaient en continu de sa bouche. Elle avait les yeux injectés de sang, une fine couche de sueur suintait sur son front dégagé.

J’ai passé 3 jours dehors sur le perron de la porte.

L’école, je n’en ai entendu parler que lorsque des voisins nous rendaient occasionnellement visite. Maman était intelligente, pour sur, elle m’a tout appris.

Une fois par semaine, nous allions en ville en empruntant le bus, je ne pouvais m’empêcher de me cramponner fermement à ses jupons tant l’extérieur m’effrayait. Mes seules autres sorties se limitaient aux solitaires excursions en forêt d’un petit garçon.

Puis Bill est arrivé.

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