Conversation au bord de la rivière

casimira

Conversation au bord de la rivière

Sa main est appuyée dans l’eau sur une pierre. L’eau fait des petits bourrelets de cristal sur ses doigts et à la jointure du poignet. Elle rit pendant que l’eau avance, pressée, têtue, accomplissant son petit travail d’eau transparente.

Elle porte aujourd’hui un petit haut jaune, un peu dénudé, mais je ne vais pas le lui faire remarquer. Elle est tellement belle de toute façon. Nous sommes dans les Gorges du Verdon. Elle prend des cours de canoë-kayak, mais c’est l’heure de la pause. Tout à l’heure, elle plongera dans le torrent, et je ferai le gros dos. Comme à chaque fois qu’elle plonge.

Les parois escarpées sont magnifiques, elles regorgent de soleil. De chaque côté, quelques arbres grignotent du terrain, mais quand arrive la falaise, ils ne disent plus rien. Il n’y a qu’elle qui rit encore à ce moment-là.

Pour le moment, elle discute, la tête en arrière, avec Paulo. Les mains dans l’eau et le cœur au soleil. Sa tête fume un peu et des gouttent tombent de ses mèches mouillées. L’eau arrive et quoi qu’il arrive retourne à l’eau.

Ca y est, elle va reprendre son paquetage et repartir, je le sens. La pause est finie. C’est le moment.

Emmener son chat en voyage, mais quelle idée ! Elle va bientôt me pousser dans cet immonde sac à dos. Je le déteste. J’ai chaud là-dedans et j’ai l’impression de cuire à l’intérieur.

Depuis qu’elle est en vacances ici, elle fait tous les chemins possibles à pieds, ou en canoë-kayak. J’ai l’impression qu’elle les fait tous avec moi et qu’elle les fera tous tant que je ne serai pas cuit à point. Alors, je me promène, je me promène ! Et si la cuisson tarde, c’est qu’elle me laisse sortir de temps en temps pour que je prenne l’air !

Vous savez, les chats détestent qu’on les change de territoire ! Surtout s’ils n’ont pas l’occasion de marcher à leur rythme ! Surtout si on ne leur laisse pas le temps de déchiffrer les odeurs avec la sensibilité d’une femme amoureuse !

Bon, c’est vrai que, parfois, bafouant les règles ancestrales de prudence et d’observation, je saute, aussitôt déposé sur le sol, sur un cingle plongeur, un moineau, ou une mouche.

Et puis, tout à l’heure, j’ai regardé sa main. J’ai mis du temps à renoncer à attraper le morceau de soleil qui courait dessus. Ma maîtresse parlait avec des gestes. Elle avait l’air heureuse.

Ce que je pense de Paulo ? C’est son moniteur de canoë- kayak. Bon. Je pense que ma maîtresse est un peu comme moi, parfois. Oubliant les règles de la plus élémentaire prudence, elle lance son cœur dans le coeur de l’autre. Savoir si on lui fera de la place …! Mais qui la jugera ? Surtout pas moi ! Regardez ce magnifique papillon qui vient boire entre deux cailloux!

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