Couacs à Pôle Chômage (1)

chloe-n

Il y a des matins comme ça où rien ne va. Et aujourd'hui, plus encore : j'ai rendez-vous à Pôle Chômage.

Pour ne rien arranger, il fait un froid de gueux, il neige et j'ai une bronchite carabinée. Impossible de fournir un justificatif médical pour me décharger de ce tête-à-tête qui s'annonce une fois de plus très productif (!), je ne suis pas allée voir le médecin. Plus de boulot, plus de mutuelle, et donc pas de docteur.

J'aurais préféré un entretien par téléphone ou mieux encore, par mail, mais ma conseillère a une préférence pour les rendez-vous en face-à-face.

Habillée comme un Bibendum, les poches remplies de paquets de Kleenex et de ma convocation, me voilà partie pour une expédition de plus de 30 minutes de marche sous et dans la neige. Habituellement, il me faut à peine une vingtaine de minutes mais vu les conditions climatiques et mon état de santé… Pas de boulot, pas de transports en commun. Eh oui, y'à pas de petites économies. Enfin si, justement.

Je finis par arriver, épuisée. Je ne payais pas de mine en partant de chez moi, mais là, je ne ressemble plus à rien. Un nez qui n'a rien à envier à un clown, des cernes aussi marquées qu'un panda et pour arranger le tout, le bas du jean mouillé et des traces de gadoue jusqu'aux genoux. Tu m'étonnes qu'avec une gueule pareille, je ne trouve pas de boulot…

La seule bonne nouvelle, c'est qu'il fait chaud. Deux personnes patientent devant moi. Le brusque changement de températures provoque une quinte de toux interminable suivie d'un déballage de Kleenex. La jeune femme à l'accueil me jette un regard dégoûté.

Quand vient mon tour, après avoir annoncé que j'avais rendez-vous, elle m'invite à m'asseoir… près des toilettes. Pourtant, ce n'est pas le nombre de sièges qui manque ! Une envie pressante se fait ressentir, mais les toilettes ne sont pas autorisées au public mais vu mon état, la jeune femme est plutôt contente de se débarrasser de moi et surtout de mes microbes, ne serait-ce que pour quelques minutes.

N'appréciant pas être reléguée près des toilettes comme une pestiférée, je m'installe dans la zone de documentation. La femme de l'accueil me fusille du regard, elle ne semble pas apprécier le fait que je propage mes microbes. Eh oui, je suis comme ça, j'aime partager, que voulez-vous ?!

Je patiente. Un jeune homme arrive, il n'a pas rendez-vous mais souhaite voir sa conseillère juste quelques minutes. Etant donné que l'heure du déjeuner approche à grands pas, il se retrouve presque miraculeusement nez à nez avec elle. Il lui explique que finalement il ne pourra pas effectuer la formation qu'elle lui a trouvé. On lui demande de payer des frais pour l'achat d'ustensiles pour sa formation de cuistot. Le jeune homme touche à peine plus de 400 euros par mois et s'il avance le montant demandé, il ne pourra plus payer son loyer et sans logement, plus de toit pour ses enfants. La conseillère est surprise. Elle lui répond sèchement :

— Faut savoir ce que vous voulez… Vous étiez d'accord pour cette formation ?!

— Oui mais vous ne m'avez jamais dit que je devais payer pour avoir cette formation….

— (…) Vous n'avez qu'à souscrire à un prêt !

La conseillère lui tourne le dos, la conversation est close. L'homme repart abasourdi et dépité à la fois. La conseillère ajoute à l'agent d'accueil :

— Voilà, tu te décarcasses pour leur trouver une formation et ils ne sont toujours pas contents. A se demander s'ils veulent vraiment travailler. Pff, bon je pars déjeuner.

Pour ma part, il semble que l'on m'ait oublié. Je décide de ce moment de silence pour sortir du mien, qui se trouve juste au-dessus de l'accueil et qui offre une vue imprenable sur l'ensemble de l'accueil. Les deux femmes me regardent surprises et mal à l'aise, pensant visiblement qu'il n'y avait plus personnes de l'extérieur dans les parages.

Je rappelle à l'agent d'accueil que mon rendez-vous devait avoir lieu il y a maintenant plus de… vingt minutes. Apparemment, après m'avoir accompagné jusqu'aux toilettes, elle est passée à autre chose et n'a toujours pas prévenu ma conseillère. L'agence se vide peu à peu de ses employés. La jeune femme s'active enfin. Personne ne lui répond au téléphone. Elle panique, s'agite dans tous les sens et demande à toutes les personnes qui passent où se trouve ma conseillère. Personne ne sait, personne ne l'a vu. Cette fois, c'est moi qui lui lance un regard noir. Elle comprend que ma patience commence à atteindre ses limites. Elle frappe à toutes les portes de ce niveau de l'agence, en vain. Elle finit par demander à une collègue d'aller voir à l'étage car elle ne peut pas quitter son poste. Toujours personne. L'explication vient d'une autre collègue qui descend, surprise par toute cette agitation et annonce d'un air évident :

— Ben, elle est pas là.  Elle est malade ! Elle est clouée au lit avec un rhume !

Super ! Bonjour la communication ! Il est presque 13 heures et aucun des collègues présents n'étaient au courant. Personne n'avait rendez-vous avant moi ? Etonnant…

— Ben voilà, votre rendez-vous est annulé, m'annonce la jeune femme contente de se débarrasser de moi et pouvoir prendre sa pause bien méritée.

— C'est tout ? J'ai pas de justificatif, de mot disant que je me suis présentée ?

— Non, c'est bon, je viens de le noter.

— Vous êtes sûre que c'est bon ?

— Oui, vous inquiétez pas. Vous recevrez juste une autre convocation.

1h30 pour rien. Je rentre chez moi encore plus mal que lorsque je suis partie. Cette fois, je suis complètement frigorifiée, une migraine digne d'un marteau-piqueur installé dans mon cerveau s'est invitée et une fièvre qui ne cesse de grimper m'assomme pour le restant de la journée.

Le lendemain, je me réveille avec l'impression d'avoir passé la nuit sous les roues d'un semi-remorque. Ma petite sortie de la veille n'a fait qu'empirer mon état. C'est limite si j'arrive à tenir debout.

Le lendemain, après une nuit agitée, entrecoupée de multiples quintes de toux et de nombreux réveils pour libérer mes sinus, je me traîne jusqu'à la pharmacie du coin pour renouveler mon stock d'anti-douleurs et refaire un plein de mouchoirs.

En rentrant, je découvre dans ma boîte aux lettres un courrier me signifiant… ma radiation. Eh oui, je me suis présentée malade à ma convocation et je suis radiée parce que ma conseillère est clouée au lit. C'est le monde à l'envers !

J'appelle donc la plate-forme téléphonique de Pôle Chômage. Après avoir patienté de longues minutes interminables avec le même message qui tourne en boucle et une “musique” à vous rendre dingue, qui ne fait qu'accentuer mon énervement, la personne que j'ai au bout du fil ne fait que confirmer ce que je redoutais : rien n'est noté dans mon dossier et l'absence de ma conseillère pour cette journée-là n'est mentionnée nulle part. Si la plate-forme en avait été informée, un conseiller aurait tenté de me joindre pour m'éviter tout déplacement inutile. Je dois donc retourner à l'agence, demander un justificatif que je dois ensuite adresser dans les plus brefs délais par courrier au centre de traitements, où mon dossier sera bien entendu, examiné avec le plus grand soin. Malgré mes explications, ma radiation ne peut être suspendue.

Etant déjà habillée, j'avale deux comprimés pour soulager la migraine qui ne fait que s'empirer depuis la lecture de mon courrier et retourne à l'agence en espérant retrouver la même personne à l'accueil.

La jeune femme est présente, fidèle à son poste. Dans un premier temps, elle ne semble pas me reconnaître. Je lui explique la situation légèrement agacée, tentant de garder mon calme. Elle ne comprend pas l'envoi du courrier de radiation, m'affirmant que les informations se sont croisées, que je n'ai aucun souci à me faire. Je lui relate ma conversation avec le conseiller de la plate-forme téléphonique. Elle est surprise. Elle n'a jamais entendu parler de ce genre de procédure. Elle ne sait pas comment s'y prendre et n'est pas habilitée à prendre ce genre de d'initiative.

C'est pas grave. Je suis là et je ne partirai que lorsque j'aurai ce que je suis venue chercher. Et puis il fait chaud. Voyant ma détermination à ne pas vouloir quitter les lieux et le boulet qui s'apprête à lui pourrir la journée, la jeune femme finit par aller chercher une collègue. Bien que la chargée d'accueil lui a déjà exposé mon cas, je dois réitérer mon problème. Elle vérifie mon dossier. Effectivement, mon nom figure bien sur la liste des convoqués pour la date concernée, et m'indique que c'est probablement le manque de compte-rendu dans mon dossier que l'ordinateur a considéré que je ne m'étais pas présentée.

La collègue appelée est aussi perdue que sa consoeur de l'accueil, elle non plus ne sait pas comment s'y prendre. Je lui glisse ma convocation et lui suggère d'y mettre un mot attestant ma présence et l'absence de Mme X, ma conseillère. L'idée lui plaît, ça lui évite de la paperasse d'autant que son prochain rendez-vous vient d'arriver. Après un gribouillis en guise de signature, elle aurait tout autant pu mettre une croix, elle me rend le précieux justificatif en me disant que maintenant tout est réglé. Oui, enfin ça j'aurai pu le faire moi-même. Je lui demande à défaut d'y avoir inscrit clairement son nom, d'apposer un coup de tampon de l'agence, histoire d'avoir quelque chose de plus officiel. J'ai l'impression d'abuser mais ce n'est pas à moi de subir leurs diverses carences administratives et communicatives. Je profite de la présence d'une photocopieuse non loin de là pour faire une copie (on n'est jamais trop prudent). Une fois de plus, j'ai droit à un lancé de regard désapprobateur. Une affiche au-dessus de la machine indique que celle-ci est uniquement réservée pour la recherche d'emploi et non pour régler les problèmes administratifs. Qu'importe ! Après tout, je ne serais pas là si Pôle Chômage adoptait la communication en interne. Je pousse le vice jusqu'à lui demander une enveloppe, ce que j'obtiens sans problème, dû probablement au ton agacé avec lequel je m'étais adressée aux deux femmes. Puis je me traîne jusqu'au plus proche bureau de Poste avant la dernière levée de courriers de la journée.

Deux jours plus tard, un nouveau courrier m'attend. La confirmation de ma radiation avec une note explicative pour ma réinscription sur la liste des demandeurs d'emplois, qui ne pourra s'effectuer qu'après un délai de carence fixé à plusieurs semaines.

Cette fois, je ne me déplace plus. J'ai compris que tout se passe au niveau de la plate-forme téléphonique. Le conseiller en ligne m'informe que nos courriers se sont croisés, de ne pas tenir compte de leur dernier envoi. Ma lettre a bien été réceptionné et a été prise en compte. Mon dossier sous les yeux, il m'assure que je n'ai plus de souci à me faire.


Jusqu'à la prochaine fois…

  • excellent pour rire un bon coup,désolant et nul de chez nul pour MR Popole.......

    · Il y a plus de 9 ans ·
    123321

    Plumette Du Coeur

  • Du grand n'importe quoi ..pfff par contre très bien narré ;-)

    · Il y a plus de 9 ans ·
    Ade wlw  7x7

    ade

    • Ce n'est qu'un début...

      · Il y a plus de 9 ans ·
      Au rayon des livres

      chloe-n

    • ouille !! ça fait peur la suite alors ...

      · Il y a plus de 9 ans ·
      Ade wlw  7x7

      ade

  • Anecdote : hier, je suis allé à un salon sur la mobilité internationale. Je vais sur le stand d'Erasmus +. On me confirme qu'un demandeur d'emploi peut bénéficier d'une bourse. Je me rends ensuite sur le stand de Pôle Emploi. Badaboum, je m'y attendais. Non, il faut avoir moins de 30 ans. Ce matin, je reçois par mail la newsletter de Pôle emploi "Mode d'emploi, le mag qui vous simplifie le travail".... Il y a justement un article sur Eurasmus + où je lis : "Les projets déposés par Pôle emploi concernent l’action Mobilité de la Formation et de l’Enseignement Professionnels. Ils s’adressent à tous les demandeurs d’emploi et se focalisent sur les personnes en ayant le plus besoin."
    Quelle bande de ploucs. J'aimerais bien les voir dans le vraie vie, passer un entretien de recrutement.

    · Il y a plus de 9 ans ·
    Cpetitphoto

    petisaintleu

    • Ca augmenterait le nombre de chômeurs tout en les mettant face à leurs incompétences.

      · Il y a plus de 9 ans ·
      Au rayon des livres

      chloe-n

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