Coup de foudre, non merci...

joanandmom

Un séjour à New-York, une rencontre, une voiture pourrie, une désillusion...


D'abord, il faut se baser sur le sens premier des mots pour bien les comprendre parce que dit comme ça, Coup de Foudre, ça fait rêver beaucoup de monde alors que, vous en conviendrais, un coup de foudre, c'est juste un truc qui peut vous tomber dessus et vous tuer… Je n'ai pas les statistiques exactes du nombre de décès dû à ce phénomène pour l'instant …

Et pourtant.

Alors que je me baladais dans les ruelles de Montauk (dans les Hamptons) en profitant de cet endroit que j'aime beaucoup, j'ai croisé un regard, le genre de  « regard qui te perfore de part en part, un truc dément », j'ai continué mon chemin en me dévissant le cou malgré moi pour ne pas le lâcher des yeux.

Et lui ?

Il a fait pareil… C'est là que tout se complique parce que moi, jeûne, naïve, je ne comprends pas vraiment ce qui est en train de se passer… Le week-end se termine avec cette sensation bizarre d'une rencontre du « 3ème type », enfin pour moi c'est pas le 3ème mais le 1er   (de type), bref. Une impression de vivre un moment spécial, comme si juste avec un regard, un lien s'était créé, un lien que tu n'oublies pas.

Je rentre à New-York où je passe une année, j'ai 17 ans, ma vie de petite Française expatriée reprend son cours, je me débats en anglais, je me débats pour ne pas être trop seule dans cette immensité…

Un mois aujourd'hui que je suis ici, ça pourrait être enthousiasmant de vivre cette autre vie à mille lieux de mon village de campagne, enthousiasmant de jouer à être différente mais moi, comme une idiote, je reste moi, timide, et un peu fermée aux autres.

En sortant de la bibliothèque, j'emprunte la 12eme avenue et je retrouve ce regard qui bloque sur moi, celui de Montauk, le même. Il passe au ralenti dans une voiture totalement pourrie, comme dans les films où l'image s'arrête presque, le temps est suspendu à l'action… Là, c'est la panique dans ma tête, merde, comment c'est possible, comment peut-on croiser 2 fois la même personne dans cette ville de huit millions d'habitants ? J'ai le cœur qui bat à vingt mille et les jambes qui tremblent, c'est excitant et flippant à la fois.

La voiture passe son chemin mais s'arrête un peu plus loin, c'est le chemin que je suis sensée emprunter… Que faire ? Je ne sais pas, je suis perdue… Il descend du véhicule et me regarde. Dans ma tête à cet instant, j'imagine tous les scénarios : C'est un fou dangereux, il m'a suivi depuis Montauk, il sait tout de ma vie, et va me trucider sans tarder… Ou bien une sorte d'ange gardien envoyé par ma famille pour être sûr que tout se passe bien ici… Il n'a pas vraiment une tête d'ange … Pas une seconde, je pense à cette histoire de coup de foudre, pas une seconde… Malgré la peur, je sens comme une envie de continuer à marcher sur cette route, pour voir, pour voir ce qui va se passer. De la curiosité quoi !

C'est décidé, je marche comme si de rien n'était, je ne vais pas me détourner de mon chemin à cause de lui et de cette sensation (peut-être sortie totalement de mon imaginaire), qu'il se passe quelque chose.

Il est accoudé et regarde l'Hudson river. Au moment où j'arrive à sa hauteur en regardant mes pieds, il se retourne très naturellement et me dit :

« - You see bubbles in the river, it's like bubbles of champagne!”

Ok, il est complètement cintré! Je devrais partir vite, très vite… Mais je souris… Ouai, je sais, c'est totalement ridicule. Contre toute attente, ce personnage ne me laisse pas indifférente, vous dire « il est beau comme un Dieu » serait mentir, il n'est pas du tout mon style, mais quelque chose en lui m'attire, j'en prends conscience à l'instant. Peut-être est-ce l'envie de vivre quelque chose de nouveau, ici, où ma vie est loin d'être palpitante.

« - Do you like Champagne?

- Not really… I come from France, Champagne, is in my country.

- Oh, a French girl, you are lovely, you know!”

I know, but I know what? Je suis en train de faire une connerie, oui, I know…

Ma raison me rattrape, je mets les voiles…sans me retourner. Cent mètres plus loin, il me rejoint en voiture et me propose de me ramener, je décline, je ne te connais pas, pourquoi je monterai en voiture avec toi, je ne suis pas suicidaire !

« -Come with me because you want to know me… I see you want that! “

Ben, il ne manque pas d'air! Je suis choquée mais je monte dans sa voiture, eh oui, a 17 ans on est inconscient ! Dans la voiture, il me parle, banalités sans intérêt, mais dès qu'il pose les yeux sur moi, je me liquéfie instantanément. En me déposant il me prend la main et y écrit son numéro de téléphone.

Les jours qui suivent sont insupportables, j'ai envie de l'appeler mais je me l'interdis, du coup je passe mes jours et mes nuits à y penser, une véritable obsession. Le 5eme jour, je craque, je lui envoie un sms, on se voit : je plonge. Ses étreintes sont passionnées, je sens son désir pour moi. Avec les autres garçons que j'ai fréquentés, rien n'était aussi clair, aussi fort. Lui il est cash, sans détour ni dans ses mots ni dans ses gestes, il va à l'essentiel, comme si le temps nous était compté, c'est étrange. A partir de là, tout s'enchaîne, tout mon temps libre, toute mon attention est dirigé vers lui, et uniquement lui…

Les études: secondaires.

Se faire des amis: secondaire.

La France : secondaire.

Il n'y a que LUI.

Il est plus âgé que moi, je ne sais pas où il vit, mais il m'emmène ce week-end dans les Hamptons où nous nous sommes rencontré la première fois, j'ai hâte.

Pendant ces 2 jours, je le découvre sous un autre angle, nos moments magiques s'entrecoupent, il a parfois un comportement bizarre, s'absente en bredouillant des excuses bidons, parfois il est speed et me presse pour pas grand-chose, tout cela m'effraie mais l'attraction est tellement forte que je n'y prête pas plus attention.

Mes résultats scolaires sont en chute libre, mes parents me trouvent distante au téléphone, ils s'inquiètent, ils m'attendent pour Noël. L'idée de quitter cet homme m'est insupportable, je n'ai aucune envie de rentrer mais je n'ai pas vraiment le choix, si je ne rentre pas, ils vont débarquer ici et me ramener manu military en France. Nos au revoir sont un déchirement. Nos retrouvailles un feu d'artifice. Mes vacances en France : une longue attente.

Je suis dépendante de lui, totalement. Mes parents m'ont lancé un ultimatum, si mes résultats scolaires ne s'améliorent pas, je rentre en février. Alors, je dois m'accrocher, je passe plus de temps à bosser, plus de temps à la bibliothèque. Un soir en sortant, je le découvre sur les marches :

« -What are you doing here? Nous ne devions pas nous voir demain?

- I miss you, I can't stand that.

- Moi aussi, mais je dois bosser.

- Come, you will work anther day.

- No, I'm sorry, j'ai un examen demain, I told you yesterday!

- I don't care. Come.

- No.

- You see someone else?

- NO.”

Notre première dispute. Il est en colère, ses yeux sont rouges. Finalement, je le suis.

Peu de sommeil cette nuit-là. Je foire mon examen le lendemain. Je lui en veux et lui fais des reproches, tu vois quelqu'un d'autre c'est ça ? me dit-il encore. Mais non, bon sang, je fais ça pour pouvoir rester ici avec toi, tu le sais. Quoi, mon comportement a changé ? Pardon ! Tu m'as vu quoi ? Que veut dire ce mot ? Minauder. Tu m'as vu minauder à la bibliothèque avec un garçon ! Tu délires. Je me casse.

Je suis hors de moi, une violence que je ne me connaissais pas, j'ai envie de le frapper tellement il m'énerve avec ses conneries de parano. Arrivée dans mon appart', je tourne en rond comme une lionne. Sur un coup de tête, je lui envoie un SMS « END ». Pas de réponse. Allez, il faut penser à autre chose, je me concentre sur mes exam', enfin j'essaie…

3 jours plus tard, il débarque chez moi. Ses yeux dévoilent sont état. Nouvelle dispute, tu ne peux pas me quitter comme ça… je vous passe les détails. Prise de tête, et réconciliation tard dans la nuit.

Les moments de tension se succèdent et rythment maintenant nos vies. La fatigue s'accumule, j'ai une tête de déterrer, je n'arrive plus du tout à bosser. Un matin, je n'arrive même pas à me lever, lui est parti tôt, moi j'émerge à 11 h, et prend quand même la direction de l'école. Et là, j'hallucine ! Lui qui me reproche sans cesse de le tromper avec la terre entière, lui, le regard de Montauk, il est là devant moi, dans sa voiture pourrie en grande discussion avec une brune… Je m'arrête net, la fille sort du véhicule. Je monte à sa place, il est surpris. Tu m'étonnes. Tu fais quoi là ? C'est qui cette fille ? C'est rien… Tu te fous de moi!

« - No, it's for work, only work! » Alors, tu bosses avec une nana dans ta bagnole, bien sûr, tout est normal…

Sa paranoïa est contagieuse, elle m'envahit. Au lycée, je vois les regards posés sur moi comme si j'étais une bête sauvage. Le gars qui a le casier à côté du mien voit mon malaise : « tu as une sale tête, on dirait presque que tu prends des saloperies, les gens te voit avec ce gars, ils parlent… »

Je suis sonnée, je tourne les talons et quitte cet endroit. Je suis à bout physiquement. En rentrant à l'appart', je me repasse les moments que nous avons vécu ensemble, les débuts euphorique et féerique, et depuis, les disputes et les prises de têtes, les soupçons de trahison… Ce n'est plus une belle histoire, c'est moche et laid ce qu'on vit. Je le revois s'absenter sans cesse, ses yeux rouges, elle dans sa voiture. Il faut que j'arrête. Il faut que je coupe tout contact sinon, je vais replonger comme à chaque fois.

Je ne le reverrai plus, c'est décidé.

Ma porte est déjà ouverte, et lui, il est là, dans le canapé, sur la table basse, un morceau de papier bien plié, une paille aussi. Je n'ai pas de paille chez moi. Quand il me voit, il récupère son morceau de papier, rapidement. Il a une tête de coupable, ses yeux me font peur.

« - C'est fini. Rends-moi mes clés, sors d'ici… » Il me regarde bêtement, parce que je viens de lui parler en Français et qu'il n'y comprend rien du tout. « The key ! give me the key, get out ! » Je crois ne jamais avoir hurlé aussi fort.

Il n'a pas bougé, même pas d'un centimètre, il a bloqué son regard sur moi, comme il sait trop bien le  faire, et j'ai eu peur, peur de replonger, peur qu'il me fasse du mal.  La panique. Je me suis retournée, j'ai redescendu les escaliers le plus vite que j'ai pu, et j'ai couru, couru jusqu'à ne plus en pouvoir.

Je suis rentrée en France.

C'était il y 6 mois.

Depuis, je ne crois plus ni au Père Noël, ni aux belles histoires.

Les Coups de foudre, ce n'est pas pour moi, au sens propre comme au figuré, si ça ne te tue pas, ça te fais mal, beaucoup de mal.


 La phrase en italique, gras, entre guillemets est de Fauve.
 
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